mercredi 26 décembre 2012
mardi 25 décembre 2012
lundi 24 décembre 2012
Minuit des bêtes
Il en est des bêtes comme des hommes. Pour le moins elles ne jouissent pas toutes des mêmes privilèges. A Distré, Maine-et-Loire, six castors sont poursuivis par le maire pour constructions intempestives de barrages sur le Douet conduisant à des inondations. Il demande donc au tribunal administratif l’autorisation de destruction de leurs châteaux d’eau. Heureusement Les Rongeurs, eux, sont protégés comme de nombreuses autres espèces. Ainsi les batraciens, pour lesquels au moment de leur traversée amoureuse, la Dreal a imaginé, sous leurs routes migratoires, des batrachoducs.
A l’inverse, comme nos deux éléphantes Lyonnaises qui vont finalement être euthanasiées après le rejet de la requête demandée par le directeur du cirque Pinder, des millions d’animaux n’auront pas le loisir de nous offrir leurs voeux, sacrifiés dans la grande bouffe finale. Bien sûr, si c’est invariablement le grand moment de la fête du canard qui rêverait, sans doute, de n’avoir ni foie ni cuisse ni magret, le reste de la grande boucherie relève de l’humeur du moment, de la grande loterie du goût. Un sociologue pourrait ainsi se pencher sur les menus annuels des réveillons pour tirer variations de nos mœurs gastriques.
Ainsi cette année, on peut constater le définitif déclin de la dinde. Mais aussi de toutes ces victimes de la rareté et de l’exotisme comme le sanglier, le cerf ou le kangourou. Cette année, phénomène de crise ou de repli sur soi, on rejette le sauvage même d’élevage pour le serré de batterie ou l’élevé au plein air: canard canette, chapon, veau, bœuf…
Cette année, les victimes de l’hécatombe, à côté de laquelle nos grandes guerres sont des bluettes, ne seront ni l’étrangère ni la bête des bois, mais plutôt celle des batteries et des champs. Encore une fois, à part un âne et un bœuf, sauvé par un petit jésus en culotte de velours.
Illustration : le grand Soutine exposé jusqu’au 21 janvier 2013 à l’Orangerie
:
samedi 22 décembre 2012
Une minute de soleil en plus
Selon le référent Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides, le solstice d’hiver tombait cette année le 21/12/2012 à 11h 11m 37s, entraînant que l’automne aura tenu 89 jours 20h 22m et 38,40s. Voilà le genre de sablier qui, nous faisant toucher chaque seconde, nous permet de relativiser l’impression de la fuite sournoise du temps.
Mais surtout nous enregistrons qu’à partir de ce moment un aiguillage bouge insensiblement dans le bon sens. A partir du 22 décembre, si le soleil continue de feignanter au lever il retarde son coucher de soixante secondes.
Evidemment une minute c’est une goutte d’eau, direz-vous, mais quand c’est une goutte de soleil dans notre grisaille ça vaut de l’or. Surtout que c’est la goutte de lumière qui a fait déborder le 21 décembre et renvoyé donc à leurs calculs apocalyptiques tous les nécrophages et autres Nimbus de l’alignement des planètes. Interprètes farfelus du Long compte Maya. Sachant, au passage, que, selon notre breveté IMCCE et après plus de cinquante investigations réalisées par des historiens et des astronomes, il existe un écart de 1039 ans entre les deux corrélations extrêmes projetées entre notre calendrier et celui des Mayas.
Et cette dernière minute retardée qui permet d’enfiler encore un fil dans le chas d’une aiguille ou d’en retrouver éventuellement une autre dans la botte blonde des cheveux de ma compagne c’est une goutte de miel. Comme la douceur de son visage que j’ai vu, justement ce 21, se pencher sur les…chut…bougies de son anniversaire.
Il est clair que, même si depuis le début les minutes nous sont comptées, l’étirement prolongé des battements partagés du cœur fait partie des agréables encouragements à vivre. Et que je préfère passer avec elle une minute de plus au soleil que dans la tombe d’un bunker survivaliste.
Evidemment une minute en plus c’est une goutte d’eau mais quand elle fait déborder l’amour dans la grisaille, ça vaut de l’or.
vendredi 21 décembre 2012
jeudi 20 décembre 2012
La fin d'un monde
A Bucharach et ailleurs le monde tournera encore le 22 décembre mais toujours aussi cabossé. Et sur cette sphère notre vieil hexagone qui se croit encore lanterne. Et dans cet hexagone tous les bunkerisés du nombril. Notre vieux monde n’arrête pas de mourir mais crise de foi religieuse après crise de foi capitaliste, l’organisme libéral continue ses métastases dans les cerveaux. Contre toute raison la disponibilité consumériste des neurones reste toujours l’enjeu de notre société. Et les charentaises au pied des sapins vont déborder de tous ces jouets (90% des étals) et toute cette technologie fabriqués par les petites mains des fourmis esclavagées en Chine, en Inde ou au Bangladesh. Ces derniers pays dans lesquels dans quelques mois on renverra nos déchets que trieront des enfants ignorant leur toxicité. D’aucuns qui minuitament vont messer devant un petit jésus à 2 papas Joseph et Dieu et une maman fécondée in cielo et défiler quand même bientôt à Paris contre… me diront que la charité bien ordonnée…
Et ça tombe bien car effectivement si la misère crèche sous tous les cieux, il est bon, au moment du grand gavage, de rappeler que 8,6 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté. Que 3 millions sont sans emploi et 3 autres en travail précaire dont ¼ de jeunes. Que 4 millions sont mal logés dont 700000 privés de logement personnel. 580000 foyers voient leur électricité rationnée ou coupée.
