mardi 28 décembre 2010

Indignez-vous!



Indignez-vous ! Je ne trouve pas plus magnifique souhait pour chacun à l’entame de la seconde décennie de ce vingt-et-unième. Indignez-vous ! C’est le cri de ralliement à la cause humaine d’un Monsieur de 93 ans : Stéphane Hessel qui vient de lancer dans le conformisme et la désespérance ambiants un brûlot de 30 pages à 3 euros à lire et offrir sans modération. Un opuscule qui a la verdeur et l’aplomb de la jeunesse de ce grand résistant, déporté, qui après s’être évadé est devenu diplomate auprès des Nations unies et à ce titre a participé à la commission chargée d’élaborer « La Déclaration universelle des Droits de l’homme ».
Et ce Monsieur écrit, un peu plus de soixante ans plus tard : L’homme qui ne peut s’en remettre ni à un pouvoir ni à un dieu, doit s’engager au nom de sa responsabilité de personne humaine. Il invite à créer, reprenant les mots lancés lors du soixantième anniversaire du programme du Conseil national de la résistance, une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous.
Et s’il rappelle à propos le programme du CNR, c’est pour nous dire : de ces principes et de ces valeurs, nous avons aujourd’hui plus que jamais besoin. Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, pas cette société où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité Sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis…On ose nous dire que l’état ne peut plus assurer les coûts de ces mesures citoyennes. Mais comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ? Sinon parce que le pouvoir de l’argent, tellement combattu par la Résistance, n’a jamais été aussi grand, insolent, égoïste, avec ses propres serviteurs jusque dans les plus hautes sphères de l’état. Les banques désormais privatisées se montrent d’abord soucieuses de leurs dividendes, et des très hauts salaires de leurs dirigeants, pas de l’intérêt général. L’écart entre les plus pauvres et les plus riches n’a jamais été aussi important ; et la course à l’argent,et la compétition autant encouragée...
Voila un livre dont la pensée et les réflexions humanistes font beaucoup de bien, qui se termine par cette belle envolée :
Créer, c’est résister. Résister, c’est créer. De quoi occuper la nouvelle année et les suivantes…
.

vendredi 24 décembre 2010

Le petit jésus dans la dèche

Fait pas bon aujourd'hui être sur la paille. Le petit bout des cieux crèche, sans doute, pour la dernière année dans la bucolique haleine de l'âne et du bœuf. La toute fraiche loi Loppsi 2 qui vient de naître entre foie gras et marrons à la dinde va être pour lui un calvaire. Tout squatter devient menacé de 15000 euros d'amende et d'un an d'emprisonnement. Il pourrait donc passer son prochain noël dans l'haleine fétide d'une taule entre un collant pédophile et un entreprenant sérial killer. A moins qu'une intervention papale voire divine satanise Sarko et ses Judas et l'écarte de ce cruel Golgotha.

Et puis Jésus peut compter sur le soutien de la Grande Distribution et de la confrérie des Pères Noëls. Mais tous les autres pauvres mécréants... Car cette loi inique stigmatise aussi tout l'habitat susceptible de menacer la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. Formulation assez floue qui permettra aux préfets, dans un délai de 48h, d'expulser de leurs campements de fortune les Roms ou autres gens du voyage hors leurs rares aires, comme tous les précaires des cabanes, tentes, camions, mobile-homes ou caravanes. Faut-il rappeler que plus de 500000 personnes sont actuellement sans vrai domicile. Et même jouant sur la détention ou non d'un permis de construire, elle vise tout l'habitat alternatif: tipis, yourtes, cabanons,roulottes...

Cachez-moi ces précaires, ces marginaux, ces alternatifs ou itinérants. Qu'ils aillent ailleurs mettre leur petit jésus dans la dèche.

dimanche 12 décembre 2010

La terre ferrovaire


La locomotive arrive en nageant à travers la ville bruissante. Dans une tranchée profonde, maisons sur les deux berges, pleines de lumières vivantesOn a jeté le ballot sur le quai, cent mètres avant la verrière dans le grincement des fers. Avant de couper par les rails, longer les carrés cheminots sous la lessive de la semaine, vers le serre-freins Kerouac qui charbonne ses esquisses, ses longs chorus syncopant aux bords noirs des carnets.

Sous les étoiles magiques chevauchant l’obscurité au-dessus de la terre ferroviaire, On a élu pour frère céleste, Jack, l’infatigable batteur d’encre. On est arrivé, sur la route, à ce point de frappe où dans le ruban de l’errance chaque paysage déraille en douze mesures, chaque visage cloue son riff de blues. A ce diable d’endroit d’aiguillage où la vie revient sur la neige de ses pas perdus. Ce bout du rouleau du monde et tout son tremblement qui nomme poétiquement chaque chose.


extraits de Jack Kérouac du "Livre des esquisses" traduction Lucien Suel paru à La table ronde au printemps

samedi 4 décembre 2010

L'instant-lumière



Ceci n'est pas un pilier du ciel ni le vent opiacé d'un orgue. Ceci n'est pas un songe à l'eau de rose ni le déchant fluté d'un ange. Ceci n'est pas un tuyau soufflé dans l'oreille d'un peintre. Ce n'est qu'une sourdine glissée dans le pavillon d'un heureux. Que le passage à l'indigo d'une clef de voûte.

On est à des milliers d'asa, cherchant un peu de fraicheur. Quand l'œil tombe sur la matière éclairée de ses seuls grains de beauté, l'épiderme du monde. Alors on reste dans l'ombre buvant cette musique, avec la seule envie de prolonger ce vertige jusqu'au violet du spectre.

Ceci n'est pas une fenêtre du quattrocento ni l'ailleurs d'une cimaise. Ceci n'est pas la respiration fluide d'un Rothko ni le frémissement d'un motif. C'est la percée fugitive des rouge et bleu d'un vitrail. La matérialité caressante d'une peinture du soleil. l'instant-lumière d'un pan de l'univers.

jeudi 2 décembre 2010

Il a neigé


Il a neigé. Et c'est toujours, d'abord, comme un éboulis miraculeux. Un événement qui bascule la réalité dans l'imaginaire. Malgré ses survenues régulières, Il préserve sa qualité d'extraordinaire. Cela devient un phénomène qui transcende soudain l'existence.

