jeudi 31 décembre 2009

TERMINUS




Descendu hôtel Terminus

Le voyageur seul sans bagage

Attendant de prendre le temps

Qui à l’heure arrive toujours

Parcourt curieux sur la carte

Le menu des quatre saisons.




mercredi 30 décembre 2009

Blues de Jean Claude Luez


Fines bouches
Ou mal embouchés
Qu’on aille piano
Ou à fond la caisse
Les ans fuyant
Par tous les trous
Mieux vaut jouer
Avec le temps
Pincer le bec
Et faire l’anche
Swinguer cool
Même au-dessus
D’un nid de couacs
Avant que le cœur
Hot Soit cuit.


Jean Claude Luez est un vieux complice
grand saxophoniste,dessinateur et peintre.
en 2006,il m'a accompagné sur "Mikado des signes"

lundi 28 décembre 2009

Blues des urgences

Urgences

Ta tête sombre

Au noir des mots

Ta langue creuse

Sous ta peau

Ton œil cogne

Le mur du sang.


Urgences

Ta tête fond

Goutte à goutte

Ta langue bute

Sur ton cœur

Ton œil couvre

Le bruit du sang.


Urgences

Ta tête tombe

Face à face

Ta langue passe

Sur des lèvres

Ton œil tend

La joue du sang.


Urgences

Ta tête boit

Goutte à goutte

Ta langue noue

Des mots doux

Ton œil étreint

la soie du sang.



Le samedi 12 décembre, j’ai été admis aux urgences du CHD de Luçon puis transféré aux urgences de La Roche-sur-Yon. J’aurais pu appeler ce blues, blues de la compassion, tellement j’ai ressenti d’humanité dans le personnel soignant de ces hôpitaux, qu’ainsi je remercie.

samedi 26 décembre 2009

Du sang dans les spaghettis


L’Italie a peur. Quel sera la troisième victime des lâches attentats individuels qui visent les personnalités péninsulaires ? Alors que les tifosis se remettent à peine de l’agression du sémillant Berlusconi, victime d’un lancer de cathédrale milanaise en statuette dessoudant brutalement son sourire de deux dents, voilà qu’à son tour sa sainteté est lâchement mise à terre par une jeune possédée soudain prise d’une violente pulsion au passage de ce jeune puceau de 87 ans. Heureusement notre nymphomane papale n’a pas accompagné sa flamme d’une statuette représentant St Pierre de Rome.

Depuis de mauvaises langues de vipère lubrique disent que tout ça c’est du bluff fait pour redorer la cote des chahutés. Dans le cas de Benoit XVI, parce qu’il pense à canoniser Pie XII, le grand silencieux de la shoah, mais qui peut en vouloir au bel il cavaliere, tombeur de lolitas, et chouchou des juges ?

Non, le geste auguste du lanceur de statuette a plutôt trouvé son envol dans les propos tenus juste avant par sua emittenza en meeting : La gauche veut de faire de moi un monstre. Mais je ne suis pas un monstre parce que je suis beau et que je suis un bon garçon.

Non ce lancer d’édifice religieux n’est donc que le fait d’un jaloux voulant rectifier le portrait sans doute athée et moche qui ne peut s’acheter ni lolitas ni call girls. Un pauvre type donc, juste bon à baiser l’anneau papal.

Avec des baguettes


Peu de jours après les sirènes de Copenhague douchées en particulier par la frilosité pékinoise, rudement dénoncée par la France, notre débridé Fillon vient de chiner quelques jours au pays de la muraille. Foin du réchauffement climatique, sa mission visait à réchauffer les relations diplomatiques. Et là pas de mystère le meilleur carburant c’est le business. Et notamment le nucléaire et l’aéronautique, réacteurs et moteurs. Moteurs pour équiper le futur C919 chinois qui dans peu d’années viendra directement concurrencer …l’airbus A320.

Mais ne chinoisons pas le court terme. Demain est un autre petit livre rouge. Et puis vertu et morale, le dalaï-lama s’en souvient encore, ne mettent pas de yuans dans la soupe politique.

C’est d’ailleurs, sans doute, ce réalisme qui a conduit notre premier ministre à ignorer le procès en cours du dissident Liu Xiaobo. Dissident ex participant du printemps de Pékin en 1989 qui vient d’être condamné à 11 ans de prison pour avoir osé réclamer la liberté d’expression et d’association, autrement dit une Chine démocratique.

Au poids de la balance commerciale Chinoise, notre premier VRP a sans doute vite soupesé qu’il fallait prendre les droits de l’homme avec des baguettes.

vendredi 25 décembre 2009

Noël aux cartons


Avant de convoler pour Marrakech mettre son petit bling bling dans la crèche, notre premier communicant vient de nous facebooker un petit message, nous souhaitant d’excellentes fêtes et nous invitant à avoir le sens du partage et à l’esprit les valeurs qui font la solidarité nationale et une pensée pour ceux qui sont en difficulté, qui souffrent en ces temps de fêtes .
Genre de réveillonneries toutes faites à verser dans le bêtisier récurrent des indigestions de bûche dont la sincérité frise celle des sapins synthétiques ressortis chaque année du placard à noël.
Pensait-il alors aux 338 personnes sans domicile fixe mortes depuis le début de l’année 2009 sur notre beau territoire dont la moyenne d’âge est de 47,6 ans ?
Pensait-il particulièrement à ces douze morts de la rue enterrés depuis le début décembre ?
Ces douze morts dans leur crèche de carton entre deux chiens pour tout âne et bœuf.
Ou simplement soudain enivré par un abus d’or, d’encens ou de myrrhe ou un orgasme identitaire se remémorait-il ses propos de candidat en 2008 : Je veux si je suis élu président de la république que d’ici à deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid. Le droit à l’hébergement c’est une obligation humaine. Si on n’est plus choqué quand quelqu’un n’a plus un toit lorsqu’il fait froid et qu’il est obligé de dormir dehors, c’est tout l’équilibre de la société, où vous voulez que vos enfants vivent en paix, qui s’en trouver remis en cause .
A moins que ces 338 morts soient décidément des mauvais Français qui refusant de se lever tôt pour gagner plus se révèlent en réalité de dangereux terroristes genre saboteurs millevachiens de rails qui ne visent qu’à méchamment mettre en contradiction les neurones présidentiels en se faisant même exploser le thermomètre.
Allez ne faisons pas le fine bouche en ces temps de marrons, remercions notre honoré chanoine de Latran de ses vœux pieux comme le monde.

mercredi 23 décembre 2009

Beurs

Beurs tartine un toast en hexagone
Noirs et blancs
Venus de pays
Là-bas le soleil
Rime un chant autochtone

Oc parlait Provence
Repartit oil le noroīt

Shake-hand de parler
Polyglottes les ondes

La Loire charriait souvent
Chéchias de légionnaires
Et Mains de Fatma

Verbes
De palinodiques Politicards
Jacqueries de franchouillards
Offusquaient de bons citoyens

Parents, enfants
Cousins germains
Zizou
Ben Ichou
Le soldat inconnu

Des mamans
Nostalgie
Evoquait leur henné

Toutefois
d’aucuns se demandaient
où retourner

Français naguère
Pépé mémé gisaient sous terre

Le même cimetière
Partageaient
Mathias Thérèse Hubert

Des voisins
Des amis

Effluve du passé la souvenance

Des dimanches
De concert on savourait
Une choucroute
Une tranche de salami


Chez Ali
Le vendredi
Sa femme préparait un couscous

Des verres de thé
Trinquaient avec un médoc

Tolérance
Chacun sirotait quiet sa liqueur


J'ai trouvé ce poème d'Abdellatif Belhirch au hasard du net
plus parlant sur l'identité partagée que toutes les saillies
assassines de nos ministres.