Alors c’est plutôt la fin de ce monde de la misère et de la précarité qu’on aimerait entrevoir. La fin de ce monde de l’individualisme et de l’égoïsme. La fin de ce monde du jetable et du gaspillage. On aimerait, sans espérer l’égalitarisme, que se rééquilibre réellement la balance entre « gros et petits », entre travail et rente. On aimerait la fin de ce monde où l’économie et la finance s’imposent au politique ou inversement où les politiques abdiquent devant la finance et le libéralisme. Ou devant des bouffis qui mordent la main qui les a nourris.
On aimerait aussi voir la fin d’un monde de soumis, de silencieux et fatalistes. Et surtout la fin d’un monde de geignards à la goule pleine, de frileux au bas de laine gonflé, et tous ces angoissés de la mort en bonne santé.
mercredi 19 décembre 2012
Le chat/ Petite suite en griffes/ Bob Dylan
Pratiquant donc l’égratignure in petto et griffonnant avec bel entrain terre et cahier je me sens mal venu de reprocher à mon chat ses affûtages. Pourtant il m’est impossible de lui concéder le dos des disques méticuleusement rangés dans le bas de la bibliothèque.
Je tiens à ces vinyles comme à la prunelle de mes yeux. Et c’est à peine une image si on observe cette galette noire percée au centre d’une pupille permettant de poser la sphère sur la platine.
Je confesse avoir soustrait mes premiers 45 tours sous le pull ou le manteau, des trucs yé-yé et pour boum. Mon premier 33 faisait 25cm de diamètre. Brassens y chante La mauvaise réputation .Sur la pochette de mon second, un 30 cm, Bob Dylan arpente Greenwich village au bras de Suze Rotolo. J’ignore si elle est la Girl from the north country?
Tous les craquements de ma jeunesse dans le levain de ces sillons. Alors j’enrage quand subitement, comme dans un accès de folie douce, le chat se renversant sur le côté tente de la rayer d’un coup de patte.
A moins que ce matou très post seventies et Cat Stevens, ne soit secrètement sensible qu’aux sets électros de David Guetta ou technos de Laurent Garnier et veuille à coups de griffes remixer mes belles années.
lundi 17 décembre 2012
Aéroporc Notre-Dame-des-Landes
Alors qu’on apprend que Jacques Auxiette président du conseil général des Pays de Loire et néanmoins président du Syndicat mixte aéroportuaire qui pilote le projet Notre-Dame-des-Landes ouvre un appel public à concurrence pour faire du lobbying de défense de son projet sur les réseaux et dans la presse avec une enveloppe ouverte jusqu’à 190000 euros, voilà que le président de Fleury-Michon voit rouge, un vrai coup de sang et dénonce le projet. De la part d’un entrepreneur dynamique un vrai tour de cochon quand on sait que l’essentiel de la justification de la construction du nouvel aéroport est le développement économique. Deux personnalités qui ne sont pas près de garder les pourceaux ensemble. Et pour ajouter au temps de cochon et remettre deux sous dans le goret, le directeur général du même groupe lâchant C’est un projet d’un autre temps. Un véritable abattage ! Est-il faire tête de cochon que remarquer, au passage, qu’il parait surprenant qu’il faille, malgré les belles certitudes réitérées, devoir recourir à du lobbying pour tenter de faire avaler le projet et choquant d’utiliser ainsi l’argent public, donc des cochons de payeurs que nous sommes tous.
PS: Devant le tollé suscité par cette démarche, le 21 décembre
Le syndicat mixte aéroportuaire a fait connaître dans un courrier adressé aux collectivités qui le financent sa décision d'arrêter l'appel d'offres qu'il avait lancé la semaine dernière pour du lobbying sur les réseaux sociaux, et à destination des médias en faveur du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
dimanche 16 décembre 2012
Défense de tuer
A peine notre pachydermique exilé à Néchin, voilà qu’une nouvelle affaire éléphantesque défraye les unes. A Lyon, oui, cette fois dont on connaît le bouillant navigateur. Cette fois notre franc-tireur Collomb, n’affronte pas les autres mâles dominants du PS. Il vise deux pauvres éléphantes, Baby et Népal confiés au parc de la Tête d’or en 1999 par Pinder. Sous prétexte qu’elles seraient apparemment porteuses de la tuberculose, il a décrété leur euthanasie pour le 20 décembre. Arguant qu’il existe des antibiotiques adaptés et que la transmission de la maladie à l’homme n’a jamais été prouvée (d’ailleurs leur soigneur ne semble pas devenu tubard), Gilbert Edelstein le patron du cirque vient d’écrire, en désespoir, à François Hollande pour lui demander d’accorder sa grâce présidentielle aux deux pauvres femelles. Empêtré dans Fleurange et dans les querelles des mastodontes du parti, voilà que notre président risque maintenant de se mettre, en plus, Bardot à dos. Alors que Badinter risque de remonter lui aussi au cornac. A moins qu’il ait au moins la sagesse de repousser la peine capitale au-delà du délai fixé pour l’exécution.
Avec un peu de chance, mayas entendus, peut-être que le vaste tsunami promis le 21 décembre viendra balayer tous les réducteurs de trompes et empêcheurs de barrir en paix, laissant monter dans un nouvel arche de Noé à destination de Bucharach nos deux grosses bêtes sans défense.
samedi 15 décembre 2012
C'est un temps que les moins de vingt ans... C'était au temps où quatre justaucorps faisaient les Jacques, les frères Jacques sur les scènes de France. Mimes et comédiens, ils ont interprété les plus grands auteurs: Prévert, Vian, Brassens, Ferré...Ils étaient quatre. Georges Bellec vient à son tour ,ce 12 décembre, de quitter "La Marie Joseph", laissant seul à bord Paul Tourenne.
vendredi 14 décembre 2012
Après les cris,la musique.Dave Brubeck grand pianiste de jazz et courageux défenseur des droits civiques des noirs américains" est mort ce 5 décembre 2012.On a tous aussi dans l'oreille avec Take five, composition de son saxophoniste Paul Desmond, son Blue rondo à la turk. En prime la merveilleuse pochette du vinyle.
jeudi 13 décembre 2012
Permettez-moi de hurler !