Il a neigé. Et l'œil tâte cette improbable matérialité, se perd dans cet espace sans balises. Ne sait pas comment plier à sa raison ce linge à la fois si frais à la peau et si chaud au cœur. Il choisit alors de donner à cette abstraction la dimension spirituelle d'un tableau.

Il a neigé. Et l'œil écoute le silence ramassé dans la forme laineuse des arbres. La musique calligraphique des passereaux étonnés. Il ne sait pas vraiment quelle couleur donner à cette lumière qui le dévisage. Il s'applique sur ce grand cahier blanc à suivre son regard d'enfant.

Il a neigé. Et c'est toujours, d'abord, comme un doux emmitouflement. Un blanc mêlement qui transforme la réalité en émotion. Un recouvrement du paysage qui soustrait le bruit des couleurs pour nous laisser le chant.




mardi 30 novembre 2010

Dora Bruder



Les aiguilles de l'horloge du jardin des Tuileries sont immobiles pour toujours...On pense à Dora Bruder...la jeune inconnue de Modiano, 1,55m, visage ovale, yeux gris-marron, non pas engloutie dans les puants boyaux de Dora mais calcinée à Auschwitz. Dora avec Anne et toute cette humanité rayée de tout destin. Et nous dans cette nuit de crocs avec cet infigurable mot Shoah pour éclairer ces êtres de boue, nos effrayants semblables. Nos ombres banales.
Et nous, avec quel reste de parole, au pied d'une montagne de chaussures? Pour approcher l'indicible. Pour confondre l'animalité dans une même peau que notre peau. Pour penser la même chair, le bourreau qu'on aurait appelé notre frère sur terre, avec la même forme humaine. Et nous, avec le même sac de viscères devant l'Histoire qui repasse les corps au Cambodge en Bosnie ou au Ruanda. Devant ce temps rouillé.
Il sont en face de moi, l'œil rond, et je me vois soudain dans ce regard d'effroi: leur épouvante...On est devant Jorge Semprun. Devant ce sans visage, revenant de ce voyage au bout du mal absolu. On est avec quelques craies pour rayer les planches des baraques, les wagons de ces trains de marchandises qui coulaient comme de lents vers gris sur le visage mort de l'Europe?Avec quelques mots d'étoiles pour rendre ce temps ineffaçable.

mardi 23 novembre 2010

Plutôt cette photo


Plutôt cette photo que celle d'un paysage, pour notre œil vite drogué par leur plumage d'album, toujours trop mélodique pour nos couacs, au fond trop surexposé par leurs aplats de peinture. Souvent trop beau lin pour notre boîte.

Plutôt ce coin magnétique d'un bistro, ce théâtre de poche des saisons humaines. Ce petit bout d'éden à deux thunes contre un petit train d'enfer. Bifurcation apéritive dans le compartiment fumeur d'un percolateur.

C'était une fois, on se souvient d'une flânerie dans le grésillement des couleurs, de la clarté d'un genou rond nous aimantant vers un tremblement de lampes. C'était une fois dans l'odeur d'herbe d'une avenue encore mouillée.

On est entré dans un remuement de chaises laissant dans le bois ciré la voix rouge de joueurs de cartes, le bruit mat de jeunes poings sur la table, la phosphorescence de lèvres maintenant abouchées au cuivre joyeux d'une fanfare.

Plutôt cette photo pour peindre un voyage que celle d'un paysage, toujours tirant la nappe, ce lieu d'éponge des bleus à l'âme, ce lien avec l'argile des hommes, ce lieu qui nous a parfaitement tiré le portrait. Plutôt cette photo tachée de raisin noir.

mercredi 17 novembre 2010

La table rouge


La table rouge était vide. Restait ce folio abandonné sur la banquette. Ce numéro 90-60-90 griffonné en page de garde. L’impression maintenant moins d’un oubli que du collage d’un morceau de puzzle. Le sentiment d’avoir bougé la pièce noire d’un immense échiquier. La table rouge était vide. Soudain le lieu semblait dangereusement pencher.

La table rouge était vide. Restait ce polar en carafe dans le décor. Ce coulis d’un frisson dans les os, un air free détimbrant la belle harmonie. L’impression d’un accroc détissant la tranquille balade au petit bonheur. Le sentiment d’être piégé dans la filature d’une drôle de trame. La table rouge était vide. Soudain le lieu semblait sournoisement se refermer.

La table rouge était vide. Restait ce bouquin de John Le Carré. Cette phrase soulignée d’un brillant à lèvres : « Ecrire c’est comme se trouver dans une maison vide et guetter l’apparition de fantômes. »

vendredi 12 novembre 2010

Londonienne


Foin des bocks, on a plus dix-sept ans le long des docks. Bien secoué le sablier, écrasée la boite de campbell's soup. On pense ça fait une éternité, tous ces jours qui ont roulé leurs os comme des pierres. Pop-art et pop-rock, on remonte à pattes d'eph et peau de mouton dans les dernières seventies, vintage dans les vert et orange flashy. On réendimanche de fleurs nos squelettiques ready-made. Quelle mousse s'est amassée au bord de nos bières? Quel ambré velouteux sur le tranchant du verre?
Londres fume et crie. O quelle ville de bible voyait Verlaine dans d'autres seventies de la machine à débobiner l'underground, quand il créchait avec Rimb 34/35 howland street, refaisant La Commune dans les pubs de Leicester square. Le même révolvérisé, plus tard 178 Stamford Street avec Germain Nouveau et son goût pour la flâne, son amour par les rues, des réclames des murs fardés de couleurs crues.
Le cœur fou Robinsonne à travers les romans. Ce soir là...vous rentrez aux cafés éclatants. O papier bible qu'on humecte dans les vapeurs de malt, ces lignes imaginaires d'une constellation dans le brouillard du temps. O choc des vers dans nos nuits londoniennes à ces spectres nouveaux roulant à travers l'épaisse et éternelle fumée de charbon.

