dimanche 30 mai 2010

Dans le jardin de mon père









Papa semait taiseux
Plein corps en terre
Visage se cloitrant
En rêveuse prière

Papa fermait serein
Les lèvres sur la graine
Sa foi charbonnière
Remuant le ciel

Dans son humble terreau
Ses paradis de dix
Huit jours seul j’écoutais
Pousser mes idées longues

Je repique aujourd’hui
Entre mes mots montés
Les semis lumineux
De son art sans paroles.

mercredi 26 mai 2010

Soif de jeunesse



La France a peur lucarnait l’autre, en l’an 1976, suite au meurtre du petit Philippe Bertrand.
La France a peur, a toujours peur de quelque chose, de façon irraisonnée. La France adore les grands frissons collectifs allumés et largement attisés par les médias.
La France, du calendos, de la baguette et du pastis. Cette France bizarrement hystérique, les soirs des olas et cris cocoricos, qu’on voit s’enflammer pour le moindre pet footballistique.
Et cette France, cette fois, a peur des apéros facebook. Quand on sait le taux d’alcool qui, en moyenne, décape, annuellement, les veines tricolores, on mesure l’hypocrisie concitoyenne. Mais n’est-ce pas réflexe d’assoupis, de déjà morts, licheurs en douce, devant un phénomène qui les désarçonne parce que né de la virtualité. Ce passage de l’échange à distance au trinquement réel est un choc pour une génération de kermesses et de boums qui observent avec suspicion ses boutonneux enfermés des heures dans leurs écrans et soudain prêts à franchir leur solitude pour simplement faire la fête. Comme si elle n’avait jamais tâté, en son temps, à ses propres petits véhicules paradisiaques.
La France adore se faire peur, l’ennui c’est que ses humeurs passagères altèrent aussi le jugement des politiques et huilent leur mauvais penchants répressifs. Ainsi lors du dernier apéro parisien, on pouvait dénombrer plus de képis rougeauds que de visages pâles de facebookeurs. Du coup le ridicule tue les peureux et pleureuses.
Depuis toujours La France mûrissante puis vieillissante a peur de sa jeunesse, du fameux péril jeune. Au moins pourrions-nous nous interroger sur la place, la qualité de vie que nous avons contribué à lui donner. Chômage, précarité, pauvreté, dépendance, exploitation, illusion consumériste…Sans doute de quoi avoir envie de transgresser un monde trop codé et tristounet voire sans issue.
Comment ne pas comprendre ce défouloir, cette envie de rencontre. C’est vrai que cette capacité de mobilisation d’une foule sur un clic peut inquiéter. C’est vrai qu’à des rassemblements apéros, je préfèrerais des rassemblements rouges cerise. Des rassemblements joyeux conduisant à dépaver nos rues, remonter des barricades boulevard St-Michel, déboulonner nos veaux d’or, briser les écrans de nos vies. C’est vrai que je préfèrerais des défoulements grand coup de pied dans nos poubelles, nous remettant en face de nos belles idées, piétinant nos fausses valeurs.
Quitte à trinquer que la jeunesse lève son verre à des lendemains qui lui chantent

mardi 25 mai 2010

Tâches ordinaires

Tâches ordinaires à taire
Dans les poumons du matin
Ou à chagriner par coups
De sax par métamorphoses
Errant primitif d’étoiles
Feulant son chant déchiré
J’affûte bec bien usé
Pour mon matelas de terre.

mercredi 19 mai 2010

Un peu de poésie grecque sous le volcan

Entre le pain, quand même, et les larmes, il reste, pour se consoler, à nos amis grecs, sur lesquels fondent tous les rapaces du monde, la Poésie. Il y a quelques mois l’indispensable Poésie/Gallimard nous permettait grâce à une anthologie, savamment préfacée par Jacques Lacarrière, de découvrir la génération poétique des années 1945 à 2000. Derrière les consacrés Séféris, Rítsos ou Elytis, apparaissent nombre d’auteurs moins connus mais dont la langue affirme une vraie originalité. Volonté dans une modernité tempérée de questionner, réinventer, rendre plus habitable le présent.
Cette fois, le même éditeur nous offre à lire, dans la même collection Kiki Dimoula, une poétesse née à Athènes en 1931, dont j’ai retenu ce poème :

Images qui font le silence


Aux hameçons de l’après-midi
aux épines de couleurs,
se sont prises et pendent quelques images.
A travers notre vie et hors de notre vie
et elles frétillent sans lien entre elles :
l’image d’une pluie
et à côté l’image d’un pont les soir ;
ensuite, l’image de visages,
sans rives et sans passage.
Mais que le vent idiotement les agite
et tout se mélange.
Et l’on obtient l’image
de visages
sur un pont
sous la pluie
le soir.

