lundi 1 décembre 2014

La bobine








Tic, tic, tic, sous le pied-de-biche, l’aiguille trottine dans le tissu que maman guide de ses deux mains. Le fil du dessus boucle celui du dessous. Canette et bobine se nouent. Bobine est cousu de six caractères. Si je défais son nœud, je peux tirer l’extra-fort de la pellicule, le câblé de la binette ou le nylon du moulinet. Laisser donc aller ma ligne au fil des mots, pousser un peu le bouchon coloré dans le courant des pages.
Tacatam, tacatam, le Pacific Express siffle mon chariot de western. Je l’ai fabriqué avec deux des petits cylindres de bois débobinés que maman m’a donné. Sur leurs roues tourne l’étiquette de papier DMC ou THIRIEZ avec sa tête de cheval. Tacatam, tacatam, en revenant de l’école, je prends son chemin de points dans la longue plaine de son ouvrage. Lance mon lasso autour de son cheval de fer.
Clic, clic,clic, sur le rouleau frappent les barres, le chariot cahote sur le papier que couturent mes deux doigts. Le filet d’encre croise le fil de mes pensées. Consonne et voyelle se serrent. Voyelle est une agate. Si je dénoue son  chatoiement, je peux délier le noir métallique, le blanc ou bleu porcelaine, le vert ou rouge vernissé. Colorer ces jours de stylo-bille qui n’avançaient que d’une pichenette.
Clic, clic, clic, les touches s’enfoncent. Tic, tic, tic, l’aiguille tressaute. Nos deux pièces croisent leurs chemins de piqûres. Le corps longtemps sur le métier, nous cousons de concert. Clic, clic, clic, je lui pique des mots, tacatam, tacatam, pour faire un beau voyage. Un poème qui tombe aussi bien que la blouse qu’elle m’essaie. Un poème avec des escarbilles dans les calots et des marbres dans les poches.








1 commentaire:

  1. quelle imagination.............et la photo est superbe, bravo............

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