mercredi 10 novembre 2010

Le Facteur Mougin




"On ne perd pas son temps en écoutant son cœur"A 98 ans Jules Mougin est mort. Cette grande figure de l'art brut, proche de Chaissac ou Dubuffet, ami de Giono ou Calaferte vient de mourir. Peintre, artiste bricoleur, ce révolté prolétaire, anti-militariste viscéral avait vécu longtemps à Chemellier dans une maison sur des caves troglodytiques dont il avait orné les parois avant de se retirer à Rognes . Ancien facteur il a publié une trentaine d'ouvrages, dont La grande Halourde, Le mal de coeur, quantité de poèmes et lettres.

"Il a fait avec les mots de la langue française ce que le facteur Cheval a fait avec des pierres" a dit l'un de ses amis Claude Billon.


« Aujourd'hui, j'y songe, c'est l'anniversaire
de la mort de mon père. En 1922, le 22 mai.
En ce temps-là, tous les tuberculeux mouraient.
Ils "allaient" jusqu'au bout.
Jusqu'à la dernière miette de leurs poumons.
J'ai vu.
J'entends encore la toux profonde.
Les yeux de mon père étaient immenses.
La mort, qu'est-ce donc ?
Chacun de nous marche sur la route,
toujours accompagné.
Car toujours il y aura à droite la vie
et à gauche son ombre
que l'on appelle la "mort".
Il faut aimer l'une et comprendre l'autre

mardi 9 novembre 2010

Pour saluer le mouton noir Houellebecq


En 1995, au festival du livre de Montaigu, nous avions avec Michel, venu pour "Extension du domaine de la lutte", parlé poésie et Aubrac. Tous les ans il y partait pour les fêtes de la transhumance... Dans le troupeau bêlant des micros, après son goncourt, je le revois dans sa peau de mouton noir.

poème extrait de "La peau" sur collages de Sarah Wiame

lundi 8 novembre 2010

La jouissance du temps



On est dans la peau du regard, les couleurs raclées dans le souffle nocturne. On est au bout d'un voyage de peinture. Dans un lieu exténué de plaisir. On ne sait pas par quel bout de vue prendre ce grand saut dans le vide maintenant amorti par les ailes du pinceau. On pose la tête contre la fraicheur du carreau.

On ne sait pas toujours ce qu'on attend d'un quai, d'une saute charbonneuse, d'un ciel reculé qui lave les ombres. On sait qu'on y bouge des mélancolies. Qu'on y déplace les frissons dégottés dans la chair d'une chambre. Les chansonnettes des matins qui donnent des fourmis au cœur.

On se sait pas toujours ce qu'on attend d'une brèche, d'une dérive fabuleuse, d'un ciel nouveau qui marche sur nos jambes. Parfois ils nous emmènent en tableau. Dans une mue polychrome. Jouir bonnement du temps, devant la chute d'une lumière aussi nue qu'à l'origine du monde.

samedi 30 octobre 2010

D'azur et d'acier (extraits)

Les fermiers quittent les prairies, deviennent
des ouvriers. L’usine fait pousser les maisons
en corons et courées, en quartiers. L’usine se
développe, fonctionne assez longtemps pour que
s’installent des habitudes, une tradition, une
culture. Tradition ouvrière, culture ouvrière,
syndicats, éducation populaire et camaraderie.

La révolution industrielle de la fin du 19ème,
la 1ère guerre mondiale, une crise économique,
le front populaire et la 2ème guerre mondiale.
La reconstruction et la modernisation, les "30
glorieuses", le choc pétrolier, la crise de la
sidérurgie et un jour, la fermeture de l’usine
pour diverses "bonnes raisons". Pour toujours.

Inventaire pour la fermeture : la concurrence,
la modernisation, l'épuisement des ressources,
l'avidité des actionnaires, l'obsolescence des
outils, la combativité des ouvriers, la bourse
et ses humeurs, le marché du travail, la fuite
des capitaux... L'usine ferme et l'argent part
au loin. L’argent se fait la malle, s’évapore.

L'être humain est plus pesant que l’argent. Il
réagit moins vite que l’argent. Un être humain
est solide, réel, l’argent liquide ou virtuel.
L’argent se déplace comme l’éclair. Un clic de
souris : le voici de l’autre côté de la terre.
Il est passé par ici, il s’est évanoui par là.
il s'échange ici, il se valorise là. Il voyage

sans passeport. L’argent part ailleurs mais la
personne vivante reste sur place, reste sur le
carreau. La personne vivante ne quitte pas son
foyer, sa maison, ses souvenirs, son histoire.
Sinon la personne vivante se déchire comme une
maison éventrée, une boîte à boutons renversée
dans les gravats, une boîte à musique écrasée.

vendredi 29 octobre 2010

La mystèrieuse étoile


On a dépassé les filatures, les scieries, plus que les bornes kilométriques, de petits nuages d'un rose de confiserie, cependant qu'un fin croissant de lune se lève. On se coule dans l'inconnu, sous tous ces becs de jazz qui cuivrent l'anthracite, sous tout ce swing au cadmium qui pulse ses blues notes. Sous le feu des tournesols. On écrit le front contre la nuit. A cette mystérieuse étoile dans la loupe du porte-plume, dont chaque poème garde un petit grain dans ses mots-lumière.
A cette planète porteuse qui nous a fait migrant dans une grande jam stellaire. Sur cette boule qu'on prend pour le nombril des sphères dont les chorus de plus en plus dissonent. Sur cette galette dont les sillons chahutent l'aiguille et qui pourrait valser dans le grand trou noir. On écrit pour ne pas trop garder les pieds sur terre, sur ce manège où nos solos sont cautères sur un cheval de bois. On écrit avec le boitement de Jules Laforgue dans ces bois de pins où depuis le commencement du monde, il fait toujours nuit.