Et voilà ce matin qu’on apprend que notre enflure d’exilé fiscal met en vente son modeste pied à terre, un hôtel particulier en plein cœur de Saint-Germain-des-prés pour une bouchée de 50 millions d’euros. Une bicoque de 1800 m2.
Alors permettez-moi de penser à ma fille qui bosse depuis 5 ans à Paname. Qui après trois ans de colocation doit se contenter d’un carré mité d’humidité au point de devoir garder toutes ses fringues sous housse, de 12m2 pour 650 euros par mois soit 40% de son salaire…Un endroit si chic et attirant qu’il y a deux week-ends des encore plus miteux ont fracturé sa porte pour lui taxer son seul signe extérieur de richesse, son PC.
Oui, j’entends : elle pourrait dormir au fond d’un carton ou dans sa voiture qu’elle n’a pas…
Oui, mais je continue à penser qu’il y a bien les gros et les petits comme on disait à la maison. Et, en l’occurrence ce petit c’est ma petite, alors permettez-moi de hurler !
mercredi 12 décembre 2012
Au bout de la pellicule.
Parlant des riches, à la maison on disait les gros. Il y avait nous les petits et les gros. Pas de demi-portion alors. Pas de mitan. La classe moyenne naîtrait avec la montée en crans de certains petits. Les gros s’engraissant toujours un peu plus. Bien sûr on était dans le symbole. Certains secs avaient du biscuit. Mais j’ai pu vérifier qu’effectivement les nantis portaient souvent bel embonpoint et bretelles quand les obscurs serraient au premier trou leur ceinture.
Gérard Depardieu, si j’ose dire, cumule, en plus du bide il a du coffre. Il a tout de mon stéréotype familial. Mammuth au ciné, ogre en affaires. Quand il ne joue pas le manneken piss des airs il remplit les bouteilles de ses multiples domaines. Qu’il vide avec allégresse dès qu’il lui faut prendre son scooter. Aussi à l’aise dans le taux d’alcoolémie que dans le taux de rendement.
Et voilà que notre monstre sacré, jadis légiond’honneurisé par Mitterrand, barde récent de Sarko, fervent Poutinien, allumeur de bougies au 36e anniversaire du Tchétchène Kadyrov, pousseur de notes avec l’aînée de l’ouzbek Karimov, autant de joyeux drilles vient de s’amouracher de la monarchie Belge. Il est comme ça notre dodu, il a un sens de l’orientation un peu aléatoire et une bouffissure maladive.
Là remarquons que notre valseur ne s’éloigne que de quelques pintes de la frontière française. Certains y verront écume de nostalgie, d’autres provocation avec majeur bien tendu.
Quel charme notre adipeux trouve t-il subitement à ce petit cru wallon ? D’aucuns jaloux disent qu’il y vient enterrer en plus de quelques bouteilles quelques marmites de statères. Lui, pas terre à terre pour un sou, parle de petit paradis bucolique. Par ces temps de gueux et d’insécurité chacun évidemment pense à ses lendemains et peut être tenté de mettre quelques noisettes de côté. Et ce n’est pas, parce qu’à chaque tour de manivelle, on empoche quelques 3164 RSA, qu’on n’est pas amené à réfléchir à un éventuel retournement de fortune, surtout grande.
Entre gentleman et voyou, lettré et beauf, entre Jean-Claude et Jean de Florette, entre ostrogoth et Cyrano notre Gégé n’a jamais su trouver son rôle. Comme si son énorme dévoration de la vie ne pouvait combler une béance d’enfance. Boulimique d’amour et de flouze comme pour conjurer une incommensurable peur du manque.
Fuyant peut-être le fisc mais surtout haïssant le personnage qu’il est devenu , c’est plutôt lui qu’il fuit. Brisant définitivement cette image qu’il ne peut plus encadrer. Après avoir suicidé son corps c’est comme s’il voulait suicider son âme. Il est au bout de la pellicule.
dimanche 9 décembre 2012
Les petits pois ( Dans le jardin de mon père )
Un jour j’ai su qu’on pouvait, plus encore, que dans la lumière blessée d’une cour, se sentir arraché des siens, dans l’égouttement d’un silence de réfectoire, le nez forcé dans des petits pois de pension. Un jour j’ai su que le bonheur pouvait tenir dans un sac de billes vertes et que petits pois qui roulent pouvaient amasser mousse.
Ces petits grains ridés Téléphone dont il entortillait les rames et ces grains rond Serpette cent pour un avec leurs gousses en croissant de lune dont, en juin, on tranchait le pédoncule entre pouce et index. Qu’on fendait alors sur un saladier, répandant dizaine de mirettes vernissées et riantes.
Un jour j’ai su qu’on pouvait perdre l’enfance en gâchant le goût de ces petits pois frais qui sucraient mes printemps. Ces petits grains concentrant la richesse de l’instant comme dans ce haïku de Ozaki Hôan :
Loin de moi
La critique des autres
J’écosse des petits pois.
vendredi 7 décembre 2012
Le chat / Démarrage de bon poil
C’est comme s’il guettait mon réveil, mais sans impatience. Mon émergence, enfin, par la caféine. A peine le premier cran de ma verticalisation, faïence en main, le voilà retombé sur ses pattes. Prêt à lacérer le premier bois venu. Chaises, bûches de la cheminée ou troncs des fruitiers, il n’est pas regardant sur l’objet ni l’essence, pourvu que la victime lui offre une certaine résistance. Ce qui l’éloigne à priori de mes chevilles et mollets. Mais je peux aussi attribuer cet écart à une certaine réserve affective. Tout ça me parait s’inscrire dans l’ordre des choses naturelles. Tout deux mammifère et carnivore, évitons de juger nos petites manies et revisiter la longue chaîne de nos comportements. Et puis, à cette heure, préventivement à l’inévitable côtoiement à venir des finasseurs, des jouteurs d’opinions à deux thunes et autres médiocres assassins de toute rêverie, me faire in petto les griffes sur tous les enfumeurs et nuisibles qui occupent ma bande FM libère les quelques bouffées d’adrénaline facilitant un démarrage de bon poil.
jeudi 6 décembre 2012
Le Coppé et la Marine
Maître Coppé sur son parti perché
Savourait pain au chocolat
Blonde Marine par la pâte alléchée
Approcha ainsi l’avocat
Hé ! Bonjour Monsieur du Coppé
Que vous êtes joli, semblez décomplexé
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage
Vous êtes le Phénix de toute l’assemblée.
