vendredi 19 juin 2009

Précis d'humiliation

« Toujours, l’Etat s’innocente au nom du bien public de la violence qu’il exerce. Et naturellement, il représente cette violence comme la garantie même de ce bien, alors qu’elle n’est rien d’autre que la garantie de son pouvoir. Cette réalité demeure masquée d’ordinaire par l’obligation d’assurer la protection des personnes et des propriétés, c'est-à-dire leur sécurité. Tant que cette apparence est respectée, tout paraît à chacun normal et conforme à l’ordre social. La situation ne montre sa vraie nature qu’à partir d’un excès de protection qui révèle un excès de présence policière. Dès lors, chacun commence à percevoir une violence latente, qui ne simule d’être un service public que pour asservir ses usagers. Quand les choses en sont là, l’Etat doit bien sûr inventer de nouveaux dangers pour justifier le renforcement exagéré de sa police : le danger le plus apte aujourd’hui à servir d’excuse est le terrorisme… »

Voilà le début d’un long texte écrit en avril 2009 par Bernard Noël que je vous invite à lire, de toute urgence, dans son entier en cliquant sur le lien.
C’est le texte le plus fort et juste que j’ai lu depuis quelques mois et, ce n’est pas un hasard, il sort des tripes d’un immense poète sur le qui-vive de la parole.
Sur la force de ce texte, j'ai décidé de prendre un peu de champ, partir quelque temps, entreprendre quelques chantiers différents d'écriture, bref laisser passer l'été avant de de semer de nouveau mes mots. A vous de m'écrire. En attendant je vous souhaite belle vie.

mercredi 17 juin 2009

La révolte rature la mort



60% d’abstention aux européennes, 150000 manifestants le 13 juin contre plus d’un million le 1er mai et bien davantage en janvier et mars et pendant ce temps le libéralisme jette 3000 salariés au chômage par jour. Sèche mathématique de l’horreur économique qui broie le cœur. A quel stade de l’enfer explosera la révolte? Peut-on trouver justification dans l’apparente absence de relais politique de rechange ? Sommes-nous à ce point devenus des nains pour attendre reconstruction de notre destin par délégation ?
Dans ces moments de blues, où creuse le désespoir, seule la lampe même vacillante de la poésie apporte un peu de chaleur. Mais il faut aller vers les poètes totem. Bernard Noël né en 1930 en Aubrac en est un, même, si, malgré son impressionnante œuvre poétique, il refuse d’être ainsi qualifié. C’est vrai qu’il est aussi romancier, essayiste, dramaturge, critique d’art. C’est avant tout, grand voyageur, un immense passeur de la langue. Ecrivain de friction, il entend que sa poésie soit la plus juste des traversées de l’œil, qu’elle soit sécrétion, corps projetant sa manière noire. Du corps frotté au monde et aux autres doit surgir la langue la moins manipulée, la plus irréfutable susceptible d’affronter notre nuit. C’est pourquoi la lecture de cet homme d’affrontement et de verticalité redynamise toujours l’esprit de résistance. Alors mâchons longuement ses mots comme : « La révolte rature la mort ».


Aubrac

Neige et brouillard l’enfance a perdu sa route
Un bout de ciel mouillé bouche la fenêtre
Le temps est un trou toujours qui va devant
Piège ouvert trop tôt pour le dernier moment
Plus bas l’hiver se couche dans la lumière
Il n’en reste en l’air qu’un peu de buée blanche
Des souvenirs tombent d’on ne sait quel arbre
Dont la mémoire brise toutes les branches.
Extrait de: "le reste du voyage"