mercredi 27 octobre 2010

Les petits et les autres

En déplacement à Bonneval le 21 octobre, notre grand sapeur pompeur d'atmosphère dénonçant l'assèchement du goulot bagnolesque organisé par nos raffineurs de vie essencielle et diéséliste a eu cette brève tachée au zinc populaire : « Et ce sont encore les petits qui vont trinquer, pas les autres... » Les petits... évidemment pas sous la toise, mais alors c'est quand qu'on est petit? jusqu'où, quelle cran de la ceinture ? Et les autres, qui sont l'enfer,qui sont-ils ? A quel bout du bouclier fiscal ? A quel niveau d'huile ? En tout cas, ceux-là, comme le sous-entend la saillie, ne vont pas trinquer, ne trinquent jamais. Il y a donc bien deux France, celle des petits et celle des autres.

Sans doute, sorte de lapsus pour celui qui gouverne, depuis son intronisation par le Fouquet's pour les autres au nom des petits. Labeurer plus, gagner plus, plus longtemps, toujours plus de plus. Et quand les trinqueurs voient rouge, s'égosillent dans les rues, les fameux élus du peuple qui se proclament à son écoute estiment que c'est le résultat d'un déficit de communication. Que, plus tard, ils n'auront pas assez de maux pour les remercier. Qu'en gros, ils sont des aveugles au pays des éclairés par la seule électricité du suffrage universel.

Mais alors comment justifier le gavage d'une réforme, celle des retraites, qui ne figurait pas au catalogue du candidat Sarko en 2007 ? Peut-elle être frappée de l'onction d'un suffrage majoritaire? Non. Ceux qui ne sont pas les autres,attendent toujours l'explication rationnelle du chef. Allongement de la durée de vie des déambulateurs? Insuffisance des cochons de payeurs? Grande échelle cassée de la natalité? Allongement de la durée des chômeurs? Déséquilibre du système? Nerveux? Politique? Financier? Là nous touchons l'os. Et si le prime problème des retraites était l'allongement de la durée de survie des autres. Les rats dans les poubelles de la crise.

La réforme proposée aujourd'hui fait partie de l'addition laissée en paiement au peuple par les apprentis financiers, ces vérolés du business, vrais coprophages de la sonnante, anthropophages cravatés. C'est la double ration, la crise et la purge administrée par les mêmes qui ont versé l'huile sur la flambée bancaire. Mais depuis les petits tripatouillages ont fait de grandes hémorragies et il faut que les petits crachent au bassinet.

De nouveau il faut répondre à la voracité du marché. Lui jeter à la gueule la vertèbre soixantenaire. Pourtant,pour nombre de petits, la retraite n'est pas un problème mais une solution. Une solution à leur exploitation, à leur usure physique, leur mort psychologique, leur envie de suicide, leur envie de liberté, leur envie de vivre. Si le travail était, pour la majorité, ce qu'il est pour les autres, un temps de réalisation, d'épanouissement, de bonheur dans le pré avec l'oseille à la clef, les petits auraient, sans doute, moins envie de donner un grand coup de pompe aux autres.





samedi 23 octobre 2010

Fahrenheit 451


Très tôt, on a perçu qu’on pouvait botter mille chas traversiers dans le guéret des mots, gagner par tous les petits ruisseaux de la langue bien des vies. Marcotter nos havres et les bouts du monde. Dilater l’art de la fugue. Très vite, le nez plongé dans les herbes folles, dans le triangle plié au mitan des paumes, on a su que, comme dans la nappe ou le drap, il y avait grainant, au clair de la page, la plénitude de l’amour. Que du coup on tenait l’estran du temps déraisonnable. Longtemps on a bu à la chantepleure du livre, descendu son eau vive au fil des lèvres. Longtemps on a cru que cette humeur voyageuse passerait inaperçue.

Jusqu’au jour où cet air de cerises a bouffé le remugle des croquants. Où cette marge grisante est apparue fronde à l’esprit de grisaille. Jusqu’au jour où ils ont grippé la ronde, ruminé en ruban hypnotique le flux du monde. Tout embrouillé le langage au commerce. Jusqu’au jour, où ils nous ont reniflé âme fugitive, alors réduit nos îles de papier en exil de chagrin. Jusqu’au jour où tout est devenu utile, emballé dans la mort quotidienne. Où ils ont fomenté la rafle des livres. Clamé leur autodafé.

Jusqu’à la nuit où, retenus par cœur, nous les avons soufflés sous le manteau funèbre

mardi 19 octobre 2010

La France à la braguette!

Forcément en temps de crise, de rigueur imprononçable, de serrage de bourses, nos politiques finissent par avoir le cerveau au dessous de la ceinture. Par ne penser qu’à ça. Après la petite gâterie de Rachida, Ségolène dans un ébat télévisé, sur la retraite, avec Arlette Chabot, n’a rien trouvé de plus symbolique, à propos de la pénibilité, que le cancer des testicules chez les agriculteurs. Depuis, sans doute par solidarité féminine, notre très économique Christine Lagarde, vient d’affirmer à Washington que les femmes avaient une approche moins sexuelle des responsabilités, qu’elles projetaient moins de libido, moins de testostérone.

Alors le sémillant soldat Hortefeux s’est empressé de lui donner raison. Oui Brice est ainsi, fantaisiste à ses heures de ronde, un marrant même si, avouons-le, on ne lui donnerait pas Coluche sans confession. C’est pourtant un spécialiste du dérapage incontrôlé. Il y a quelques mois il avait prétendu dire arabe pour auvergnat (quand il n’y en a qu’un…) sauf qu’Amine Benalia-Brouch, notre bougnat en question, sans doute faiblement convaincu par l’acrobatique rétablissement du premier képi de France a depuis bruyamment claqué la porte de son parti, l’UMP. Dimanche, sur RTL, il est monté d’un cran pour nous divertir de ses récentes alarmes sur le risque terroriste. Alors qu’il était méchamment interpellé sur les fichiers ethniques, il n’a pas hésité à déclarer Il y a deux fichiers majeurs : le fichier des empreintes génitales, et le fichier des empreintes génétiques. Les glandes, confondre génitales et digitales…Fichier obtenu sous la gégène ?