A ces mots le Coppé est tout émoustillé
Et pour montrer son bel organe
Desserre ses longues dents, laisse tomber sa manne.
La Marine s’en saisit et dit : « mon beau Coppé
Apprenez que tout fausset
Vit aux dépens de mon électorat
Cette leçon vaut bien un pain au chocolat. »
Le Coppé honteux et confus
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y reprendrait plus.
mardi 4 décembre 2012
Mon chat et les yeux d'Amélie
A cette heure autrefois du laitier, forcément le chat arrondit ses pupilles. Deux pleines lunes noires mangent l’iris. Semblables aux billes d’Amélie Poulain à la sortie d’un photomaton. Heure d’hiver ou pas, la nuit se dilate encore et il me fait les gros yeux, encore que le pliement de ses paupières à la moindre caresse de mes mots à son endroit, corrige cette prime impression. Visiblement il m’écoute et savoure ma langue de chat, miaulement apprise à la longue de nos voisinages sur ondes courtes. Quel nombre de mes mots possède-t-il ? Combien de ses idiomes ai-je moi-même acquis ? Sans compter notre langage de signes, de mes caresses à ses frottements en passant par ses ronronnements. Voilà le genre de questions qui certains matins me plongent dans le marc de café au point d’embrumer les prévisions chantantes ou cadencées des Jacques Kessler ou Joël Collado. C’est là, que sur le départ, le jour enfin éclairci, je peux compter sur le bulletin météo de mon félin. Lire, dans l’étrécissement à l’épaisseur du trait ou le grossissement à rondeur de calot de sa pupille, la couleur de ma journée.
dimanche 2 décembre 2012
Les surréalistes ont théorisé sur le hasard objectif .Je n’ai jamais su qu’en définitivement penser. Mais je relève toujours avec bonheur ce que j’appellerai les enchaînements poétiques des événements. Ainsi, alors que je prenais hier midi le petit chemin ferroviaire des feuilles mortes, voilà qu’au soir lisant le délicieux Le vol du pigeon voyageur, Christian Garcin m’offrait cette belle boucle :
…Ce remords s’évapora dès qu’il entra dans le bar de l’hôtel et vit une petite rouquine dodue s’avancer vers lui en tendant la main. Son visage un peu raide respirait la franchise et l’honnêteté, et Eugenio se trompait rarement sur les visages. Elle avait la peau très blanche et tachetée de son, les cheveux couleur rouille coupés court, et un regard bleu cobalt, ciel foncé sur feuilles mortes, une délicate palette automnale autour du frémissement un peu myope de ses paupières, à peine ombrées…
samedi 1 décembre 2012
Tacadam, tacadam
Tacadam, tacadam, on avait les grévistes et les désespérés, les forceurs de passage à niveau, les ferreurs de caténaires et les dépeceurs de câbles. Tout un petit monde décidé à mettre des escarbilles dans les boggies et bloquer le doux défilement du paysage. Tacadam, tacadam, simplement peut-être autant de réfractaires aux aiguillages huilés de nos sociétés. Des briseurs d’horloges voulant éviter aux vaches la monotonie de leurs ruminations ferroviaires. Des acharnés du droit à la paresse ligués contre l’arrivée des trains à l’heure.
Et voilà tacadam, tacadam, après les flocons de neige, les tourbillons du vent qui poussent sur le ballast les feuilles mortes. Savonnant à nouveau la belle régularité du système ferré et laissant nos locos sans voies. Occasion pendant cet arrêt inopiné de revenir à Prévert :
En sortant de l'école
nous avons rencontré
un grand chemin de fer
qui nous a emmenés
tout autour de la terre
dans un wagon doré…
Et :
! Je voudrais tant que tu te souviennes,
Oh, je voudrais tant que tu te souviennes,
Des jours heureux quand nous étions amis,
Dans ce temps là, la vie était plus belle,
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Tu vois je n'ai pas oublié.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi,
Et le vent du nord les emporte,
Dans la nuit froide de l'oubli.
Tu vois, je n'ai pas oublié,
La chanson que tu me chantais…
jeudi 29 novembre 2012
Des monstres de foire
Bien sûr, on voudrait parler d’autre chose. On souhaiterait que unes et ondes les trépassent sous silence. Les laissent s’entretuer. N’avoir plus cette colère, cette honte, ce dégoût. Même si on n’a jamais été des leurs. De leur famille. Qu’on les a toujours combattus. Mais leur guerre picrocholine nous éclabousse, leur combat de coqs arrache les dernières plumes au panache du Politique.
Tous les jours on pense avoir touché le fond. Tous les jours ils creusent un peu plus leur néant et la tombe de notre système démocratique. Ces vieux quinquas indignes. L’un m’est de naturel très antipathique, l’avocat d’affaires, de ses petites affaires, qui aspirait (j’espère l’imparfait devenu le juste temps) aussi à s’occuper des affaires de la France. Le mitron du pain au chocolat. Prêt à rouler la France dans le levain le plus populiste pour tirer ses ficelles du four.