mardi 22 décembre 2009

L'identité au faciès

Décidemment Sarko éclatera dans l’Histoire comme l’Iznogoud le plus malhabile, spécialiste du retour d’arrosage et de flamme, sans doute victime des âneries de ses conseillers thuriféraires plus courtisans que stratèges médiatiques, mais aussi de sa soif inextinguible de pouvoir qui l’entraîne en permanence dans des postures ridicules de bonimenteur et des calculs de boutiquier populiste. Ainsi ce débat sur l’identité nationale pompé sur l’exemple mitterrandien qui en d’autre temps, en soulevant le couvercle de l’immigration, avait mis le FN dans les pattes électorales de la droite, qui, lentement, se retourne contre le pompier pyromane. Non seulement, à travers cette sordide utilisation de l’Histoire, Sarko ne va pas gonfler son bas électoral, mais plutôt remettre en selle Marine et sa bande de joyeux bouffeurs de beurs. Le diabolique calcul mitterrandien avait privé jadis Jospin d’un second tour. Le stratagème sarkosien devrait paradoxalement assurer un bon résultat à la Gauche aux régionales, sauf qu’à l’occasion le FN va retrouver de belles couleurs nationalistes. Car on perçoit bien, à l’occasion des débats, que l’immigration est au cœur des échanges autour de l’identité nationale. C’est un débat sur l’identité au faciès. Quand Nadine Morano, fustige le parler verlan ou le port de la casquette à l’envers, la cible de son regard ne fait aucun doute. Et malgré ses dénégations, elle place bien le débat sur le jugement d’une image extérieure partagée par une communauté. Comment ne pas penser à l’image surannée de la baguette et du béret, la bien française…Mais parler verlan, par identification à un groupe, comme d’autres bien blancs parlent argot, n’indique en rien que le locuteur n’est pas capable de s’exprimer en parfait français. En parfait Français ? 50% des Français souhaitent l’arrêt de ce déballage, les pétitions se multiplient à ce sujet, gageons que notre Iznogoud préférera creuser sa fange.

Pour le plaisir :

Lettre de Mouloud Baubérot à Nicolas Sarkozy

12/12/2009

Cher Nicolas, Mon cher compatriote,

Tu as écrit une tribune dans Le Monde (9 décembre) qui a retenu toute mon attention. En effet, tu t’adresse à tes « compatriotes musulmans », et c’est mon cas, moi Mouloud Baubérot, frère siamois de celui qui tient ce blog.
Comme une lettre ne doit pas rester sans réponse, alors j’ai décidé, à mon tour de t’écrire. Après tout, toi aussi tu es mon « compatriote ». Et puis, comme je suis professeur d’histoire en terminale, j’ai l’habitude de corriger des copies.

Nous allons le voir, il y a plein de belles idées dans la tienne, et je vais pouvoir te citer souvent.
Mais tu as commis une légère erreur de perspective, qui gâche un peu ton propos. Et comme cela vous concerne en particulier ton frère siamois et toi, permets-moi de la rectifier.

Avant, par politesse, il faut que je me présente très brièvement. Ma famille provient de Constantine, ville française depuis 1834 et chef-lieu d’un département français depuis 1848. Nous sommes donc d’anciens Français.
D’autres nous ont rejoints peu de temps après et sont devenus Français, en 1860, tel les Niçois et les Savoyards. Nous avons intégré volontiers ces "nouveaux arrivants" et avons ajouté la pizza à nos coutumes alimentaires.

Et au siècle suivant, d’autres sont encore venus. Certains de l’Europe centrale, bien différente de notre civilisation méditerranéenne. Mais, comme tu l’écris très bien, nous sommes très « accueillants », nous autres.
Alors nous avons donc accueilli parmi eux, un certain Paul Sarkozy de Nagy-Bosca, qui fuyait l’avancée de l’Armée Rouge en 1944.
Nous sommes tellement « accueillants » que nous avons fait de son fils, ton frère siamois, immigré de la seconde génération, un Président de notre belle République.
Comment être plus accueillant ?

Mais il ne faudrait quand même pas tout confondre : entre lui et moi vois-tu, c’est moi qui accueille, et lui qui est accueilli. Ne l’oublie pas.

Ceci précisé, je suis tout à fait d’accord avec ce que tu écris :
Moi, Mouloud, l’accueillant, j’offre à ton frère siamois et à toi-même, « la reconnaissance de ce que l’autre peut lui apporter ». Mais je demande, à « celui qui arrive, le respect de ce qui était là avant vous »
Et, je vais y revenir, quand les Sarkozy sont devenus Français, le ciel de Paris s’ornait d’une Grande Mosquée, avec un beau minaret.

Je suis d’accord, moi Mouloud qui t’accueille, je dois te faire « l’offre de partager (mon) héritage, (mon) histoire [y compris en classe de terminale], (ma) civilisation), (mon) art de vivre. »
Tiens, je t’invite volontiers à manger un couscous avec moi.

Mais, naturellement, toi « qui arrives », ou toi dont c’est juste le père qui est arrivé, je te demande, comme tu l’écris toi-même, d’avoir « la volonté de (t)’inscrire sans brutalité, comme naturellement, dans cette société que (tu vas) contribuer à transformer, dans cette histoire que (tu vas) désormais contribuer à écrire. »

« Sans brutalité » : tu as bien raison, c’est important ça.
Nous, anciens Français, nous ne jouons pas au matamore, au « tu causes tu causes, c’est tout ce que tu sais faire » ; nous n’aimons pas trop tout ce qui est « bling-bling ».
Nous aimons, tu le soulignes, « l’humble discrétion » et nous comptons sur toi pour être exemplaire dans ce domaine.
Nous comptons sur toi, pour, comme tu affirmes que cela doit être le cas des « nouveaux arrivants », de te « garder de toute ostentation et de toute provocation ».
Car, toi dont le père a fui le totalitarisme, tu dois être bien « conscient de la chance que (tu as) de vivre sur une terre de liberté ».

Contrairement à moi, puisque tu n’es en France que depuis une seule génération, tu as encore beaucoup de choses à apprendre quant aux « valeurs de la République (qui) sont partie intégrante de notre identité nationale ».
Vu ta fonction, il faut que tu l’apprennes vite car « tout ce qui pourrait apparaître comme un défi lancé à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l’échec. »
Mais, je ne suis pas inquiet : tu es très doué
Donc, il suffit que je te précise un peu les choses, notamment sur la laïcité dont je parle souvent à mes élèves dans mes cours de terminale, et tu obtiendras une brillante note.

D’abord, la laïcité, ce n’est nullement « la séparation du temporel et du spirituel » comme tu l’écris.
Cette expression, elle fleure le Moyen Age, la société de chrétienté, bref l’exact contraire de la société laïque.
Comme tu as publié ta tribune le 9 décembre, jour anniversaire de la « séparation des Églises et de l’État », ta formule est particulièrement malheureuse.
Le « spirituel » et le « temporel », ce sont des notions théologiques, et cela connotait des pouvoirs.
La lutte de l’Empereur et du Pape, c’était la lutte du « pouvoir temporel » pour s’imposer face au « pouvoir spirituel ». Deux souverainetés.
En laïcité, seul « le peuple » est souverain, et donc le seul « pouvoir » est le pouvoir politique qui émane de lui. Le pouvoir, écrit Max Weber, a « le monopole de la violence légitime » : il peut réprimer par la loi.
La religion n’est pas sur le même plan. Et peut avoir, elle, autorité, si on est convaincu de sa validité.
Mais elle ne doit pas disposer de pouvoir.

Bon, la première leçon étant apprise, passons à la seconde.
Elle concerne aussi la laïcité.
Tu fais preuve d'une curieuse obsession des minarets et tu sembles assez ignorant à ce sujet.
Pour être concret, je vais te raconter l’histoire de France en la reliant à ma propre histoire d’ancien Français, du temps où toi, tu ne l’étais pas encore.
Pendant la guerre 1914-1918, mon arrière grand-père est mort au front, comme, malheureusement, beaucoup de Français, de diverses régions : Algérie, Savoie, ou Limousin, « petite patrie » de mon frère siamois.
Mais si je te raconte cela, ce n’est pas pour me cantonner dans la petite histoire, celle de ma famille, c’est pour rappeler l’Histoire tout court.
Car nous avons été environ 100 000, oui cent mille, musulmans a mourir au combat pour la France.
Nous étions déjà tellement « arrivés » en France, que nous y sommes morts !

Ces combats avaient lieu dans cette partie de la France appelée « métropole ». Ma famille y était venue, à cette occasion, et elle y est restée. A Paris, précisément.
Comme nous commencions à être assez nombreux, et provenant, outre la France, de différents pays, la République laïque a eu une très bonne idée : construire une mosquée, avec un beau minaret bien sûr.
Elle avait décidé, en 1905, de « garantir le libre exercice du culte » (Article I de la loi de séparation).
« Garantir », c’est plus que respecter. C’est prendre les dispositions nécessaires pour assurer son bon fonctionnement.