Sans doute, remontée d’un été où il avait, à l’image d’un Poutine, fait poursuivre les Roms jusque dans les chiottes.

vendredi 15 octobre 2010

D'azur et d'acier


A la suite de sa résidence d’écrivain entre les murs de l’hôpital psychiatrique d’Armentières, Lucien Suel avait écrit « La patience de Mauricette », son très beau deuxième roman.

Aujourd’hui il nous livre « D’azur et d’acier », très beau titre héraldique pour une œuvre poétique construite à partir d’une immersion littéraire à Fives, quartier de Lille qu’on appelait « l’usine », un poumon industriel de 17 ha, redevenu friche et en cours de reconversion. Dans l’acier et sous les verrières de Fives Cail Babcock, jusqu’à 6000 ouvriers ont forgé des milliers de locomotives, des rails, des ponts ferroviaires, des gares comme Orsay ou des tunneliers pour creuser la Manche. Et puis la machine économique est inexorablement venue enrayer la belle œuvre humaine. Le gain financier s’est mis dans les rouages et la classe ouvrière s’est retrouvée sur le carreau, expulsée de son histoire et de cette « usine » laissée à la rouille qu’on rouvre… pour les journées du patrimoine.

Pendant trois mois, Lucien Suel a arpenté ce lieu de joie et souffrance, questionné la mémoire sociale collective, collecté les sentiments des passants ordinaires, interrogé le passé du pavé, le présent du bitume comme le futur des lendemains. Inventorié même à la Depardon toute la friction des enseignes. Pendant trois mois il a posé des mots, sur des mots, fabriqué des briques de mots, en miroir du matériau local pour finalement bâtir son propre ouvrage mémorial, comme un chant mural à la gloire de ce territoire populaire où un certain Pierre Degeyter, câbleur fivois avait crée « l’internationale ». Lucien Suel n’est ni un ethnologue, ni un sociologue, ni un historien, c’est un poète qui ne relate pas mais monte tous petits ou grands faits en émotion. Qui ne lit pas les choses mais les voit. Qui ne montre pas l’espace mais l’habite. C’est un poète dont la langue donne un nouveau souffle à l’atmosphère, brique une belle âme au lieu. Dont le verbe maçonne toujours et toujours plus haut.

A noter si vous achetez le livre, un supplément audio à télécharger.

Lucien Suel lit une version ramassée et légèrement retouchée accompagné par les couleurs diatoniques de Laure Chailloux. On entend comme un long blues absolument déchirant galopant le long des cordes vocales.

éditions "La contre allée"

jeudi 14 octobre 2010

Le domaine perdu




Meaulnes parti, je n’étais plus son compagnon d’aventures, le frère de ce chasseur de pistes ; je redevenais un gamin du bourg pareil aux autres…Noir et blanc de rentrée. Rangée grise des corps. C’est lui, sur la gauche, qu’on remet. L’adolescent dans sa cicatrice. L'épinglé, nuque au mur, qui regarde, derrière le soufflet, l’autre paroi. Lui figure murée.
Temps loin, très loin, mais on taira toujours que, dès ce moment, on n’est plus dans leur optique. On est sorti du cadre. On cherche la fente. Je m’étais persuadé qu’il avait dû rencontrer une jeune fille. Elle était sans doute infiniment plus belle que toute celle du pays, plus belle que Jeanne, qu’on apercevait dans le jardin des religieuses par le trou de la serrure.
Photo de septembre, gouge des visages. C’est lui, sur le côté, qu’on recouvre. L’adolescent au secret. L'inguérissable, qu’on a voulu invisible, qui fait face, derrière la dépoli, à la dévastation du ciel. Lui regard débusqué.
Jour loin, très loin, mais on taira toujours que, dès ce moment, on n’est plus dans leur mat. On est, au glacé du dortoir, dans la lumière au fond des pages, avec notre air de voyageur fatigué, affamé mais émerveillé. On échafaude mille ruses pour s' évanouir à la recherche du domaine perdu de la jeune fille blonde qui avait posé sur Meaulnes doucement ses yeux bleus, en tenant sa lèvre un peu mordue. On a le cœur qui bat les chemins.

mardi 12 octobre 2010

dimanche 10 octobre 2010

10/10/10

10/10/10,ça sonne trois fois, un côté ding ding dong, alors coa coa coa de neuf en ce dimanche matin? Nos croupions ont battu la Roumanie 2-0. Blanc blanc bleu, le coach grâce à son profiler a su tirer les bonnes lignes pour ses dealers de coqaïne. Delarue a eu moins de nez. Le cocaïnomane idéal de tous les exhibitionnistes sentimentaux en mal de psychotropes télévisuels compense grâce au sport et à la compréhension du public. On ignore à ce jour les compensations que se transfuse Contador. Mélanchon se pique lui d'invectives. Sur une vidéo en buzz aujourd'hui, on l'entend traiter Pujadas de larbin et salaud. Pas de quoi fouetter un cathodique. Même intégriste. Il y a longtemps que l'animateur a défroqué le journaliste. Il y a longtemps que le people a classé le peuple. La télé tue grave la réalité. Où sont les télécologues?