lundi 15 juin 2009

Silence on coupe

Après le « casse-toi pov’con », le « Sarko je te vois », voilà épinglé le « hou ! la menteuse ». Après le crime de lèse-président voilà le crime de lèse-ministre. La très en cour, ministre de la famille, Nadine Morano a porté plainte, en février, pour « injure publique envers un membre du ministère » contre un certain nombre d’internautes ayant commenté des vidéos la montrant sur Dailymotion et Youtube, Ainsi, dans le cadre de cette plainte, une Landaise a été entendue pour avoir écrit : « Hou ! la menteuse », référence oh combien subversive à une chanson de Dorothée…Depuis, devant le tollé médiatique, l’offusquée qui est pourtant, avec Lefebvre monsieur sans-gêne, une des langues les plus décomplexées de l’Ump, a précisé qu’elle avait demandé à son avocat de « veiller à ce que la procédure respecte l’esprit de la plainte et qu’il n’y ait aucune dérive disproportionnelle possible ». Diantre voilà sibylline précision qui, encore une fois, laisse à la justice assez de mou pour jouer avec la victime.
Bien sûr, il serait tentant de penser que le ridicule va finir par crever tous ces furoncles de pouvoir. Sauf, que leur multiplication indique plutôt la volonté délibérée de réduire au silence toute contestation verbale au même titre que toute contestation sociale comme, par exemple, les occupations. C’est la liberté d’expression, au sens de contre pouvoir, qui est en jeu, avec son terrain d’aujourd’hui, la toile. En réclamant, au passage, à Dailymotion et Youtube, les adresses IP des internautes incriminés, le pouvoir veut policer le web, lui ôter sa capacité de critique. D’ailleurs la loi Hadopi est, sans contexte, le cheval de troie de la chasse aux « délinquants » de l’anti-sarkosisme. Ces dérives dangereuses rejoignent les délires sécuritaires qui transforment en terroriste le moindre contestataire radical, en criminel potentiel le moindre gamin porteur d’un compas, en activiste expulsable le moindre misérable occupant de tente…
Faut-il rappeler que cette volonté répressive et ce climat étouffoir s’inscrivent dans la logique des réflexions très conservatrices développées lors des élections présidentielles. Le « travail, famille, patrie » a été un moteur des engagements du candidat et le cœur des plus sinistres envolées des meetings pré-électoraux. Souvenons-nous des diatribes anti mai 68, des attaques virulentes contre les 35h, du « travaillez plus pour gagnez plus » et depuis « Dans la transmission des valeurs l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé »… La chasse aux langues pointues ressort de ce puritanisme réactionnaire.
Mais nous pouvons aussi analyser cette extrême judiciarisation comme le fruit de la peur et donc penser qu’elle va s’aggraver. Dans les moments de crise et de risque de graves débordements sociaux, les pouvoirs à idéologie conservatrice préfèrent toujours prévenir par la chape de plomb plutôt que de voir leur politique contestée dans la rue. Cela d’autant plus que les tenants actuels des rênes de la république, malgré leur grossier maquillage de circonstance, sont bien ceux qui ont défendu sans complexe ce libéralisme le plus sauvage qui a sacrifié l’intérêt collectif à la réussite la plus individualiste et qui s’est lamentablement écroulé, sacrifiant des milliers de travailleurs pour lesquels ils sont sans solution. Il leur faut donc mâter toute résistance et clouer le bec de ceux qui pourraient dire la vérité. Leur survie dépend de notre silence.

Pour en savoir plus sur ces poursuites abusives, rdv sur Rue 89 : ici et .

dimanche 14 juin 2009

la brouette d'herbe morte

La peau a roulé
Dans l’herbe cuite
Gestes emmêlés
Dans l’épaisseur de lumière
Toison maintenant prise
dans les rayons de l'oeil
Renversé dans la toile
Le feu a pris dans les pastels.
*


vendredi 12 juin 2009

Les pommes sauvages


« Presque Toutes les pommes sauvages sont ravissantes. Elles ne sont jamais trop noueuses, ni revêches, ni tavelées pour être contemplées...Il est rare qu’une pomme sorte de l’été indemne de marques et de rayures sur certaines parties de son orbe. Elle aura quelques taches rouges pour témoigner des matins et des soirs dont elle fut témoin, certaines teintes sombres et rouillées en mémoire des nuages et des jours brumeux et pourris qui l’ont visitée…
Peintes par les frimas, certaines d’un jaune clair et éclatant ou rouges ou pourpres, comme si leur sphère, entrainée par une rotation régulière, avait pu jouir des influences égales du soleil sur toute sa surface. Certaines se parent de la plus imperceptible touche de rose qu’on puisse Imaginer, d’autre sont maculées de profondes traînées rouges comme la robe d’une vache, ou de centaines de vaisseaux sanguins réguliers rayonnant de la fossette de la tige à l’extrémité de la relique florale, comme des lignes méridiennes, sur un fond à la teinte de paille. D’autres arborent de fines touches de rouille verdâtre, ici et là, comme un subtil lichen, avec des marques cramoisies et des yeux plus ou moins convergents embrasés par l’humidité…Il en est également qui sont parfois rouges à l’intérieur, comme imprégnées d’un beau feu, nourriture féerique, trop belles pour être mangées, pommes des Hespérides, pomme du soleil couchant ! Mais, comme les coquillages et les galets du rivage, elles doivent être vues scintillantes au milieu des feuilles flétries au fond d’un bois reculé, dans l’air d’automne, ou bien dormantes dans l’herbe humide et non pas fanées, affadies à la maison. »
extrait de "Les pommes sauvages" de D H Thoreau

jeudi 11 juin 2009

Au bord du ciel vitrier


Planches et tôle mangée
de broc et récup cabane
que la vie marcotte
au bord du ciel vitrier.