Pourquoi passes-tu tant de temps, dans ton texte, à nous parler des minarets ?
Cela n’a vraiment pas été un problème. Bien au contraire.
Et pourtant, ils étaient très laïques, tu sais, plus laïques que toi, mon chanoine, les "rad’soc" (radicaux-socialistes), les Édouard Herriot, ou Léon Bourgeois (un des « pères » de la morale laïque) qui ont pris la décision de consacrer des fonds publics à la construction de cette mosquée, de ce minaret.

Tu sais, j’aime bien fréquenter les bibliothèques. J’y ai trouvé un ouvrage d’un historien qui retrace l’histoire de cette construction. Et c’est fort intéressant.
« Il est à remarquer, écrit son auteur, Alain Boyer, que personne n’a soulevé à l’époque le problème de la compatibilité de cette subvention avec l’article 2 de la loi de 1905, concernant la séparation des Églises et de l’État qui dispose que la République ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ; il aurait pu d’ailleurs être répondu que l’État ne finançait que la partie culturelle, l’institut, et non pas la mosquée proprement dite, c'est-à-dire le lieu de culte. »

« Il aurait pu être répondu» :
Donc c’est plus tard que l’on a justifié ainsi les subventions de l’État et de la ville de Paris. Sur le moment, on s’est contenté de trouver cette construction nullement incompatible avec la loi de séparation.
C’est ce que l’on appelle une rationalisation a posteriori.

Vois-tu, comme moi aussi je suis historien, je me permets une autre interprétation, qui me semble fort plausible.
On a aussi raisonné par analogie : en effet la conséquence de l’article 1 de la loi de 1905, de sa garantie du libre exercice des cultes avait été double :
- d’une part la mise à disposition gracieuse (donc manque à gagner par absence de loyer) des édifices du culte existants en 1905 et propriété publique (des milliers et des milliers !), mise à disposition aux religions correspondantes à ces édifices (et on y a ajouté presque tout de suite le droit de faire des réparations sur fonds publics) ;
- d’autre part, la possibilité (prévue dans l’article 2 lui-même) de payer des aumôniers pour garantir le libre exercice du culte dans les lieux clos : hôpitaux, prisons, armée, internats des lycées,…

On s’est dit : étant donné tout ce que l’on consent financièrement pour garantir l’exercice des cultes catholique, juif, protestant, c’est bien le moins de donner des subventions publiques pour une Grande mosquée et son minaret.
D’ailleurs le père de la loi de 1905 Aristide Briand avait dit à son propos : « En cas de silence des textes ou de doute sur leur portée, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. »


De plus, et je vais t’étonner Nicolas, les laïques, ils aimaient bien les minarets.
Quand on a posé la 1ère pierre de la mosquée, le maréchal Lyautey a fait un très beau discours. Il a déclaré :
« Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l’Ile de France qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses. »
Et tous les dirigeants et militants laïques présents l’ont chaleureusement applaudi.

Ils étaient comme cela les laïques : ils assumaient, mais ne voulaient pas « valoriser » les « racines chrétiennes de la France ».
Ils estimaient, au contraire, que le pluralisme religieux faisait partie de son histoire, de son identité nationale laïque.
Et plus il y avait de prières différentes, plus ils étaient contents.

J’ai plein d’autres choses à t’écrire à propos de ton discours. Mais la bonne pédagogie veut que l’on ne cherche pas à en dire trop en une seule fois.
Pour le moment, assimile bien ces deux premières leçons.
Écris-nous vite une seconde tribune qui rectifie le tir.
Et on reviendra ensuite sur le « communautarisme » notamment, car la (en un seul mot ?) il y a aussi quelques petites choses à reprendre.


Ton cher compatriote
Mouloud Baubérot

mercredi 9 décembre 2009

Toussaint en décembre

«... J’écoutais Marie en silence, j’avais fermé les yeux, et j’entendais sa voix passer de mon oreille à mon cerveau, où je la sentais se propager et vivre dans mon esprit. Je n’écoutais pas vraiment ce qu’elle disait, abattu par la nouvelle dont je ne parvenais pas encore à prendre la mesure, j’écoutais simplement sa voix, la texture fragile et sensuelle de la voix de Marie. Je me sentais submergé par l’envie de pleurer, et je me raccrochais à cette voix douce qui me berçait, je collais avec force l’appareil contre mon oreille pour faire pénétrer la voix de Marie dans mon cerveau, dans mon corps, au point de me faire mal, de me rougir le pavillon de l’oreille en plaquant le plastique chaud, moite, humide, de l’appareil contre ma tempe endolorie. Les yeux fermés et sans bouger, j’écoutais la voix de Marie qui parlait à des milliers de kilomètres de là et que j’entendais par-delà les terres infinies, les campagnes et les steppes, par-delà l’étendue de la nuit et son dégradé de couleurs à la surface de la terre, par- delà les clartés mauves du crépuscule sibérien et les premières lueurs orangées des couchants
des villes est-européennes, j’écoutais la faible voix de Marie qui parlait dans le soleil du plein après-midi parisien et qui me parvenait à peine altérée dans la nuit de ce train, la faible voix de Marie qui me transportait littéralement, comme peut le faire la pensée, le rêve ou la lecture, quand dissociant le corps de l’esprit, le corps reste statique et l’esprit voyage, se dilate et s’étend et que, lentement, derrière nos yeux fermés, naissent des images et surgissent des souvenirs, des sentiments et des états nerveux, se ravivent des douleurs, des émotions enfouies, des peurs, des joies, des sensations, de froid, de chaud, d’être aimé, de ne pas savoir, dans un afflux régulier de sang dans les tempes, une accélération régulière des battements du cœur, et un ébranlement, comme une lézarde, dans la mer de larmes séchées qui est gelée en nous… »


Voilà ce style magnifique qui nous transporte c’est du Jean Philippe Toussaint extrait de « Fuir » dont la moitié du livre se passe en Chine. « Fuir est le prolongement de « Faire l’amour » paru en 2002 dont l’action se passe au Japon.

dimanche 6 décembre 2009

Sur la voûte des yeux


Mille lunettes braquées
Sur ses années lumière
L’homme fabrique du ciel
Pour sa langue d’étoile

En lui chaque jour s’ouvre
La fleur d’une planète
Qui met en orbite la terre
Sur la voûte des yeux.


allez découvrir le travail de Jean-François Bourasseau sur son blog:
http://fafagraf.blogspot.com/

vendredi 4 décembre 2009

Boules de noël


Alors qu’on lui demandait le secret de sa longévité, Churchill aurait répondu : « cigares, whisky and no sport ! » Pas de sport …L’actualité récente lui donne sacrément raison et pas la classique actualité des gradins où l’affrontement entre joyeux voyous et autres gais skinheads déborde régulièrement les stades, non celle d’un sport qu’on imaginait vraiment sans risque vital pour ses participants, la pétanque, autre glorieuse identité française. Voilà que deux faits divers viennent de nous rappeler l’extrême dangerosité de ce sport, et même pour ses collatéraux. En effet le 9 novembre, lors du traditionnel dîner dansant du club de pétanque alsacien de Kaltenhouse, 165 personnes ont dû être hospitalisées à la suite d’une intoxication au monoxyde de carbone. Le président du club a déclaré l’incident incompréhensible précisant : » le foyer communal a été rééquipé de neuf voici quelques semaines. L’installation est nickel. Les hottes aspirantes se déclenchent dès qu’on allume le gaz »…Alors mystère et boule de gomme, basse vengeance de quelques cocus mabouls des belles dégommades américaines type Fort Hood ou autres ? J’ignore si une enquête criminelle a été rondement diligentée pourtant ce mardi premier décembre, dans l’indifférence générale, en début d’après-midi un homme de 54 ans a perdu la boule et tiré au fusil de chasse sur une dizaine de personnes se trouvant sur le boulodrome de Saint-Jean-d’Angély, pas au Texas, en Charente-Maritime. Selon les premières circonvolutions hypothétiques, il voulait abattre…L’amant de sa femme. Résultat un mort et quatre blessés graves sans compter le tireur qui un peu plus tard s’est chevrotiné. Voilà, pour le moins un beau carreau. Tu tires ou tu pointes ? Décidemment imaginer que dans chaque pétanqueur à l’accent se cache peut-être un assassin, ça fout les boules. Allons revenons aux fondamentaux, cigarettes whisky et les ptites pépées…et surtout no sport sauf en chambre.

mercredi 2 décembre 2009

Autoportrait au miroir


















Fixes-tu ton visage
Pour déchiffrer ton âme
Cherches-tu une figure
Pour enchanter demain ?

