La rue longue, le vent lui-même ne s’y sent pas à l’aise.
Les fils du téléphone, quarante au moins tellement ils ont de choses à se dire, tout du long, sur leurs poteaux comme des chandeliers. Un nuage d’oiseaux s’y abat d’un coup, centaine de petites boules noires sur le ciel argent gris de décembre, un temps le recouvrant d’un vacarme de cris. Quand ils cessent, encore le vent, on dirait qu’il hurle. Au pâtis des bâille-bec c’est l’expression par ici pour où ce matin on va, pour d’enterrement à Champ-Saint-Père, tout le village fait cortège...
Ainsi débute « L’enterrement » de François Bon. Beau roman paru chez Verdier 1992
Un voisin se présente sur le seuil, découvre la morte sur le lit.
Il enlève sa casquette, passe un doigt sur la bande intérieure luisante de sueur, l’essuie sur son pantalon de grosse toile. Une ceinture de flanelle autour de ses reins.
Il dépose en entrant la musette qu’il portait à l’épaule et salue d’un signe de tête.
Son visage est osseux, fortement hâlé, mais le haut du front est blanc sous les cheveux à l’endroit que couvre sa casquette.
Ses bas de pantalons, retournés plusieurs fois, ont conservé des brins de foin.
Il parle enfin à Marthe, avec application, en cherchant ses mots, en grattant sur sa chemise un peu de terre.
Livré à lui-même, il ne sait où s’asseoir.
Extrait d’ « Un si bel été » de Georges Bonnet. Premier roman d’un grand poète né en 1919. qui écrit dans « Tout bien pesé » au Dé bleu :
Des lunettes sont retrouvées
Dans une boîte à couture
Puis un bol cassé la veille
Hâtivement dissimulé
Un chien traîne sous la pluie
Une corde rompue souillée par la boue
La vie frémit à fleur de terre
Les brindilles en leur extrême
Pourrissent, les fruits tombés
S’enfouissent passionnément
La mort est charnelle comme l’amour.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un commentaire ?