L’autre, le pilote boitillant semblait mieux élevé. Genre gendre un peu british idéal pour bal de débutantes. Son choix de négocier un virage plus social démocrate me paraissait sincère. Foutre, on était dans la seule tactique de course électorale. Le gentil colgate n’est qu’un rayeur de parquets. Un carnassier. Un tueur. Une racaille de récré. Le propret à la raie tiré comme la dernière ligne droite un requin des urnes.
Depuis les Mitterrand, Chirac et Sarko, on avait pigé que la politique est affaire de fauves. Que le pouvoir rend dingue. Qu’ils y pensent tous les jours en nous rasant. Mais je me disais aussi que l’habit et la tâche exigeaient peut-être ce genre de monstres. Je ne pensais pas cependant à des monstres de foire.
Et pendant ce temps le polichinelle ressort de sa boîte et la walkyrie attend que tombe le fromage.
mercredi 28 novembre 2012
Juillet ( dans le jardin de mon père)
J’ai des jours dorés dans la mémoire, de bleu sur le feu et de corps dans la fraîcheur noire d’une chambre. J’ai des juillets lumineux de long compagnonnage où je suis son porteur d’eau.
J’entrais en grandes vacances quand il avait ses congés. Du temps encore pour son jardin. On restait. Mais juillet pimentait notre ancrage de ses rouges aztèques ou ses violets incas et notre bout de terre avait un goût de nouveau monde. Tomates, aubergines, poivrons, courgettes débordaient de nos porte-bagages. Toute la peine donnée maintenant nous souriait. Ni mer ni montagne, je prenais de belles couleurs dans le frottement des peaux.
Nous avions le Tour pour nous échapper et découvrir la France. La Grande Boucle punaisée sur le calendrier des postes que nous suivions collés à la radio, sur la moto de Robert Chapatte ou Jean-Paul Brouchon.
Le soir, dans les carrés, nous franchissions le Tourmalet dans la roue de l’aigle de Tolède Federico Bahamontes ou du grimpeur ailé Charlie Gaul. Encouragions Poupou d’une discrète poussette. Heureux équipiers, nous pédalions dans la terre, jusqu’au moment où le soleil perdait son maillot jaune derrière les framboisiers.
dimanche 25 novembre 2012
Barbara
On ne sait pas ce qui prélude à ces exhumations commémoratives, ces ressorties des ombres. 15 bougies funèbres sur le piano dont on soulève l’aile noire. Et voilà la longue dame brune frissonnant dans la lumière jaune des feuilles d’automne.
15 ans dont on ne saurait comprimer l’atmosphère, finalement qu’on résume à
La poussière crayeuse en bas d’un tableau. 15 ans laissant un petit tas de jours au tourbillon du vent. Un petit tas de cendres. Nos reculades devant la nuit.
15 ans, nous avons tant aimé cette voix qui revient dans nos meurtrissures. Qui funambule sur le clavier des sentiments. Cette voix d’outre enfance sur le fil du couteau. Cette voix si nue sur la peau. Ses griffes et ses échardes. Sa danse sur les tessons des murmures. Cette voix qui ruisselle et s’échappe. De Pierrot et Poucet, chaperon rouge et Colombine.
Et nous aimons tant cette voix de mûre et d’âme égratignée. De flammes et copeaux. De cailloux perdus et de géographie amoureuse. Cette voix qui nous touche où le cœur a mal.
Et nous aimons tant cette femme qui s’offre et nous met en larmes.
vendredi 23 novembre 2012
Faut rigoler...faut rigoler...
Au début on rigole, on se tord les boyaux. On se marre, se gondole. Au théâtre ce soir chez les bourges cocus, on se tape sur les cuisses. Au guignol on compte les gnons, les coups dans les parties électorales. Et puis la farce dure et le rire se colore de bile. Vient la nausée. On s’aperçoit qu’on rit avec tout le monde de notre mort. La chute de l’Homme. Qu’on s’esclaffe devant sa dépouille. Qu’on se bidonne devant la bête.
Certains croient encore à la fin du monde le 21 décembre 2012, mais ils sont en retard. Il est trop tard pour Bugarach. Nous sommes, depuis longtemps, des spectres, des ombres errantes, des silhouettes découpées pour tous ces montreurs qui nous guignent derrière l’écran, qui nous enferment dans la quadrature de leurs paraboles. Nous ne sommes que les spectateurs de leur comédie d’ego.
Nous ne sommes plus que les faire-valoir de leurs telling stories. Les personnages de leurs affligeants sitcoms. Leurs amuse-gueules. Sûrement, ils ouvrent nos portes aux loups.
jeudi 22 novembre 2012
Jeudi 22 novembre Sainte Cécile
Trêve des fracas
Silence des dieux dos à dos
Des terres lèvres à lèvres
Des âmes à mille lieues
Des cœurs à portée de roquettes
Jusqu’à quand encore
Le doux Gazaoui des oiseaux
A l’oreille ?
98 puis 28 voix discordantes
Entre l’un et l’autre
L’épaisseur d’un pain au chocolat
D’un papier à triste musique
Cuivres d’un côté bois de l’autre
Juppé invité en fanfare
A recoller les morceaux
Pourrait couac de Hollande
Faire jouer bémol
Sa clause de conscience
22 novembre Sainte Cécile
Guerre des chefs d’orchestre
Hollande envisage de leur livrer
Des batteries de missiles sol-air.
lundi 19 novembre 2012
Avril ( Dans le jardin de mon père)
J’aurais aimé ne jamais remonter ce cordeau ombilical. Que cela demeurât son jardin secret. Qu’elle ne confiât jamais au milieu de mes copines j’avais honte de mon gros ventre. Dans la chair alanguie, les sucs de juillet, j’aurais aimé être ce grain d’amour semé et attendu comme leur petit bout de printemps.