Nous dans ton image
Nous caressons nos traits
Lissons le temps qui passe
A ta beauté touchante.

Trempes-tu ton regard
Dans l’onde du présent
Cherches-tu un miroir
Pour franchir l’enfance ?

Nous dans ton paysage
Nous baignons de lumière
Retenons le reflet
D’un amour accompli.

Lou a 18 ans aujourd'hui

mardi 1 décembre 2009

blues de décembre







Voilà décembre
Son manège de feuilles
Dans les jardins rouillés
Son vitrier qui passe
Pour un soleil cassé
Voilà décembre
Sa toupie de lumières
Sous un ciel en peluche
Son œil qui clignote
Dans la buée des vitrines
Voilà décembre
Son vertige de jouets
Son ours en Coluche
Que serre l’enfant
Dans les restos du cœur.

dimanche 29 novembre 2009

Quand passe la cigogne




















Quand en crue le froid déborde
Claque du bec la cigogne
Pour de blacks bébés qu’on borde
Dans de doux doux nids gigognes.




JANO vit à La Roche-Sur-Yon.Cet ami enrichit régulièrement son univers de figures poétiques en bois flottés sur lesquelles je pose ces petits textes.

samedi 28 novembre 2009

Blues du SKF


A ce moment il n’est plus rien
Amputé de tout présent
Dans le rougeoiement des palettes
Là pauvre corps enténébré
Mort même à toute colère
Dans l’épais noir de la douleur
Sans gestes, sans forme articulés
Seul dans sa pâte d’histoire
A ce moment il n’est plus rien
Ce vingt novembre 2009
Où il jette aux flammes son bleu
Cette pièce d’existence
Ce morceau rentré de mémoire
Sa seconde peau ouvrière
Cousue de bruits mais vivante
Collée au roulement du monde.

Le 20 novembre, après 40 ans de vie
l'usine SKF de Fontenay-Le-Comte(85)
est délocalisée en Bulgarie.Ce jour
Les ouvriers brûlent leur bleus de travail

mardi 24 novembre 2009

Mikado des signes








tes rêves noués
fais-toi la belle, descends
au bout de ta nuit



L'amitié a réuni le poète Jean-Pierre Sautreau et l'illustrateur Jean-Claude Luez autour d'un ouvrage Mikado des signes.
A l'occasion des 30 ans de Soc et Foc, la médiathèque Benjamin Rabier vous invite à les rencontrer, autour de l'exposition des dessins,dans le cadre d'une lecture poétique enrichie de ponctuations musicales jazz le mercredi 25 novembre à 17h.

dimanche 22 novembre 2009

La main dans la culotte nationale

La main du hasard est parfois bien cruelle pour nos petits monarques en mal d’Histoire et de chats à fouetter pour appâter les gogos. En plein débat identitaire avec baguette et camembert simpsonnant les Sarko, voilà qu’Henri la débrouille sauve le drapeau français d’une main vengeresse mais tricheuse, exécutant néanmoins roulades victorieuses et tutti quanti bombements de jabot à des poitrines trois couleurs s’arrachant les plumes de bonheur dans une communion nationaliste où foin des gratteurs de conscience nom de dieu l’important c’est de gagner et de sceller la cassette de la chaîne bétonnée des cerveaux disponibles à la consommation de tous les opiums y compris celui de la connerie qui lave jusqu’à l’honneur. Car monsieur, on est fier d’être français et pas question de laisser à l’Irlande les verts pâturages des cocoricos. Etre français comme bave l’autre à la télé c’est être malin, oui monsieur plus malin, d’ailleurs l’exemple ne vient-il pas d’en haut, la roublardise guidée par la main sondagière ne huile-t-elle pas le jeu des gouvernances. Aller aider le destin d’une main coupable mais non moins opportune n’est-ce pas astiquer l’identité nationale. Black blanc beur et on s’achète une belle âme pour reconduire aux frontières les sans identités. Face à ce vol caractérisé, du sommet de l’état au guignol Domenech, tout le monde botte en touche et se met la tête sous le gazon, préférant le déshonneur à l’humiliation d’une absence de qualification. Henri l’embrouille osant même nous faire le coup du fair-play une fois connue l’opposition de la Fifa à faire rejouer le match. Décidemment cette main dans la culotte nationale tombe mal pour nos masturbateurs d’identité.

P.S : sur antenne 2 hier, on apprenait que cette sélection vaudrait pour Domenech une prime de 862000 euros, pour chaque joueur 140000 euros plus 10000 euros par match gagné. Cette main du diable est donc une main en or. A ce prix, on comprend encore mieux qu’on soit capable de vendre son âme et de voler une victoire. Pourtant demain combien d’exclus continueront d’alimenter la caisse.

samedi 21 novembre 2009

L'oreille en manque



« Je ne cherche pas à expliquer le monde, mais à donner envie de l’écouter…je cherche à faire entendre les silences, les bruits parallèles, toutes ces choses insignifiantes qui font la chair humaine…je cherche à créer une connivence, un état de gourmandise…le monde est sombre mais il y a beaucoup de petites lumières…je fais une radio écrite". Voilà quelques mots de Kriss, notre crumble du dimanche qui nous glissait dans l’oreille ses rencontres sensibles, de la Graffiti à la voix menthe à l’eau qui vient de se casser dans ses ronds de fumée. Voilà notre vie au coin, orpheline de ce grain mutin, de ce grain coquin qui depuis 40 ans coulait sensuellement dans notre oreille. D’un coup, nous voilà de l’âge de nos artères, nous qui avions quitté « Salut les copains » puis « campus », Europe 1 pour Inter dans les années 70 et ces voix comme Kriss dont on transportait les visages fantasmés, grâce aux transistors, aux quatre coins de mos murs. Car la force de l’onde sur l’image est bien de laisser le temps glisser sur le coquillage sans percevoir les rides en coin d’un cœur. Et dieu sait si, dans le cas de Kriss, nous avions 40 ans après, toujours l’envie de tirer ses nattes dès qu’elle ouvrait le micro. D’autant qu’elle nous offrait toujours le même étonnement amoureux et la même fraicheur jeunette devant le monde et malgré tout l’espèce humaine. Villers à la retraite,Kriss envolée, voilà autant de cailloux blancs sur nos chemins impossibles à rebrousser, voilà autant de doux grains à racasser.

vendredi 20 novembre 2009

Blues des herbes folles

Un jour sur la photo
On voit en contrechamp
Soudain glisser la faux
Alors on crie moteur
Au gamin facétieux
Blotti dans les vieux os
On écrit à la plume
Dans un ciel de paille
Pour des étoiles en chair
Des histoires qui volent
Au ras des herbes folles
On tourne jusqu’au mot fin
Leurs soleils champêtres
Qui grillent la pellicule.