10/10/10,ça sonne trois coups, un côté bling bling bang, alors coa coa coa de neuf en ce dimanche matin? Nos nettoyeurs ont bouté les Roms 700-0. blanc blanc blanc, sa sainteté vient de béniouiouir notre romanesque chanoine Chouchou, venu prêcher pour sa paroisse éléctorale, sentant soudain le roussi dans les urnes du seigneur, l'église et la République française ont la même exigence contre tout ce qui porte atteinte à la dignité de la personne humaine. Pas de quoi fouetter un tigre, même chinois. Ce matin l'épouse du dissident Liu Xiaobo couronné par Stockholm a disparu alors qu'elle se rendait à sa prison. Ce matin, comme depuis l'attribution du prix vendredi, pas un mot plus haut que l'autre de la présidence pour demander comme Obama la libération du nouveau prix Nobel de la paix. Idéogramme plat.

10/10/10, un jour comme les autres, avec son addition d'intoxication et d'indignité.

mercredi 6 octobre 2010

Courage, seule la Terre est éternelle

Vous savez très bien que, selon notre propre vision de myope, seules les étoiles sont à l’abri de nos pulsions destructrices. Nous ne constituons qu’une seule espèce sur un total estimé à cent millions. Bon nombre d’entre nous ont pris plaisir à savourer notre domination sur toutes ces espèces. En fait, nous avons créé certains aspects de la religion pour nous rassurer et nous convaincre que nous avons raison de souiller toutes ces autres espèces à notre guise. Nous avons organisé une théocratie virtuelle du viol de la terre qui garantit le caractère acceptable, sinon sacré, de toutes nos déprédations.

Il y a ses années, j’ai imaginé qu’on étendait un mince drap de coton sur tout le continent et son histoire, avant de prendre un peu de recul pour regarder les endroits où le sang filtrait à travers le tissu…Quand j’y pense, nos prétendues Guerres Indiennes ont été au sens strict de simples conquêtes et opérations immobilières.

Nous devons envisager cet univers à partir de l’intérieur et vers l’extérieur, plutôt que le contraire. Il ne saurait exister aucun concept autorisé de vertu ethnique ou génétique, qui devient inévitablement la source principale de la boucherie humaine.

La xénophobie est simplement un élément biologique de la bête humaine, laquelle a bien du mal à surmonter ce handicap.

Comme disaient les Sioux, « courage, seule la terre est éternelle ».

Si nous ne parvenons pas à comprendre que la réalité de la vie est un agrégat des perceptions et de la nature de toutes les espèces, nous sommes condamnés, ainsi que la terre que déjà nous assassinons.

Extraits de « En marge » la bio de Jim Harrison

lundi 4 octobre 2010

Je m'en vais



Je m’en vais. Voilà ce qu’on retiendra du pompeux message que notre Philippe le Jolis de Villiers de Saintignon adresse à chacun en tant que résident sur ses terres de chasse. Il tente de donner à sa tournure un accent gaullien et dramatique. Ce n’est que coup d’épée dans le marigot de son vicomtat. Il s’en va mais au vent mauvais qui tourne, sans gloire ni vraies raisons invoquées dans sa missive, mais par opportun calcul, la diabolique arithmétique de sa déchéance départementale annoncée. Sa chute future du trône. Après 22 ans de règne despotique, j’ai plutôt cherché l’anticipation que le consensus, notre grand soucieux du seul bien commun, se voit contesté à l’intérieur de son clan et à l’extérieur par ses anciens cireurs patronaux.

C’est forcément trop pour cet égo surdimensionné, celui qui a traversé le cancer au galop, et regarde ses sujets de l’altitude mentale où on trouve sérénité, élégance et panache. Fallait oser l’écrire. Mais justement ce type, n’a eu aucune retenue pendant 22 ans. Il n’a eu, contrairement au sirop qu’il nous étale que le souci habile de mettre la Vendée au service de ses ambitions personnelles locales ou nationales. Chacun connait son parcours politique, fait de méandres et de rapprochements les plus douteux. Parcours populiste tout proche parfois de la xénophobie quand il s’oppose à l’entrée de la Turquie dans l’Europe ou dénonce l’islamisation de la société, parcours conservateur boutant la culture ouverte pour une culture patrimoniale et toujours sur la défense de valeurs surannées. Parcours très libéral quand il veut, par exemple, supprimer l’impôt sur les grandes fortunes ou les 35 heures.

Et le petit vendéen, dans tout ça, la Vendée ont été son labo vivant, sa marmite. Pendant 22 ans, il a expérimenté tranquillement sur nos terres ses rêves dominateurs. Chacun est devenu l’otage de sa pensée unique et le cobaye de son ambition. Il nous a fait une belle story telling. Il a détourné notre histoire particulière à son service. Il a voulu nous rallier à son panache blanc politicien en retouillant nos guerres religieuses intestines, surfer sur un socle identitaire très conservateur. Nous refaire le coup du notre maitre fallait oser. Il l’a réussi pendant des années dans nombre de cerveaux et d’endroits du territoire. Parce que l’agité du bocage loin d’être fou et bête, a su habilement mêler modernisme et tradition, désenclavement du territoire et assujettissement des esprits, changement et enfermement. Une grande politique culturelle et événementielle, dit-il, type Puy du Fou et Vendée-Globe mais qui avait, avant tout, pour but sa propre mise en lumière.

Alors le cœur vendéen va-t-il saigner sur les culs des voitures, les panneaux de chantiers ou les différents monuments à sa gloire ? Ce n’est pas sûr. Ce départ, ce n’est pas Xynthia. Il ne fera de tempête que dans les bénitiers.

dimanche 3 octobre 2010

La France de Depardon



J’ai pris le risque de déplaire à ceux qui ne reconnaitront pas leur France et de réjouir ceux qui apprécient une perception intuitive irréductible à une définition figée de l’identité française.

C’est sûrement cette phrase qui résume le mieux l’esprit du dernier travail de Raymond Depardon, visible à la BNF du 30 novembre 2010 au 09 janvier 2011. 36 tirages très grand format montrant sa France, qu’il a sillonnée pendant cinq ans dans un fourgon aménagé et saisie derrière une chambre photographique 25X20. 36 photos choisies sur 7000 clichés. Cette France de l’entre-deux, villages, gros bourgs, petites villes en périphérie des métropoles qu’il avait quittée dans les années cinquante. Cette France entre péquenots et bobos. Qu’il a roumèguée, comme il dit, ruminée avec l’âme de l’ancien paysan, le cœur du passeur d’humanité, l’œil du poète ordinaire.