Il n’est pas auprès d’elle, cela ne se fait pas, ce 11 avril 1949. Tourne t-il dans la cuisine ou patiente t-il dans ses carrés en sarclant ses échalotes grises ou buttant ses fèves ? L’air est doux et dans six jours pâques s’envolera à 28 degrés.
Sourit-il au c’est un garçon de sa belle-mère ? Pose t-il sur moi un premier œil de jardinier fier de son rejeton ? Sa graine baby boom. Ose t-il me cueillir, m’accueillir dans ses bras ?
Retourne t-il très vite rayonner sa poirée blonde, ses betteraves rouges crapaudine, ses oignons jaune paille des vertus ? Oeilletonner ses artichauts ou enfouir ses tubercules de belle de Fontenay ?
Pour cette nouvelle bouche à nourrir.
dimanche 18 novembre 2012
TEMPS VARIABLE.
Il a plu des bombes, des missels,
Des roquettes, des cris et des clous
Des Allah Akbar ! , des oh mon dieu!
Des codes civils et des cocoricos.
Les anti-Palestine occupent leurs bunkers
Les anti-Israël se terrent dans leurs caves
Les anti-aérien squattent leurs cabanes
Les anti-homos se serrent dans leurs églises.
Samedi 17 novembre 2012
Dimanche 18 novembre 2012
Sainte Elisabeth et Sainte Aude
Météo du jour : Temps variable.
samedi 17 novembre 2012
Malacologue ou lumagination au pouvoir.
Je guette toujours dans mon quotidien matinal (le journal) l’entrefilet susceptible de nous présenter le monde et surtout son triste érectus sous une face un peu plus réjouissante. J’avoue qu’il y a souvent des jours sans.
Mais aujourd’hui je découvre en dernière page qu’un certain Mikel Chaussepied peint depuis 2002 un matricule sur le dos des escargots qui traversent son jardin. Loisir comme un autre penserez vous, façon originale entre macramé et peinture sur soie de prendre la retraite par les cornes. Pas de quoi alerter Bardot ou Greenpeace. D’autant que ce pigmenteur de cagouille, par ailleurs graveur et peintre reconnu, explique que son geste est une réplique à la vision insupportable des arbres numérotés dans un parc voisin, on aurait dit les prisonniers d’un stalag
. Bien sûr on a beau se gratter le colimaçon, la logique de ce sillage artistique peut interroger. Mais au moins nous fait-il sortir l’esprit de la coquille.
D’ailleurs ce malacologue amateur à lumagination débordante va se voir remettre le titre de grand recenseur de l’escargot cosmique par l’association Vacuus de Brest qui prône la néantologie et promeut toute activité n’ayant pas de justification utilitaire.
Ps : Vacuus qui tient blog dont la seule page d’entrée promeut…3 publicités, forcément sans justification utilitaire…
vendredi 16 novembre 2012
Peau de colle
On sait que la recherche est d’abord une affaire d’intuition. En bref qu’un bon chercheur doit avoir du nez. Alors on perçoit mieux ce qui a pu conduire certains universitaires de Tours à sonder les fosses de 18 patients hospitalisés pour sévère dépression. A qui on a fait renifler huit odeurs différentes, qualifiées d’alléchantes ou désagréables. Parfois leur mélange. Le résultat de ce pifomètre indique que face au ressenti de 54 volontaires en bonne santé, l’olfaction des malades testés se révèle relativement altérée. Ainsi on suppute suspect le fait qu’ils rangent dans les odeurs déplaisantes la vanille, la cannelle ou l’amande amère. D’autant que les mêmes bouchés, après six mois d’antidépresseurs, persistent à ne pas humer comme le commun des narines.
Mais alors qu’en conclure ? Que tous les déprimés n’ont dans le cerveau qu’un petit pois de senteur ? Que tous les infirmes du pif sont des dépressifs en puissance ?
Ne serait-ce pas, pour ces chercheurs, à l’instar de beaucoup de manipulateurs de rats qu’une façon de montrer le bout de leur nez ?
Par essence la dépression est d’abord une perte sévère d’appétence aux choses de la vie. Tous les sens sont mis sous l’éteignoir. Mais quand le malade revient de sa douloureuse traversée, il reprend parfaitement goût à ce qui fait le sel ou l’odeur du bonheur.
Allons, une de ces chercheuses de truffe admet, quand même, qu’une odeur semble surnager et redevenir plaisante aux tarins antidépréssés : celle du petit pot de colle utilisé en classe qui sentait légèrement l’amande amère.
Ah ! Le petit pot de colle blanche qu’on sniffait à partir de la maternelle à base d’amidon de pomme de terre avec sa petite spatule qui permettait de réaliser les beaux collages des premiers cahiers.
Tout le parfum de l’enfance dans lequel tout bon psy (chiatre ou thérapeute) vous replonge au premier blues.
Cette enfance vraie peau de colle.
lundi 12 novembre 2012
Ses leçons de choses
Il a sept ans et la main gauche collée sur son buvard chicorée Leroux. Il s’applique à écrire, à la plume sergent-major, la liste des sept pluriels qu’il s’efforcera de mémoriser ensuite : bijou, caillou, chou…
Il a huit ans et ouvre ravi, au retour du jardin du maître, le chapitre : Plantons des choux, à la page 119 de son livre Leçons de choses en classe et en promenade pour cours élémentaire et moyen.
J’ai sept ans au bord du semis de sa pépinière de choux. Traits parfaitement rectilignes comme ses tracés d’encre violette. Dans deux mois il espacera sa sélection de replants en quinconce.
J’ai huit ans et je le regarde enterrer ses plants jusqu’aux premières feuilles. Suit-il ainsi, encore, dans ce geste, la consigne de la page 121 de son ancien Delagrave cartonné, dessin bleu, en couverture, d’épis de blés ?
J’y lis aujourd’hui dans sa préface : Les connaissances ont leur double racine sans lesquelles elles seraient superficielles et précaires : 1) dans la perception attentive du réel 2) dans son expression verbale.