De clous et courants d'air
resserre des graines
où remue l'enfance
dans des boîtes de fer-blanc.

mercredi 10 juin 2009

Visions d'un jardin ordinaire


extrait "visions d'un jardin ordinaire"
Poème de Lucien Suel/Photo de Josiane Suel

lundi 8 juin 2009

Le curé des jardins


Il y a même des curés qui peuvent s’avérer utiles pour leurs prochains. Ainsi l’abbé Pierre continuera d’habiter nos mémoires pour sa lutte envers les sans-logis et les mal-logés. Mais avant lui, un autre curé, un peu oublié aujourd’hui a laissé son nom dans l’Histoire pour avoir, lui-aussi, œuvrer à l’amélioration de l’ordinaire de milliers de familles, l’abbé Lemire. Ce singulier ensoutané est à l’origine du développement des jardins ouvriers.
Il nait le 23 avril 1853 près d’Hazebrouck où il est nommé en 1878 après sa prêtrise et enseigne alors au collège local. En 1893, il est élu député sous l’étiquette socialiste chrétien. Il est, par la suite, réélu à cinq reprises. En 1914, il devient maire d’Hazebrouck. Après la guerre, il adhère au groupe de la gauche radicale. Il sera maire d’Hazebrouck et député du nord jusqu’à sa mort le 7 mars 1928.
A l’assemblée nationale, il lutte pour la limitation du temps de travail, le repos hebdomadaire, la réglementation du travail de nuit pour les femmes et les enfants, les allocations familiales… militant contre la peine de mort, il lance une pétition pour la grâce de l’anarchiste Vaillant qui vient de le blesser à la suite d’une bombe lancée dans l’enceinte de l’assemblée.
En 1896, s’inspirant des allotments anglais et des jardins ouvriers encouragés par le pédagogue Daniel Schreber en Allemagne, l’abbé Lemire, avec l’appui de l’abbé Gruel, fonde la ligue française du coin de terre et du foyer afin de multiplier les initiatives municipales de mise à disposition de parcelles cultivables pour les familles ouvrières. La ligue s’est fondue aujourd’hui dans la fédération nationale des jardins familiaux et collectifs.
Outre que cette initiative de l’abbé Lemire a contribué à l’amélioration des conditions de vie de nombreux foyers ouvriers, elle a développé un véritable esprit d’entraide et d’échange entre les exploitants de parcelles, le partage du savoir-faire, des graines, des arrosages et le côtoiement des histoires personnelles installant une forte culture de solidarité.
Alors c’est sans doute grâce à ce curé des jardins, dont une rose porte le nom créée en 1996 à l’occasion du centième anniversaire des jardins ouvriers, qu’aujourd’hui encore, chez la plupart des jardiniers, malgré le repli ambiant sur le pré-carré individuel, subsiste un peu le goût des autres.

dimanche 7 juin 2009

L'ami des jardins
















Un dieu s'est éveillé dans ce jardin
quand la sauvagine s'est enfuie

C'est l'heure laiteuse
où le ciel livre
ses bouquets de pivoines et de campanules

Et c'est le premier oiseau
sur les ailes bleues des arbres.


Poèmes d'Annie Briet d'après tableau de Louttre.B
extrait "la chair des jours" chez Soc & Foc mai 2009

samedi 6 juin 2009

Dimanche 7 juin cultivons l'Europe

Mercredi 3 juin, Jolis de Villiers de Santignon s’est invité à 13h50 au café. Cerise sur le gâteau, à 15h27 en plein jardinage. « Bonjour, ici Philippe de Villiers… j’ai un message important, si vous avez une minute… vous et moi nous aimons la Vendée et la France… Ainsi entre le ravaleur de façade et le cuisiniste, l’agité du bocage, à deux reprises ce jour-là, est venu me brouter la feuille, pour me vendre ses salades brunes et ses carottes recuites. Outre que je ne goûte guère que le premier noblion venu vienne piétiner mes plates-bandes, ce genre d’invasion intempestive du chou me coure grave sur le haricot. D’autant que cette notoire girouette grinçant un jour avec le Cni, un autre avec Pasqua ou l’ex Fn Bompard, s’est tournée aujourd’hui vers l’Irlandais plein d’oseille de Libertas, Declay Ganley après avoir rabattu entre ses chênes la joyeuse bande des chasseurs, pêcheurs, natureurs, traditionneurs et autres tombeurs de palombes pour trouver gros bras à dresser barrières touffues et épineuses répulsives à toutes les têtes de Turc. Programme quelque peu faisandé et indigeste qui réduit l’Europe à une vision de clocher.