Aux hameçons de l’après-midi,
aux épines de couleurs,
se sont prises et pendent
des images qui font le silence.
Pendante, une image de fenêtre.
Les rideaux parsemés
d’un automne descendant tout en feuilles de platane.
Une image de main qui souffle
comme un vent rétablissant les feuilles.
Image aussi la grande vague de temps
qui se rue pour t’emporter,
car à chaque fois tu oublies ouverte
la porte du rêve.

Qu’est-ce qui me chagrine, qu’est-ce qui me chagrine ?

lundi 17 mai 2010

Je pense à toi

Je pense à toi qui passes
Tes yeux dans mes mots
Ajoute ton grain nu
A leur filet de voix.

Je pense à toi qui lies
Tes pas à mes mots
Ecarte mon chemin
Au jour de tes lèvres.

Je pense à toi qui attends
Ton cœur dans mes mots
Fais que le mot arbre
Ne cache pas le poème.

vendredi 14 mai 2010

lieu-dit du poème

Au matin c’est le corps

Seul qui affronte qui

Nous enfonce ou hisse

Nous desserre les mots

Au matin c’est le corps

Seul entré par la mort

Qui fait bloc revient

Au lieu-dit du poème.

jeudi 13 mai 2010

l'une rousse

complaintes du merle noir/1


J’emmerle le chat

Qui me tape dans l’œil

Me voit l’âme noire

Comme du charbon.

Lui qui gris la nuit

S’éclaire à mon bec.

mercredi 12 mai 2010

En mai fais où il te plait

Mai Paris mai, Nougaro ne dépave plus les mots, chacun est rentré dans son automobile. Ce qui réellement me plairait en ce mois de fée clochette, c’est de faire péter le palais Brongniart, la soue des cochons pas payeurs, le foutoir des cocaïnomanes et sniffers de crack 40, le hammam des cervelles en bites. Non pas un krach, mais un gros crac, un truc poilu et bien piégé dans la corbeille. 4 millions de chômeurs, 6 millions de précaires et gouvernants et médiacons se focalisent sur les branlettes des traders. Aujourd’hui, la politique se résume à l’art de gérer la déprime ou l’érection des bourses. Le monde est entre les mains des masturbateurs monétaires. Et pendant ce temps les merdeux ajustent leur politique sur le déhanchement putassier des marchés. En osant même comparer crise financière et catastrophes naturelles, comme si ni responsables ni coupables ne se cachaient derrière l’effondrement actuel des économies. Nous sommes aux mains de supers bandits manchots. Notre sort se joue à la roulette des spéculateurs. Rien ne va plus, cassons leurs jouets. Nous vivons dans la plus éhontée pornographie financière. Quelle justice pour poursuivre les détourneurs de bonheur et leurs complices par omission ou soumission, les tranquilles assassins des lendemains qui chantent. Mai Paris mai, l’internationale est coincé dans les gosiers secs, j’aimerais que reviennent le temps des cerises et que soit abattue cette Bastille dorée, qu’à la place soit coulé un gigantesque étron

Ps: Au soir de cette publication, suivant un sujet sur les spéculateurs, on pouvait voir, sur le journal de la 2, un sujet sur les marchés de la misère qui envahissent les trottoirs parisiens, cour des miracles des chiffons et produits alimentaires périmés... Devant ces marchés nos merdeux abaissent le voile.

mardi 11 mai 2010

Nuit d'ivresse amoureuse



La nuit est douce sur la peau. Voyez comme on danse sous les lampions. Voyez comme on rit Rimbaud. Voyez comme on miaule Verlaine. La nuit est orange dans le cœur. Voyez comme on danse sous l’indigo. Voyez comme on boit voyelles. Voyez comme on brûle poèmes.
La nuit est douce sous le frisson. Voyez comme on danse sous les étoiles. Voyez comme on berce sous l’ardoisé. Voyez comme on mord le fruit. La nuit fait fête au cœur. Voyez comme on tourne avec la terre. Voyez comme on prend feu. Voyez comme on fredonne ritournelles.
Deux photos s’accolent pour un diptyque charnel. Pour une passion de gestes tendres. La pliure de la chambre noire déplie chambre rouge et chambre bleue, deux atria qui échangent leur sang, scellent amour dans l’infusion de baisers rouges et notes bleutée. L’œil chante sa nuit d’ivresse amoureuse. Deux photos collent leurs lèvres.