Je n’ai pas connu en classe ces leçons de choses. Mais j’ai eu son jardin du maître pour école.
lundi 5 novembre 2012
Le sécateur
Voilà posé sur le fil de ma page, un drôle de corvidé aux fines ailes, bridées par une boucle de cuir. Je voyais toujours son bec crochu dépasser de ses poches de pantalon. Lame ovale croisant une plus épaisse en croissant. Un oiseau au poli de jais, dont la pupille saillante, me fixe latéralement.
Son dernier sécateur dont un ressort libère les ciseaux. Acier extra, parfaitement équilibré, qualité sans égale et fini irréprochable, tel que précisé, sur fond vert, dans son catalogue Manufrance.
Je l’ai encore bien en main cet outil modèle courant à 8 francs que j’ai sauvegardé de son fourbi. Pour un peu, le serrant, je sentirai presque un cœur battre dans mes paumes. Il en pendait deux autres dans la cabane dont un plus sec pour la vigne. Je les prenais et ouvrais un peu en cachette. Tu vas te couper me disait-il. Il n’aimait pas me les voir manipuler.
J’aimais regarder l’envolée de ses gestes précis dans les rameaux. Sa taille de fin d’automne qui faisait voler les rémiges des fruitiers.
Longue absence pour certains... afin de finaliser un manuscrit qui reprend les textes "Dans le jardin de mon père" et qui devrait conduire à une publication dans les mois à venir. Jusqu'à la fin de l'année je vais en poster un certain nombre.
vendredi 14 septembre 2012
le chou (dans le jardin de mon père)
Etais-je trognon ? Comme on le dit aujourd’hui autour des berceaux. Je n’ai pas dans l’oreille de Mon chou ou mon ptit chou susurrés par ma mère ou lui. J’ai des Bout d’chou par certains familiers.
Dans les colos, quand le parisien était parigot tête de veau, j’étais le ventrachou
mais pas tête de chou. Un legs de chouannerie vendéenne.
Pommé, fleur ou Bruxelles, vert, violet ou bleuté, le chou traversait les saisons au jardin. Il les plantait de mai à novembre : Gros des vertus, Beauté de Marly, Pontoise, Merveille de toutes saisons ou Demi-nain de la Halle. A la mode de chez nous. Surtout bien borner le plant disait-il en obliquant la pointe.
J’ai cru un temps au père Noël, comme à l’éclosion dans les roses ou les choux. Je n’aurais pas osé les embêter sur la naissance. Puis j’ai douté devant le gros ventre lacté du chou-fleur ou la crèche de larges feuilles lisses du cabus ou cloquées du milan.
Mais naître dans ce giron quoi de plus beau symboliquement ? Grain d’étoile dans les spirales du Romanesco.
lundi 10 septembre 2012
Suzon à la télé
Voilà que Delarue décroche quand le moral des français est à la rue, qu’Hollande double les noisettes des bas de laine quand 21% des hexagonaux, selon un sondage matinal, ont ,tous les mois,leur compte bancaire dans les chaussettes. Voilà belles-mères et ménagères, accrocs du Paf maintenant en manque du gendre idéal et non moins sniffeur d’inconscient et montreur de belles douleurs. Et sans doute ces fins de mois et faims de moi, vont faire péter le prochain thermomètre des sondeurs occultes.
Sachant que déjà près de 70% des français broyaient du noir. Qui maintenant va prendre en charge cette psychose nationale qui nous vaut de battre le record des shoots collectifs ? Roselyne Bachelot dont on annonce le tailleur rose sur Direct 8 ? Le luxueux Bernard Arnault, un instant pressenti, semble plus attiré par les défilés du Manneken Piss et brusseler pour le cornet à 75% de frites. Quand à Bernard tapie, le brillant détourneur de nos impôts, il a bien trop affaires. Ayant à peine amarré son yacht de 40 millions, le voilà acquérant pour 47 millions « la mandala » modeste villa Tropézienne de 500 m2 et 2 hectares. Actuelle propriété d’un de ses amis, un certain Onofrio affairiste plusieurs fois condamné et néanmoins…citoyen Belge.
A moins que ma chère voisine Suzanne accepte de reprendre le créneau de Toute une histoire y transmettant ses petits bricolages pour arrondir de bonne humeur toutes les binettes bouchonnées.
vendredi 7 septembre 2012
Les Dahlias ( dans les jardins de mon père )
Vient au jardin ce moment magique du fleurissement. Gouachant, de blanc rose ou de violet, les rangs buissonnants des haricots ou allumant, de somptueuses corolles orangées, le vert dentelé des courgettes. À ces éclatements cycliques il ajoutait son propre embellissement floral.
Il disposait des fleurs, outre pour leur agrément, pour leurs vertus secondaires, protectrices ou pollinisatrices. Ainsi des œillets d’Inde entre les tomates, des capucines près des courgettes ou de la bourrache au bleu si secret. Celle du moucheron de Rimbaud amoureux de la bourrache et que dissout un rayon. Seul le dahlia n’était élu que pour son irradiant éclat.
Fréquentant la maison, Van Gogh, aurait délaissé ses tournesols, pour écraser ses couleurs devant les dahlias qui illuminaient le centre de la table et l’angle du buffet. L’été, il en rapportait de merveilleux bouquets que maman, qui ne jurait que par ses glaïeuls arrangeait en maugréant : ça ne tient pas en vase.
Mais il devait estimer que même éphémère leur beauté ne souffrait nulle remarque. Ni le rapide racornissement de leurs flammes comme le poudroiement mimosa de leur cœur sur le formica n’étaient susceptibles de froisser son bonheur. C’était sa fleur.
Maintenant la mienne. Ces fascinantes constellations rouges, blanches mordorées ou panachées brûlent au quatre coins de mon jardin.
mardi 4 septembre 2012
ECCE HOMO
La plupart l’appellent Suzon, ma voisine au tournesol. Suzanne lui va mieux. Dans ses yeux je vois toujours les prunelles de cette merveille fleur grimpante : la Suzanne aux yeux noirs.