mercredi 18 novembre 2009

ANACHRONIQUE


Il était prévisible que l’ouverture d’un débat sur l’identité nationale par un président en mal d’amour populiste réveillerait les sanguins d’opéra, les matadors de l’étendard levé. Eric Raoult le bouillant tricolore du Raincy qui depuis peu avait trouvé dans la burqa un nouvel épouvantail à moulinets médiatiques vient de tourner ses crocs contre Marie Ndiaye lauréate du prix Goncourt, l’appelant, en tant que personnalité qui défend les couleurs de la France à un devoir de réserve et au respect de la cohésion nationale et de l’image de notre pays. Pourquoi ce coup de sang patriotique ? Parce que Marie Ndiaye, il y a quelque temps avait expliqué son installation à Berlin ainsi : « Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy…Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité…Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux…Ils représentent une forme de mort, d’abêtissement de la réflexion, un refus d’une différence possible… »Evidemment se reconnaitre dans le miroir tendu par une romancière née à …Pithiviers consacrée par le Fémina et le Goncourt doit choquer l’égo identitaire d’un boutefeu qui après s’être vu décerné en mars 2009, « pour l’ensemble de son œuvre » le premier « Y’a bon awards », prix destiné à tourner en dérision les tenants de préjugés ethno-raciaux, vient de recevoir « Le prix de l’anachronisme intellectuel » par SOS Racisme. « Anachronique », voilà bien le mot qui caractérise parfaitement le débat sur l’identité nationale mis aux surenchères publiques. Quant aux propos de Marie Ndiaye, ils paraissent d’autant plus assourdissants que la très grande majorité des intellectuels font preuve d’une très grande lâcheté vis-à-vis du pouvoir à moins qu’ils ne soient fascinés par sa langue bling-bling. En les déterrant Eric Raoult ne remue en nous que du bonheur. A l’occasion rappelons au rustre que l’identité de l’écrivain c’est d’abord sa langue et son style
Elle aménagea une semaine plus tard. C’était à Anthony, toujours au bord de la nationale mais trop loin de l’hôtel pour s’y rendre à pied. Il suffisait de longer la route, comme un fil d’acier bien tendu entre deux immeubles d’inspiration identique, l’hôtel rose et la nouvelle demeure de Rosie d’un blanc ancien et sali, mais les deux pourvus des mêmes petites fenêtres carrées. Vingt mètres plus loin, Max lui montra son propre immeuble et les quatre fenêtres que sa femme et lui avaient en façade. Il tombait une pluie grise…A cet instant, quelqu’un là-haut écarta le rideau. Rosie aperçut une figure, des yeux sombres, une bouche bienveillante. Max leva la main qui ne tenait pas le parapluie, il agita les doigts. Sa femme lui répondit. Rosie lissa ses cheveux. Elle souriait, comme Max, comme la femme là-haut. Mais quelque chose de fin, de serré, de collant, une sorte de voile à peine opaque et qui aurait pu être la mince pluie d’Anthony tombant sur son visage si Max ne l’en avait pas protégé, l’étouffait imperceptiblement, contractait son sourire, puis détournait son regard de la façade, ses yeux un peu errants, ses cils qui battaient et battaient vainement pour se libérer de ce qui s’y appesantissait et qui, se disait-elle, aurait pu être la pluie, était peut-être la pluie….

Extrait de « Rosie Carpe » prix Fémina 2001

mardi 17 novembre 2009

Blues de la bohème

La vie se meurt tranquille
Fanée de fils cousus
Mais la tête buissonne
Au moindre coup de dent
Plein de fruits défendus.

L’enfant s’embête
Dans sa cage ouverte
Prêt à voler encore
Au moindre brin de vent
Bousculant l’horlogerie.

Le cœur revient toujours
Pour une belle histoire
Dont il moud le chemin
Au moindre grain de rien
Égrenant sa bohème.

dimanche 15 novembre 2009

Sillons Sillages


Mars 1979, Giscard est aux affaires. Entre deux diamants il pianote à bretelles, s’invite à la soupe popu. Entre deux guinches il adoucit l’identité nationale, colorise d’un bleu cobalt plus clair le drapeau, abaisse d’un ton la Marseillaise, ralentit son rythme.
En mars 1979 cinq garçons dans le vent des mots s’associent autour d’un duplicateur à encre pour ancrer dans les sillons Vendéens « Soc et Foc » maison d’édition à vocation poétique.
Mars 1979, Jean François Bizot, revisitant « Actuel » dit : « Les années 80 seront actives, technologiques et gaies ».Ce sera relativement vrai pour nos mousquetaires du bocage, sélectionnant, tapant, dupliquant, agrafant, massicotant, revues et recueils trimestriels bricolés maison, tous pour un mot : Poésie.
Aujourd’hui, après, selon leur propre expression, avoir réalisé leur premier « vrai » livre en 91, nos ex barbus, vrais militants du livre, peuvent s’enorgueillir d’un catalogue de plus de cent titres associant le plus souvent un auteur et un illustrateur, réussissant une très belle création humaine et plastique.
En mars 79 Serge Gainsbourg revisitait la Marseillaise en chantant poing levé devant les paras « Aux armes et cætera », Les Pink Floyd sortait « The Wall ».
En cet automne 2009 « Soc et foc » fête ses 30 ans d’identité poétique en publiant notamment une anthologie « Sillons Sillages » autour de 59 poètes et illustrateurs.

Contact :http://www.soc-et foc.com



Vol au-dessus d’un nid de poètes



Ça bruit, ça bruisse, ça huche
Ça bombille comme ruche
Mais qui sont ces indiens
Sur le sentier des mots
Qui vont l’âme à poil
Une plume dans le cœur
Ces drôles de bipèdes
Qui affûtent leur bec
A la meule du verbe
Impriment dans la neige
Leurs pattes charbonneuses.

Ils s’échangent des visages
Des voix un peu tremblées
Des émotions qui fondent
Dans les yeux caressés
Ils se baignent au soleil
De silences sableux
Osent des tendresses
Entre deux tréteaux
Ils écoutent dans l’autre
La couleur intérieure
Qui repeint ses nuits.

Ça crie, ça cuit, ça graine
Ça fleurit à tout vent
Mais qui sont ces coucous
Dans le printemps des mots
Qui vont les doigts tachés
Un jardin dans le ventre
Ces drôles de pierrots
Qui tricotent la langue
Pour grimper aux étoiles
Sortent de leur peau
Des voyelles à tout faire.

Ils ouvrent leurs préaux
A des nids d’aquarelles
Dessinent pour l’enfance
Des endroits à l’envers
Ils s’attelent à des socs
Qui chantent la terre
Défroissent des focs
Qui ailent l’écume
Ils prennent la poésie
Pour lanterne magique
Et s’y brûlent.

vendredi 13 novembre 2009

Blues de l'érable

Cet érable qui s’effeuille
Je ne l’ai pas planté
Qui pose aujourd’hui
Contre un ciel très bleu
Ses branches d’échelle
Cet arbre où le matin
S’éclaircit mon œil
Avant de prendre l’air
Je n’ai pas grandi
Dans sa cabane d’ombre
Cet érable qui s’effeuille
Je ne l’ai pas creusé
Qui enlace aujourd’hui
Dans ses lignes noueuses
Les saisons de mon cœur.

mardi 10 novembre 2009

la lumière en prière




















Rit encore l’angelot
Me tirant sous la voûte
Immortaliser le ciel
Genoux sur le carreau
Toucher ainsi des yeux
La lumière en prière.

samedi 7 novembre 2009

Dans " La compagnie des spectres"

Vous souvenez- vous de la date d’achat ? répéta l’huissier qui était toujours posté, droit comme un i, devant la télévision…
Monsieur l’huissier il me semble préférable de vous prévenir que la saisie de ce poste risque de précipiter ma mère dans le pire des cauchemars…Pour ma mère qui vit donc retranchée dans sa chambre comme dans un bunker, la télé constitue l’assurance que le monde existe et qu’il continue de pourrir. La télé, paradoxalement, monsieur l’huissier, offre à ma mère, dans son immatérielle et chimérique existence, un contrepoint stable de réalité, je ne sais si je me fais comprendre, un phare en quelque sorte dans la nuit de son esprit( j’ai un faible pour les images poétiques, quoique je m’en défende), un repère terrestre, assuré, permanent, et quasiment invariable d’un jour sur l’autre( la même soupe infâme chaque jour, corrigeai-je en moi-même) auquel elle se raccroche afin de se défendre des vertiges et des sauts dans le vide où son âme sans cesse est appelée.
Mais parfois ma mère…se prend à douter de la réalité du monde qu’elle observe sur l’écran. Il me semble ma chérie, me confie-t-elle, que ce monde n’existe pas pour de vrai. Il me semble que c’est un feuilleton tourné par des figurants dans un studio vaste comme la terre et dirigé par un metteur en scène abominable, Putain peut-être, ou Darnand, ou un autre porc de son espèce, ou pis encore une puissance occulte ou diabolique sur laquelle nul n’a de prise, en tout cas, dit maman un être, une instance ou Dieu sait quoi qui a un faible pour les films d’action avec des morts, des guerres, des dévastations, du sang partout et des cascades…