Dimanche 7 juin, l’Europe s’invite dans la journée des jardins, ce beau rendez-vous des jardiniers de tous les jours. A entendre les sondages, beaucoup semblent penser que le jardinage commun des parcelles qu’on appelle pays pour arranger une belle terre européenne cousue de cultures et de floraisons diverses mais ouverte est un très vieil arrangement qui ne nécessite ni veille ni passion d’entretien. Pourtant l’idée reste belle de tenter de cultiver sans haies privatives et sur le terreau de nombreux conflits des valeurs historiquement enracinées comme liberté, égalité, fraternité. Encore plus aujourd’hui où la crise stimule les tentations de replis sur les frontières les plus égoïstes. Bien sûr, L’Europe d’aujourd’hui s’est éloignée des idéaux des premiers fondateurs. Elle n’a pas échappé au roundup et au défolient du libéralisme. Elle est bien abimée et demain les radicaux du sécateur risquent de préserver leur chasse gardée. Alors l’urne reste le moyen d’éloigner les rongeurs de liberté, d’empêcher que suceurs libéraux ne ratissent trop large, de faire reverdir l’Europe sociale.

Dimanche 7 juin, L’Europe a suscité nombre de vocations jardinières, 161 listes. Si la plupart contiennent un programme écologique, beaucoup ont placé la survie de la terre et le retour de l’homme arraché à l’économique au centre de leurs questionnements. « Europe écologie », « Notre énergie pour la terre », « Pas question de payer leur crise », « Europe décroissance », « Union des gens », « L’Europe la vie », « La terre sinon rien », « Résistances ». Alors chacun peut trouver son carré où semer sa petite graine et contribuer ainsi à l’embellissement du plus large territoire en raccordant entre eux les jardins intérieurs du plus grand nombre d’hommes unis dans la même ambition de développement des solidarités.
Dimanche 7 juin, choisir l’isolement à l’isoloir, c’est laisser le chiendent des libéraux étouffer notre vraie liberté d’homme debout, c’est laisser la ronce des châtelains détruire nos défenses solidaires.

vendredi 5 juin 2009

Comme pomme d'arrosoir
















Elle a les genoux rassemblés comme
Deux museaux frais d’agneaux tout
Le silence leur est un paradis
D’eau. Elle a les genoux comme
Deux taupinières de terreau dans l’herbe et
Les jardins sont des paradis d’air
Comme un couple de mots au milieu
De la phrase et le langage serait
Un paradis de poèmes les genoux fermes
Et joie comme des joues.

Elle a le sein droit plus léger
Pointillé pomme d’arrosoir le sein
Droit comme un jardin le soir mais
Oui comme un jardin il y a
Autour un village en Vendée ou
Peut-être un bord de Loire et
C’est très tard et très peu de couleur
Elle a le sein droit posé après
Tout un pays de vignes après
Tout un temps de travail à la vigne

Et fatigué fatigué mais le vert ah
Me voilà perdu vignes
Comme une parole et je parlais
Il faut tailler tailler ramasser la phrase ah
Venir à l’évidence du sein droit.

James Sacré extrait de « Cœur élégie rouge » 1972

jeudi 4 juin 2009

En commençant à jardiner

En commençant à jardiner, je n’ai fait que reprendre les gestes de mon père, observés dans l’enfance. Je n’ai fait que poursuivre cette grande tapisserie de terre de la première heure. En nouant mon premier point de semis, je n’ai fait que tirer le fil de nos lignées de vie jardinière, continuer patiemment de coudre à nos peaux de passage la terre nourricière, mélanger à la chair ce terreau élémentaire, retourner régulièrement la nuit pour y planter du ciel, remuer tous ces silences qui cachent le cœur, atteindre le centre de l’âme sous la couleur rugueuse des mottes.