dimanche 9 mai 2010


Le déclic a tiré toute la nappe

Du miroir toute La lumière

A lui sur un coup de couleur

Possédé toute l’âme du lieu.


L’œil a marché sur la robe

Du violon mis le cœur

A l’envers soulevé le bord

De l’éternité en douce.



Lâcher le droit fil














Envie soudain de lâcher
Le droit fil la vie toute
Prête l’axe de l’essaim
De courir après la terre
Fraîche naître à la joie
Buissonnière chanter
A tue-cœur la langue
Bien haut-perchée.

samedi 8 mai 2010

l'âme verte















Le jour nous attend
Frais changé d’âme
Pour tenir au jardin
La suite des semis

Lire sur nos mains
La joie du poème
Le jour nous attend
Frais changé d’encre.

jeudi 6 mai 2010

ne pas



Tirée de l’âme pour se ficher tout droit dans l’œil, la photo cherche l’obscur soleil, le creux de l’autre œil qui va la déchirer définitivement de son premier cri, la ré-enchanter de sa chair perdue, la raccrocher à la vie. Maintenant tenue à un fil de lumière, elle peut arracher au jour l’instant.
Pourtant, devant cette photo de Michel Godeau, l’instant prête intrigue. On sent l’extrême tension du déclenchement avant de suspendre le temps. L’envie de fixer, aussi, l’entaillement de l’œil, de retarder l’après-coup, d’installer narration dans la prédation.
Alors qu’y prélever ? Qu’y lire ? Deux mots s’accommodent du flou, rabotent le mouvement : Ne pas. Et l’âme selon son penchant va se pendre au vers de Villon ou virer au fer de Calder. Grincer ou huiler l’air.
Tirée de l’âme pour pivoter dans l’œil, la photo becquette ou sculpte, sort l’oiseau de la langue. Les mots prennent garde de ne pas s’y brûler les ailes.

lundi 3 mai 2010

Un peu en absence


Je suis un peu en absence de mon blog, je suis un peu en errance sur les traces d’un ami étonnant voyageur qui m’a invité depuis quelque temps dans ses insomnies créatives.

Partant de la photo express, du déclenché téléphonique au centième, de l’instantané le plus brut, à la manière de la brève notation sur le carnet de moleskine, il capture un détail, une image, un espace, des bouts de peau de lieux, des écorchures d’instants, des pelures de lumière qu’il maroufle ensuite comme fond de tableaux, mais fond tremblé, bougé, trémulé. Des fonds, double fonds usés aux accoudements imaginaires, théâtre ferroviaire de ses bifurcations étoilées. Des contes à dormir contre le sac d’un Kerouac ou d’un Cendrars.

Et sur ces palimpsestes, il applique sa popote, ses jus de cornues, ses poudres d’escampette, ses secrets d’ébénisterie, ses touches de tintinnabulante épicerie, tous ses commerces avec les matières à portée de son chaudron poétique. Craie, aquarelle, acrylique, gros sel, sable, café, pour tenir le coup de foudre.

D’autant qu’il a appelé sa série de toiles : Métaphores et utaupies. De quoi bien semer l’escarbille dans la lessive des ciels, jeter le miroir avec l’eau du tain, de quoi bien huiler les museaux horaires. Utaupie, cet emboîtage métaphorique du petit oiseau et de la boîte noire.

Alors je suis un peu en absence, dans la fantaisie de ses stations.


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samedi 1 mai 2010

Le temps perdu


Devant la porte de l’usine

le travailleur soudain s’arrête

le beau temps l’a tiré par la veste

et comme il se retourne

et regarde le soleil

tout rouge tout rond

souriant dans son ciel de plomb

il cligne de l’oeil

familièrement.

Dis donc camarade soleil

tu ne trouves pas

que c’est plutôt con

de donner une journée pareille

à un patron?


Jacques Prévert