Trop court extrait de « La compagnie des spectres » de Lydie Salvayre, délicieux huis-clos entre une fille et sa mère confrontées à la visite d’un huissier. C’est furieusement décapant et drôle. Un style d’une grande dynamique inventive et d’une merveilleuse radicalité. Une auteure à lire, fille de réfugiés espagnols entrés en France en 39, par ces temps nauséabonds d’interrogation Vichyste et de divagation milicienne.

jeudi 5 novembre 2009

La france sur ses ergots

Il y a toujours eu des personnages tirant les ficelles de l’antipathie afin de faire leur trou dans l’Histoire. Quatre au moins, aujourd’hui, se disputent le créneau. Mais les Hortefeux, Morano,
Lefebvre n’arrivent pas à l’enflé des chevilles, cravaté bleu ou rose selon, le raide Besson. Celui-là est la caricature de l’urticant ne trouvant jouissance, sans doute, que dans le degré de rejet qu’il suscite. S’il est vrai que le félon a toujours fait le meilleur collaborateur, il reste que son zèle stupéfie. La jungle Calaisienne à peine médiatiquement nettoyée, trois pauvres bougres Afghans renvoyés aux talibans, voilà qu’il nous enfume d’un grand débat préfectoral sur l’identité nationale. Y-a-t’il, sur ce grand sujet péril en l’hexagone ? La burka envahit-elle les vitrines des Galeries Lafayettes ? Nenni, mais les futures élections régionales qui il y a peu frémissaient bon pour la droite se trouvent aujourd’hui brouillées par la mauvaise côte présidentielle. Alors il faut ramener les extrêmes dans l’urne Ump et un temps faire oublier aux Français la cruelle réalité de leur situation sociale. Alors pas de plus beau rideau de fumée que le drapeau tricolore habilement ressorti aux balcons avec la Marseillaise, le béret et la baguette. Autour des symboles un débat symbolique susceptible de faire vibrer les tribunes sous des olas de coqs et de faire pencher certains franchouillards un peu plus du côté droit. Et déjà les sondeurs remontent du tréfonds des campagnes les plus belles trilles patriotiques.
Fier d’être Français voilà le nouvel affichage, dans le beau pays de la laïcité foulée il ya peu par justement le président des Français, dans le pays de la Liberté qui traque les lanceurs de « casse-toi pov con », de l’égalité composant avec le bouclier fiscal, dans le grand pays de la fraternité où plus de 8 millions de personnes vivent sous le seuil de la pauvreté, où on traque dans les écoles les enfants des sans-papiers. Non l’identité nationale n’est pas en souffrance aujourd’hui mais bien l’affaiblissement de ses grandes valeurs desservies par des enjeux opportunistes.

mercredi 4 novembre 2009

Le dernier indien


C’est quelques jours après son inhumation en toute intimité dans un minuscule village de Côte-d’Or qu’on vient d’apprendre la disparition d’un des derniers de nos grands penseurs, Claude Levi-Strauss. Grand passeur avant tout de la terre humaine. Celui qui avait dénoncé, notamment à travers l’étude des mythes les tentatives de hiérarchisation des cultures en démontrant le socle commun du fonctionnement mental entre les primitifs et nous, une même logique étant à l’œuvre dans la pensée mythique et la pensée scientifique, avait été un précurseur dans l’approche écologique du monde et des individus. Contre l’envahissement de l’égo, il s’était interrogé sur le sens de la civilisation et du progrès, dénonçant le sacrifice des espèces vivantes, la destruction des écosystèmes, l’uniformisation de l’humanité. Il appelait à se méfier d’une culture sans nature comme d’une nature sans culture.
On peut lire ainsi dans « La pensée sauvage » : « Il faut beaucoup d’égocentrisme et de naïveté pour croire que l’homme est tout entier réfugié dans un seul des modes historiques ou géographiques de son être, alors que la vérité de l’homme réside dans le système de leurs différences et de leurs communes propriétés. »

dimanche 1 novembre 2009

Lectures de toussaint

La rue longue, le vent lui-même ne s’y sent pas à l’aise.
Les fils du téléphone, quarante au moins tellement ils ont de choses à se dire, tout du long, sur leurs poteaux comme des chandeliers. Un nuage d’oiseaux s’y abat d’un coup, centaine de petites boules noires sur le ciel argent gris de décembre, un temps le recouvrant d’un vacarme de cris. Quand ils cessent, encore le vent, on dirait qu’il hurle. Au pâtis des bâille-bec c’est l’expression par ici pour où ce matin on va, pour d’enterrement à Champ-Saint-Père, tout le village fait cortège...


Ainsi débute « L’enterrement » de François Bon. Beau roman paru chez Verdier 1992

Un voisin se présente sur le seuil, découvre la morte sur le lit.
Il enlève sa casquette, passe un doigt sur la bande intérieure luisante de sueur, l’essuie sur son pantalon de grosse toile. Une ceinture de flanelle autour de ses reins.
Il dépose en entrant la musette qu’il portait à l’épaule et salue d’un signe de tête.
Son visage est osseux, fortement hâlé, mais le haut du front est blanc sous les cheveux à l’endroit que couvre sa casquette.
Ses bas de pantalons, retournés plusieurs fois, ont conservé des brins de foin.
Il parle enfin à Marthe, avec application, en cherchant ses mots, en grattant sur sa chemise un peu de terre.
Livré à lui-même, il ne sait où s’asseoir.


Extrait d’ « Un si bel été » de Georges Bonnet. Premier roman d’un grand poète né en 1919. qui écrit dans « Tout bien pesé » au Dé bleu :

Des lunettes sont retrouvées
Dans une boîte à couture
Puis un bol cassé la veille
Hâtivement dissimulé
Un chien traîne sous la pluie
Une corde rompue souillée par la boue
La vie frémit à fleur de terre
Les brindilles en leur extrême
Pourrissent, les fruits tombés
S’enfouissent passionnément
La mort est charnelle comme l’amour.

samedi 31 octobre 2009

Pierre Michon majuscule


Gérard Bobillier est mort d’un cancer le 5 octobre. Cet ancien militant révolutionnaire avait fondé en 1979 les éditions Verdier. Son exigence éditoriale fait que chaque ouvrage publié a la même rareté que l’or de la couverture qui ensoleille toute bibliothèque. Cet homme inclassable qui disait que la littérature est la chair de la pensée, avait su arracher la plupart des textes de Pierre Michon qui vient de voir, le 26 octobre, à travers « Les onze », couronner son œuvre par les habits verts. Juste consécration d’un écrivain atypique qui depuis 1984 a publié une douzaine de petits textes qui ressemblent à des récits .Car si l’œuvre de Michon est immense ce n’est pas par son volume, chaque livre pesant une grosse centaine de pages, mais par son poids d’écriture, l’extrême beauté de sa langue, son lyrisme épique. Depuis 84 Pierre Michon espère, à chaque livre, retrouver le miracle initial de « Vies minuscules » qui lui a permis enfin de danser sur ses deuils. Celui qui dit je crois bien n’avoir plus d’autres racines que la lettre a été appelé à l’écriture. Une écriture qui utilise le mot par effraction, pour sa sonorité, parce qu’il fait image, ou parce qu’il atteindra violemment le lecteur comme un coup de poing, pas un acte intellectuel. Pierre Michon vit la rédaction d’un texte comme une fabuleuse dépense d’énergie, aveugle mais très consciente, pleurante et riante, limitée dans le temps, comme la copulation. Avouant sa dette à Faulkner, il précise ainsi sa démarche ce que m’a donné Faulkner, c’est la permission d’entrer dans la langue à coups de hache, la détermination énonciative, la grande voix invincible qui se met en marche dans un petit homme incertain.
L’écrivain aspire à la grâce : je ne crois guère aux beautés qui peu à peu se révèlent, pour peu qu’on les invente ; seules importent les apparitions. Alors cette exigence conduit, dans « les onze » à cet exemple d’envoutement :Il était, François Corentin, du nombre de ces écrivains qui commençaient à dire, et sûrement à penser, que l’écrivain servait à quelque chose, qu’il n’était pas ce que jusque-là on avait cru ; qu’il n’était pas cette exquise superfluité à l’usage des grands, cette frivolité sonnante, galante, épique, à sortir de la manche du roi et à se produire devant de jeunes filles plus ou moins vêtues dans Saint-Cyr ou dans le Parc-aux-cerfs ; pas un castrat ni un jongleur ; pas un bel objet plein d’éclat enchâssé dans la couronne des princes ; pas une maquerelle, pas un chambellan du verbe, pas un commis aux jouissances ; rien de tout cela mais un esprit- un fort conglomérat de sensibilité et de raison à jeter dans la pâte humaine universelle pour la faire lever, un multiplicateur de l’homme, une puissance d’accroissement de l'homme comme les cornues le sont de l’or et les alambics du vin, une puissante machine à augmenter le bonheur des hommes.
Du coup cette ampleur peut malheureusement rebuter nombre de lecteurs. C’est pourquoi, si vous découvrez cet auteur je vous recommande de l’aborder par « Vies minuscules »,« La grande Beune » ou « Vie de Joseph Roulin ».