En commençant à jardiner, je n’ai fait que réapprendre à vivre, à rapprocher mes mains du battement du monde, à comprendre l’éloignement de mes commerces avec cette culture retenue mais éclatante de l’éclosion. Je n’ai fait qu’agrandir mon lopin mélancolique mais souvent arranger de sourires mes instants et retrouver mon enfance moqueuse. En caressant les poussées verdies je ne fais que lire la terre, récolter enfin mes questions avec leur monnaie de songes. En commençant à jardiner je n’ai fait que chemin vers le regard émerveillé des peintres de Lascaux sur la création.

mercredi 3 juin 2009

Dans ma cabane à mots



« Aurons-nous le temps de renouer ? De patienter au plus près de cette terre accablée qui délivre encore, pour ses fous, d’admirables instants d’éternité. »
Pierre-Albert Jourdan dans ‘’L’entrée dans le jardin »

« Tout ce qu’on voit, tout ce qu’on touche n’est que la peau, le cuir, l’écorce, enfin la dernière surface d’une autre matière impalpable, invisible, intérieure. »
Joseph Joubert

« Je pense vraiment que le seul moyen efficace de s’évader est de s’enfoncer au plus profond de son être. Croyez- moi, ainsi l’on peut tout fuir et soi-même en premier. »
Louis Scutenaire (complice de Magritte)

« Trouvez donc aux paroles la saveur d’une bouche »
Paul Nougé (complice de Magritte)

« Il neige.
Sous les flocons la porte
Ouvre enfin au jardin
De plus que le monde.

J’avance. Mais se prend
Mon écharpe à du fer
Rouillé et se déchire
En moi l’étoffe du songe. »
Yves Bonnefoy « Le jardin »

mardi 2 juin 2009

Ceci n'est pas une pomme

Aujourd’hui 2 juin, le nouveau musée René Magritte ouvre ses cimaises sur la place royale à Bruxelles. Ce cadre prestigieux va montrer la plus grande collection, plus de 200 œuvres, de cet artiste considéré comme le plus grand peintre belge du 20è siècle, mais aussi dessinateur, graveur, sculpteur, photographe et cinéaste. Né à Lessines en 1898, il est mort à Bruxelles en 1967. Son adolescence sera très marquée par le suicide de sa mère. Parti d’un futurisme tendant à l’abstraction, en passant par le graphisme publicitaire, il devient à partir de 1926 un artiste éminent du mouvement surréaliste, très proche d’amis poètes comme Scutenaire ou Paul Nougé.
L’originalité poétique de l’œuvre de Magritte avec ses titres sans rapport apparent avec le tableau, mais chargés eux aussi d’un grand pouvoir spéculatif, fait qu’elle imprègne fortement l’imaginaire collectif. Ses toiles sont connues d’un large public, même si une majorité en ignore souvent le signataire. Leur grande séduction tient au fait que Magritte fabrique du rêve, du mystère avec les éléments les plus réalistes, les objets les plus simples et identifiables, les situations les plus réelles. Il casse la logique rationaliste, il transgresse les références visuelles et intellectuelles dans la composition, la mise en espace de ses toiles et du coup conteste la perception du réel, ouvre l’imaginaire. Ses distorsions semblables à celle d’un poète nous affranchissent du carcan du regard unique, nous font toucher d’autres réalités possibles, des surréalités. Magritte nous offre dans la vision de ses tableaux et le décalage de leurs titres des suppléments buissonniers.
Ainsi écrivait-il: « Je veille, dans la mesure du possible, à ne faire que des peintures qui suscitent le mystère avec la précision et l’enchantement nécessaire à la vie des idées. »
Ainsi disait-il : « Je déteste mon passé et celui des autres. Je déteste la résignation, la patience, L’héroïsme professionnel et tous les beaux sentiments obligatoires. »
Ainsi confiait-il : « J’aime l’humour subversif, les tâches de rousseur, les genoux et les longs cheveux des femmes, le rire des jeunes enfants en liberté, une jeune fille courant dans la rue ; Je souhaite l’amour vivant, l’impossible et le chimérique… »
Aujourd’hui 2 juin, place royale à Bruxelles, l’œil va pouvoir s’écarquiller devant une peinture, à l'image de ses propos, d’une éternelle verdeur lisible et visible comme une pomme au milieu de la figure.

lundi 1 juin 2009

En juin cultive ton jardin


A la question "Qu'est-ce qu'un jardin?" le peintre René Magritte répondit:"L'espace intermédiaire entre un paysage et un bouquet de fleurs."
De quoi mettre en appétit l'esprit et l'imagination...