Succédant aux corps toilettés, le linge sali avait
trempé tout le dimanche dans la baillotte. Le lundi maman blanchissait notre
mue hebdomadaire. Aux beaux jours elle s’installait dans le jardin. Aux mauvais,
dans l’appentis du fond, qu’on appelait, chahutant son genre, le cagna. La
remise des outils, des boites de quincaille, des cageots de légumes et clayettes
de fruits devenait alors sa buanderie.
Elle commençait par passer un savon aux pièces triées.
Le gros cube ivoire Marseille extra-pur.
Puis les frottait vigoureusement sur une planche en oblique dans la bassine. Là
entrait en scène cette singulière invention digne des belles
histoires de l’Oncle Paul que je
dévorais dans Spirou. Une sorte de capsule,
dans laquelle elle versait lessive et copeaux de savon, ébouillantant par sa
cheminée centrale le linge essangé : la lessiveuse.
Cet objet bien terne le commun du temps, acquerrait le
lundi matin une dimension fantastique. La flamme sous le séant, l’étrange
zinguerie bleutée bientôt se réveillait en sueur, trémulait, semblant
difficilement contenir quelque colère volcanique, sans doute contre nos
mauvaises humeurs textiles. A tout moment j’attendais l’explosion du couvercle
et l’envolée du fuselage écumant de rage vers la lune.
La vapeur venait embuer l’unique fenêtre. Nous respirions
alors une haleine douceâtre que
Reinettes et Conférences parfumaient à l’automne. Ça va bouillir ! Lançait
papa à midi, en l’enlevant du feu dans ses bras comme il aurait saisi maman
pour l’entraîner dans une valse. Avant d’écouter sur Luxembourg le feuilleton
éponyme animé par Zappy Max et sponsorisé par la lessive Sunil qui ajoutait l’éclat à la blancheur.