Alors il nous donne à voir quelques paysages, beaucoup de boutiques, commerces ambulants, ronds-points, carrefours. Les cadres de vie, avec peu de ciel mais beaucoup d’asphalte d’une province de bric et de broc, qui semble encore goûter l’espace et le luxe du temps. Reliée mais ancrée avec tempérance dans la vie moderne. Nullement cette France des anciens sépias ferroviaires des châteaux et autres lieux pour dépliants touristiques. Une France privilégiant la simplicité. Pas une France terne pour autant car ce qui frappe c’est sa pimpante palette. C’est une France de peinture vive avec ses nombreux rouges, bleus ou jaunes. Pas une France de design mais d’émotion brute.

Une France fortement humaine alors que le photographe a choisi cette fois de ne pas montrer les gens mais leurs lieux d’existence. Et bien qu’absents des photos on ne voit qu’eux dans les reflets des devantures, le goudron des trottoirs, le fléchage des carrefours, la forme des maisons. Partout leurs traces. Bizarrement leur absence formelle dit encore plus sur la géographie humaine et les temps faibles de leur réalité. L’humain est dans tous les petits détails minutieusement prélevés par l’acuité de Raymond Depardon. Le magnifique travail d’un inventeur de nos grottes.

vendredi 1 octobre 2010

Sous le toit soulevé


Sous le toit soulevé, le matin s’est tu. L’amour ne chante plus sur le petit brûleur. Envolé le froissis des parlottes qui bouchait les fissures, la pluie mâche le papier à roses qui collait peaux et murs.
Monté d’un fond de terre, d’une mer basse d’ardoises ou tuiles, sorti des jupes de pierres tendres, on n’ose regarder la ville dans son emmurement vertical, ses vertiges de verre, ses étagements d’ombres. Parce qu’on a pris racine dans un lieu-dit, pris mesure par ses arbres, on bute sur ses babels. On ravale sa langue.
On a l’œil serré par chaque trou dans l’immense mâchoire, devant l’écrabouillement de ces existences dont les suaires pendent. On a le cœur crevé par chaque élan de grue et cette boule qui ruine un bonheur de quatre sous peut-être, mais rassuré par les battements de l’écorce. Ce bonheur sismographique des petites gens.
Sous le toit raclé, le matin casse. L’amour ne poinçonne plus la lingerie aux lilas. Englouties la guinche des corps, la cerisaie des baisers. La pluie fiente sur la layette.

mercredi 29 septembre 2010

Nous deux

Vous souveniez-vous du début de cette magnifique chanson?


Nous deux

Paroles: Jean-Roger Caussimon. Musique: Léo Ferré 1960

Ils sont partis sans crier gare
Avec leurs mômes et leurs guitares
Nos frères gitans de Saint-Ouen.
Elles sont parties, à tire-d'aile
Et sans retour, les hirondelles
Paris n'en avait plus besoin.
Flots de béton et de bêtise
Faut des drugstores et du strip-tease
Des buildings et des souterrains
Et de Boulogne et de Vincennes
Et des quais fleuris de la Seine
Bientôt, il ne restera rien.

Mais ce jour-là, ma tourterelle,
Ma fille à moi, ma toute belle
Ma frangine d'amour, ma maman,
Malgré les planches et puis la terre
On s'blottira comme on sait l'faire
Nous deux !
Malgré la terre et puis les planches
On s'câlinera, comme le dimanche
Quand on va pas au cinéma
Nous deux !
Et qu'après, on s'retrouve en rêve
Fascinés comme Adam et Eve
Et tout fiers d'avoir trouvé ça,
Nous deux !

Tu vois, c'est écrit à la une
On se dispute déjà la Lune.
Enfants de demain, innocents !
Un général sur les planètes
Vous suivra d'loin, à la lunette
Et dira : C'est rouge de sang !
À tant jongler avec la bombe
Un jour, faudra bien qu'elle tombe
C'est son but et c'est notre lot
Il faudra bien que ce jour vienne
Adieu Paris et adieu Vienne
Adieu Rome et Monte-Carlo !

Mais ce jour-là, ma tourterelle,
Ma fille à moi, ma toute belle
Ma frangine d'amour, ma maman,
Que tout se glace ou que tout flambe
Ça fait rien, si l'on est ensemble
Nous deux !
Que tout flambe ou que tout se glace
Nous aurons déjà notre place
Dans la légende des amants
Nous deux !
Alors, quand sautera la planète
Si jamais sonnent les trompettes
On s'en foutra divinement
Nous deux !

Les gens vont me traiter d'artiste,
De sans-coeur, et si j'en suis triste
Je n'en serai pas étonné
Car ce coeur pitoyable et tendre
À toi seule, qui sus le prendre,
Depuis longtemps je l'ai donné.
Tout comme aujourd'hui, je te donne
Cette chanson de fin d'automne
Qui se voulait chanson d'amour.
Je ne suis ni saint, ni apôtre
Et pour penser encore aux autres
Il me reste trop peu de jours.