vendredi 30 octobre 2009

Blues des dahlias

A ce moment de lampe
Où octobre étrécit
On s’éclaire aux soleils
Des dahlias en chant

Tête dans les pétales
On referme les yeux
Sur le bruit des teintes
Qui ébrèche la nuit.

mercredi 28 octobre 2009

Blues de Scarlett Johansson















Le plus beau brin de fille
Ne craque que menu grain
Mais si l’oreille paresse
Sur les notes fondantes
Aux lèvres l’œil mange
Langueur mandarine
Scarlett fêle peu l’âme
En roulant galoches
Au moindre brin d’air
Mais le silence qui suit
Est encore de la peau.

lundi 26 octobre 2009

Blues du métro

Ciel perdu troglodyte
M’enterre soudain mouvant
Dans la panse populeuse
Obscur jeté en pâture
Saisi cramponné pendu
Avalé enchevêtré
Dans la pelote des traits
Griffonnant le monde
Sans arrangement possible
Pour casser le fil des corps
Vomi à quai échoué
Je réémerge au ciel
Figure entremétisséee
Digérant le cri des autres
Embusqué dans un long slam
Epicé de bouts de peaux.

vendredi 23 octobre 2009

Blues pour Jacques Chessex


Alors qu’il était violemment interpellé, lors d’un débat consacré à son dernier livre, à propos de sa défense du cinéaste Roman Polanski, le poète et écrivain suisse Jacques Chessex a été foudroyé par une crise cardiaque. La littérature en perdant cet « ogre », surnom hérité du titre du livre qui lui a valu le prix Goncourt en 73, voit s’envoler une de ses plus grandes voix, une voix troublante, rugueuse fouillant nos parts de lumière mais surtout d’ombre, sondant les abimes de la chair comme de l’âme, une voix enragée à nommer ce qui se dérobe, sexe ou Dieu Celui qui vivait des visages, des corps, des voix tues est sorti de l’imparfait et même des formes, des images, des tableaux qu’il croyait les plus proches de l’absolu.
Grand romancier Jacques Chessex était d’abord un immense poète :

Qu’entends-tu sur le bord de la neige ?
Je n’entends rien ou ce bruit
Qui vient de mon cœur toujours tenté
De redescendre dans le rien…


Un poète parlant ainsi de l’amour :

Mon amour tu es là
Comme un feuillage clair sur la page
Et je n’ai rien reçu
De plus précieux que ce pouvoir
De te comparer à la vie.


Ou de la mort :

O Charon/ Quand je devrai passer l’eau noire
Le temps du voyage/ Laisse moi tenir mon invisible main
Cette monnaie de feuille/ Afin, serrant l’obole friable sous mes doigts raides
Qu’en ce dernier instant je me rappelle/ L’instant que je n’ai pas su vivre.

Un poète du blues dans « Allegria »

Comme Oscar Peterson égrène ses notes
D’eau fine de cascade de nocturne source
Toi fauvette au bois du cimetière/ Tu me parles
Dans la douceur d’être vivant/devant la mort.

mercredi 21 octobre 2009

Blues de La rochelle

Le temps est à l’oubli
Des chiens qui rêvent
Dans la manche des vies
Qui cuvent leur débine

Aux ruches des terrasses
Les belles dénouent nuque
Renversant le soleil
Sur le sang noir des rues.

jeudi 15 octobre 2009

La pensée

"La pensée, me semblait-il est un flux auquel il est bon de foutre la paix pour qu’il puisse s’épanouir dans l’ignorance de son propre écoulement et continuer d’affleurer naturellement en d’innombrables et merveilleuses ramifications qui finissent par converger mystérieusement vers un point immobile et fuyant. Que l’on désire au passage, si cela nous chante, isoler une pensée, une seule, et, l’ayant considérée et retournée dans tous les sens pour la contempler, que l’envie nous prenne de la travailler dans son esprit comme de la pâte à modeler, pourquoi pas, mais vouloir ensuite essayer de la formuler est aussi décevant, in fine, que le résultat d’une précipitation, où, autant la floculation peut paraître miraculeuse, autant le précipité chimique semble pauvre et pitoyable, petit dépôt poudreux sur une lamelle d’expérimentation. Non, mieux vaut laisser la pensée vaquer en paix à ses sereines occupations et faisant mine de s’en désintéresser, se laisser doucement bercer par son murmure pour tendre sans bruit vers la connaissance de ce qui est. Telle était en tout cas, pour l’heure, ma ligne de conduite."

extrait de "L'appareil-photo" de Jean-Philippe Toussaint

mardi 13 octobre 2009

Blues des châtaignes

Sous le soleil rouillé
Quand chutent les châtaignes
On se pique à l’automne
D’une enfance bottée
Franchissant les sept lieues
De fables charbonneuses
Avec agneau marron
Et noir corbeau gaulé.

samedi 10 octobre 2009

vendredi 9 octobre 2009

Blues du caddie

L’homme est saisi de dos
Fouillé jusqu’à l’exit
Par le suivant qui fouine
Le plein caddie échoué

C’est ça de plus en plus
Hoche la caissière
Faut remettre en rayons
L’œil trop grand sur le vide.

mercredi 7 octobre 2009

Blues du passage à niveau

Quand le staccato des boggies happe la courbe
Penché contre la barrière blanche et rouge
On perçoit qu’il est trop tard pour poser l’oreille
Contre le rail écouter battre le galop
Qui raye au passage ce bel alexandrin
Attention un train peut en cacher un autre.

dimanche 4 octobre 2009

Responsable mais pas coupable...

Comme dans nombre d’affaires similaires, c’est le bras droit qu’on vient de couper à France Télécom après le vingt quatrième suicidé de la société. A la tête elle, la ministre du culte financier vient de renouveler son entière confiance.

On ne va pas larmoyer sur ce fusible sans doute déjà rebranché dans quelque boite du même acabit. Mais après avoir vu à Annecy le Lombard suer sous les caméras et les huées, comment ne pas repenser à la formule fétiche des politiques responsable mais pas coupable.

Pourtant c’est bien ce cynique qui après avoir déclaré son groupe en guerre économique, suivant la mode libérale, a développé sa stratégie de conquête, organisé en conséquence militairement ses ressources, fait dégringoler alors ses ordres de bataille, des étoilés aux sans grade des boutiques et plateformes en passant par les petits galonnés le doigt sur la couture. Pourtant c’est bien ce coupable qui s’est assis, à vingt quatre reprises mortelles, sur « son obligation générale de santé et sécurité »ainsi inscrite dans l’article L 41211 du code du travail : «L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs »…

Responsable mais pas coupable…Il serait trop simple cependant de ne stigmatiser que ce froid patron. Comment admettre qu’il ait fallu vingt trois suicides pour déclencher la réaction médiatique. Quand on pense à l’immédiat tollé (et c’est juste) que provoque chaque mort d’un militaire en Afghanistan, on mesure l’intolérable banalisation de la mort au travail. Le monde de l’entreprise est devenu le monde du silence coupable, de la lâcheté, de la compromission. Les valeurs collectives en décalage avec dictats de la société libérale, ont été laminées par l’individualisation qui a conduit à l’individualisme le plus cruel, à une lente insensibilisation à l’insupportable. Le management par le stress et la peur a fini par inoculer une dose mortelle d’acceptation puis de dépersonnalisation, des cerveaux disponibles à la tonte interne et externe.