En attendant, ma tourterelle,
Ma fille à moi, ma toute belle
Ma frangine d'amour, ma maman,
Puisque nos âmes vagabondent
Allons faire le tour du monde
Nous deux !
Puisque vagabondent nos âmes
Embrassons-nous tout près des lames
De l'océan des mauvais jours
Nous deux !
Et puis, à nos amours fidèles
Au coeur des neiges éternelles
Allons nous perdre pour toujours
Nous deux !

lundi 27 septembre 2010

La turlutte des classes

Bien sûr nous la trouvions si ardente cette icone des soirées électorales. De la braise qu’on regrettait brûlant pour ce diable dans sa boîte, notre gesticulateur premier. Mais malgré une Zohra arrivée sans se presser et de père dissimilé sous le manteau, nous n’osions penser qu’une véritable Monica se cachait sous la robe Galliano.
Or voici que notre ex de la justice, parlementaire européenne et avocate pour ses fins de mois difficiles vient involontairement de pomper la vedette à notre Woerth et autre grand étalon de la politique Hortefeux en commettant le plus beau lapsus linguae de l’année sur canal+, confondant « inflation » et « fellation, « quand je vois certains qui demandent des taux de rentabilité à 20, 25%, avec une fellation quasi nulle… ».
Ah quand cupidon s’en fout pas, quand le cœur parle, sacré nom d’une pipe, que c’est émouvant. Voilà une égérie du barreau qui se fait fort et le dit d’assouplir la raideur de la justice. Voilà quelqu’une que les grandes pompes n’impressionnent pas. Inflation de 20,25%, fellation de 20,25cm, tout augmente aujourd’hui, alors avec en plus ce yo-yo des bourses, comment, parfois, ne pas déraper ? Une langue qui fourche c’est humain et le rire permet de desserrer les nœuds. Elle le sait Rachida et que celui qui en a rien à foutre lui jette la première sucette à l’anis comme aurait dit le grand cierge, pardon le grand Serge.

Des dieux et des Roms

Combien de camps de Roms démantelés à ce jour? La surchauffe estivale passée,les pauvres bougres ont été aussi chassés des unes médiatiques.Pourtant dans le silence général, les préfets continuent d'assurer leur quota de reconduite et destruction. Combien d'enfants absents des bancs scolaires? Là aussi abîme.Comme si, focalisés par le très court terme, aujourd'hui le mauvais coup porté à la retraite, nous étions incapables d'élargir nos regards et d'échapper à la tyrannie du spectacle immédiat. Là aussi engloutis dans la la logique du sous-vide consommable.La vitesse de l'information jetable pour nourrir le vide entretenu par cette société de l'image et de la lototomie.
En ce moment, il y a foule aux guichets de "Des dieux et des hommes",ce magnifique film sur la fraternité, la solidarité et l'esprit de résistance.Foule attirée par "des dieux" ou "des hommes"? justement ce film n'a rien de prosélyte pour la cause divine mais prêche avec justesse pour la conscience humaine et le retrait du vacarme des lucarnes bavardes et sourdes, pour le questionnement de ce temps délibérément déchiré pour nous éloigner de notre humanité, pour le retour à la pulsation de l'être.
Alors dieux ou Roms?

dimanche 26 septembre 2010

Vision d'un jardin extraordinaire



Monet illumine Le Grand Palais jusqu’au 24 janvier. Monet dont une des toiles a baptisé l’Impressionnisme. Voilà l’occasion de s’éblouir, de se diluer dans l’œuvre si audacieuse, en son temps, d’un immense artiste qui a éclairé nombre de courants de la peinture du XXème siècle de l’abstraction au mouvement Cobra.
Le seul sujet de la peinture c’est la peinture. C’est sur une toile la capture de la lumière et de ses multiples variations. La haute note jaune de Van Gogh. La gamme infinie, chez Monet, d’un ciel baignant un bassin de nymphéas. Avant cette immersion qui obsédera ses vingt cinq dernières années, le peintre approchera cette lumière dans les séries des meules, gares, peupliers, cathédrales de Rouen, ponts. Il remet sans cesse sur le chevalet les sujets pour n’en extraire que l’essence chromatique des instants et saisons. L’œil est dans le sujet et ne peint que sa lumière. Sept couleurs écrasées sur la palette ( blanc d’argent, jaune de cadmium, vermillon, vert émeraude, garance foncé, bleu de cobalt) pour un pinceau dansant qui nuance dans la constellation des tons la partition lumineuse des secondes.
Vingt cinq ans penché sur un coin d’onde à pêcher dans la moire ombres, reflets, miroitements, tous les ocelles d’une peau toujours neuve, les ablettes fuyantes des nappes, à crémer des pétales. Vingt cinq ans plongé dans ces noces d’eau et de ciel, à pêcher dans cet amour tendre le mystère du monde. Voilà Monet et la peinture.
Voilà Monet revenu des ciels de Normandie, des bords de Marne, de la Creuse, de Rouen, Paris, Venise, Londres dans son jardin extraordinaire de Giverny. Voilà Le peintre qui trouve son cosmos dans ce trou fleuri entrelacé de joncs et d’iris, ses fièvres d’eau et ses bouquets de lumière. Voilà Monet qui trouve dans les détails ni dieu ni diable mais l’homme dans sa joie de la vision.

mercredi 22 septembre 2010

Veille d'automne


Eté claque, coup de feu, be-bop coq, été crie, bleu d’acier, perce l’ouïe, ébleuit. Eté prend par la peau. Automne par l’âme, la colophane sur l’archet, chute amortie de pomme. Goût fruité, cool bonhomme, bleu d’azur. Automne rôtit à feu doux. Les saisons passent par le tympan. Eté tout est dit cru en trois lettres. Palindrome langue piercée. Automne en sept, nombre parfait entre lundi et dimanche, entre temps et éternité.
Notre place au soleil va rétrécir, s’agrandir notre rond de lumière. Chaque jour quelques fleurs se fripent pour grainer de l’or. Chaque jour quelques minutes perdues tombent de la peau dans le sablier du cœur. Lentement le corps ressent la matière des choses. L’œil plie avec la feuille volante. Doucement les lèvres arrivent à la lecture. L’été soufflé, l’automne arrive par la salive des mots. S’accoude à la fenêtre.

lundi 20 septembre 2010

On ajoute une peau














On ajoute une peau

Pour aller au jardin

Arrosé de bleu frais

Plonger beau matin

Un œil de peinture

Dans la chair épanouie

D’une comice à couteau

Goûter au jour nouveau

Par la ronde lumière

D’une treille chasselas

Au vert trembleur

Culs-de lampe de l’été.