Peut-on espérer que la décrépitude actuelle du libéralisme conduise à un retour des solidarités. ?

jeudi 1 octobre 2009

Blues de la conférence

Octobre au verger
roussit sa palette
foule pour Renoir
des rondeurs tardives

Une guêpe grésille
sur les fruits oblongs
tête une conférence
au grain de baigneuse.

mercredi 30 septembre 2009

Blues du bord d'automne

On est là étreint de joie
Au bord de cet automne
Qui tombe avec douceur
Sous l’ambré dévêtement

On sirote le verre plein
D’une blonde lumière
Qui distille aux lèvres
Un parfum de muscat.

lundi 28 septembre 2009

Les derniers indiens


Un bel article du « Matricule des anges » m’a récemment fait découvrir Marie-Hélène Lafon. Je viens de refermer avec émotion « Les derniers indiens », Quel livre !
N’y allez pas pour l’histoire : autour de l’intrigue mince et très étirée d’un meurtre d’enfant, c’est le regard aigu d’un entomologiste épinglant le voisinage de deux générations paysannes, la vie terrée d’un clan de taiseux qui se meurt l’œil cloué aux temps modernes d’une autre tribu débordant de vitalité.
Marie écoutait. Elle ne cherchait pas à tout comprendre, elle assistait à la vie des voisins comme à une sorte de spectacle sans fin, donné, stupéfiant et familier à la fois. Ils étaient là, ils se mouvaient, émettaient des sons, des odeurs, multipliaient les gestes, les images, recommençaient, cessaient, recommençaient, tous, hommes femmes enfants, bêtes et gens. Ils étaient différents et semblables, on ne concevait pas le monde sans eux, l’autre côté de la route sans eux, on respirait leur air, on les inventait, on s’en occupait.
Allez y pour le style .La plume De l’auteure est aiguisée comme un scalpel. Sa langue poncée, balsatique, éclaire d’une lumière âpre l’étriqué des vies, avec leurs ressassements intestins, émiette le bloc sombre des êtres, fouille le commerce craquant des choses. Elle autopsie les sons, les odeurs, dissèque les battements mêlés des chairs et des terres. Elle nous tient dans l’engrangement des petits détails qui nouent les existences, dans l’égrènement des maigres paroles qui criblent la vie des autres.
C’est un travail d’effritement de mottes, de mots longuement ruminés, d’étreinte qui donnent aux personnages une terrible présence, un enracinement implacable dans le magma d’un huis-clos. Elle a l’œil d’un Depardon en plus viscéral.
A trois heures et demie, la musique avait hoqueté, lentement, loin, ensuite elle s’était dessinée droite dans la lumière vide, c’était une musique grave qui ne dansait pas. Elle avait pensé qu’ils devaient savoir pour Pierre, qu’ils savaient, puisque leurs vies à tous, dans les deux maisons, étaient tellement enfoncées les unes dans les autres que rien n’échappait. Cet air avait duré longtemps…
Marie Hélène Lafon est née dans le Cantal. Elle est de la race littéraire des Pierre Michon, Pierre Bergounioux, Richard Millet, ou Mathieu Riboulet…

vendredi 25 septembre 2009

Blues de la boursette

Vert ce matin tout neuf
Dans l’amour quotidien
L’écrit rond de la mâche
Sur mon cahier de terre
Traits gonflés de lumière
Des semis minuscules.

Je cueille alors « boursette »
Dans le peu de mots venus
Aux lèvres de mon père
Puis « Sème clair surtout »
Léger viatique qui graine
Dans mon cahier d’encre.

à Lucien Suel
jardinier de "La table ronde"


mercredi 23 septembre 2009

Au croc du boucher


...Il aurait fallu que tout soit sexe, les rideaux, la moquette, les sandows, et les meubles, il m’aurait fallu un sexe à la place de la tête, un autre à la place de la sienne.
Il nous aurait fallu pendus tous les deux par un crochet de fer face à face dans un frigo rouge, crochetés par le haut du crâne ou par les chevilles, tête en bas, jambes écartées, face à face nos chairs, livrés impuissants au couteau de nos sexes brûlants comme des fers rougis, ouverts, brandis…

Non ce n’est pas VGE qui se cache derrière ce texte sulfureux, ni Galouseau de Villepin le poète des listings, que Chouchou l'affamé poursuit de sa rage verte et virile, dans la plus noble tradition de nos saignantes mœurs politiques salivant de le voir pantelant comme christ, écorché comme un Bacon ou crucifié comme un Vélikovic mais Alina Reyes dont « le boucher »a échauffé, en 1987, tous les étals des libraires.
Une écriture rouge et magnifique au service d’un roman célébrant superbement la chair. Une langue flamboyante très éloignée de la vulgarité de nos roitelets qui ont oublié qu’aux siècles précédents, l’honneur se lavait sur le pré, à l’aube, à l’épée ou au pistolet.
...Je lui mordis la poitrine sur toute sa largeur ; des charges électriques me parcouraient la langue, les gencives. Je me frottai le nez au gras de sa viande blanche, aspirai son odeur en tremblant. Je louchais de plaisir, le monde n’était plus qu’un tableau abstrait et vibrant, un entrechoquement de taches couleur chair, un puits de matière douillette où je m’enfonçais dans un élan joyeux de perdition...

mardi 22 septembre 2009

blues du thé vert

Matin tombé des nues
Dans l’odeur de thé vert
Nuit avalée terre crue
Où se brûler la langue

Plaisir de laver l'oeil
Dans la lessive bleue
le coeur étendu nu
A l’entrée du jardin.

dimanche 20 septembre 2009

Au bonheur, au bonheur!

Mon premier se prénomme Amine, il est le héros involontaire et malheureux d’une série B auvergnate « Il n’y a pas de fumée sans Hortefeux ».Mon second Malik, saigneur des anneaux, est le Prophète des barreaux, le gilette deux lames du très long métrage de Jacques Audiard qui rase gratis le moindre battement d’humanité. Sorte d’épopée communautariste sauvage d’un self-made caïd malgré lui, petite frappe qui nous saoule de coups jusqu’au ko sous un ciel si bas que s’y cognent les cerfs. Mon dernier, Samir sort aussi de tôle pour retrouver sa rue et son père un formidable Jean Pierre Bacri dans « Adieu Gary ».Petit film avec un budget d’arête mais gonflé à l’hélium de la fraternité. Un gros cœur ouvrier qui s’éteint dans la « maison du peuple » avec le démantèlement de l’usine locale dont Bacri entretient le dernier rouage. Dans un carton-pâte de western, que traverse la figure mythifiée de Gary Cooper, l’amour et la solidarité remplissent doucement le sablier d’un moyen métrage dont on sort avec une dose de bonheur à délaisser les dealeurs pendant plusieurs jours.
Le bonheur voilà donc un sentiment bien intime que chacun estime aux rayons qui entrent par sa fenêtre. Sentiment donc bien relatif dont la mesure varie sur l’échelle des attentes des uns et des autres. Alors pourquoi tout à coup cette volonté de notre Chouchou de s’en mêler ; Quelle dard le taraude au point de vouloir transformer le PIB en BNB le bonheur national brut ? Le pourfendeur des éclaircies soixante-huitardes, le bretteur du « travailler plus », le forgeron du bouclier fiscal, le casseur du service public, aurait-il, avec la crise, retourner sa Rolex, ou ne cherche-t-il pas de nouveau à brouiller les cartes, à embrouiller le crédule qui manque encore à sa future réélection ?
Le libéralisme qui a précipité dans la précarité nombre de citoyens a radicalement perverti la notion du bonheur. Aujourd’hui il est fondu dans la consommation jetable, coulé dans la possession mimétique. Il n’est authentifié que dans l’apparence, L’ostentation. « Bonheur d’avoir, d’avoir plein les armoires… », Voilà le seul crédo des marchands de bonheur pour « la foule sentimentale ».
Alors qui peut croire le cinéma de ces mauvais acteurs économistes et politiques qui depuis des années jouent aux apprentis sorciers au détriment du bien public. Non le bonheur est une chose trop fragile pour être laissé aux manipulations de n’importe qui.