Et puis son bonhomme de soleil m’a ramené, à ce qui restera pour moi, l’image iconique de l’été : le Christ restauré de Borja.
Le toilettage de cette œuvre de l’église du village a enflammé journaux et web. Depuis ses retouches au portrait christique, Cécilia notre artiste du dimanche et néanmoins octogénaire subit un véritable calvaire. Quelle injustice pour un geste totalement désintéressé et inspiré par la seule foi dans l’art.
Et puis sa réinterprétation naïve ou singulière n’a rien de sacrilège. Elle n’a, au fond, que fait redescendre ce larron divin de sa croix, sur terre quoi ! En lui redonnant face humaine, bonne bouille, le regard laconique devant un avenir plutôt biaisé. Terriblement humain, normal, un chômeur Quoi ! Pas le visage d’un de ses fils à papa qui se tire au ciel à la moindre crise capitale.
C’est vrai qu’à propos de mon bonhomme de Tournesol de Suzanne, ce bonhomme de peinture de Cécilia est un peu sommaire. Mais le peintre Elias Garcia Marquez, selon ses propres dires ne l’avait-il pas légué au peuple et écrit sous son tableau : ceci est le résultat de deux heures de dévotion à la Vierge de la miséricorde.
Alors miséricorde pour cette pauvre Cécilia et tressons lui couronne de lauriers plutôt que d’épines.
samedi 1 septembre 2012
Le bonhomme Tournesol
Le fond de l’air est si déprimant, même le mercure dévisse que je n’avais rien envisagé de plus morose, pour un come-back qu’une dérive autour de l’adjectif « normal », tant il me parait imbiber l’atmosphère et enregistrer la plate oscillation de notre cardiogramme hexagonal ambiant.
Et puis, hier soir, le hasard d’une visite à une voisine m’a cloué devant ce joyeux majordome aux mèches folâtres, aux mirettes Evian et à la banane estivale, planté au pied de la maison.
Et la dame de m’expliquer en souriant que son drille était, sans doute, le fruit des graines distribuées l’hiver aux oiseaux. Son bonhomme Tournesol qu’elle avait aussi naturellement fabriqué à ses 82 printemps que, petite fille, ses bonhommes de neige.
Rien de sénile dans les yeux malins de celle qui œuvra à la création des urgences à l’hôpital de Nantes, plutôt du pétillement. La réjouissante capacité de se moquer du temps qui passe. De prendre la vie par le soleil. De ridiculiser ce « normal » qui nous bouche les yeux.
samedi 30 juin 2012
Dans le jardin de mon père / 17 / l’art premier de papa
C’est la disposition du jardin qui, tous les matins, nous accueille. Nous prend dans mille signes nouveaux, mille points d’appui. Mille métamorphoses écloses dans la nuit. Avec ce frais visage de la beauté accomplie derrière l’attention de nos mains. Il nous offre, alors, la mesure de sa permanence et le baume de ses germinations. Tous les matins le corps s’enfonce dans son mystère quand l’âme se réjouit de chaque pousse et mûrissement. Sa visite nous transfuse, pour la journée, l’énigmatique force de sa plénitude.
Tous les matins papa y avait sa place cosmique. Cette place comme dévolue qu’il a tenu à entretenir de la plus noble façon. Et sa valorisation plastique de ce coin terrestre, quand je ne saurais que resserrer le père nourricier et le citoyen, me permet d’éclairer l’homme intime. Rendre mieux visible la belle sensibilité de son regard.
Car je dois, sans doute, mon éveil pictural à la vision régulière de son jardin. Son ordonnance spatiale et la mise en scène de ses allées, géométrisant chaque planche comme autant de tableaux à la figure parfaite. Ainsi ses cadres de terre fraichement retournée m’ont préparé l’œil au carré noir sur fond blanc de Malevitch. Les cautérisations des semis rapproché de la rigueur cubiste, comme la fusion des explosions dynamiques et colorées, amené à l’émotion de l’abstraction lyrique. Tout l’art premier de papa m’a permis de goûter les pêches de Cézanne comme les folies légumières d’Arcimboldo.
Ce texte, chers fidèles de « grains d’encre », clôture ma première saison 2012. Je vous donne rendez-vous, à nouveau, dans mon jardin de mots le premier Septembre.
mercredi 27 juin 2012
Dans le jardin de mon père / 16 / Il faut faire attention
Je vois bien les coupures et les ongles terreux. Les départs au réveil et les retours pour la soupe. Je sais bien que ça ne tombe pas du ciel ce qui bouche le bec. Je regarde mon assiette mise sans m’interroger plus. Je croque les fèves vertes et les radis que j’aime tronçonner sur des bouchées de pain beurrées. Un large « pain de quatre » au dos farineux préalablement signé par papa d’une symbolique croix, à la pointe de l’opinel.
J’ai l’insouciance et l’égoïsme de l’enfance. J’entends pourtant maman m’opposer : « Tu connais pas ton bonheur » et me seriner : « il faut faire attention ». Papa, lui, ne me dit jamais rien. Les fruits qui peignent la corbeille et les légumes qui ornent la table ou mijotent sur la fonte parlent pour lui. Moi, l’enfant joueur des allées, j’ai du mal à démêler, dans sa joie silencieuse les nourritures terrestres et les cueillettes immatérielles de son jardin.
lundi 25 juin 2012
Le mort au violon
Les uns craquent pour des lofts aux States, les autres transfèrent leur petit business in England. Les riches ont un problème avec la France et ses deux mots « égalité », « fraternité » des frontons. Ils ont du mot « valeur » un sens quelque peu étriqué et personnel. (Merci pour le petit personnel…) On résume cet incivisme par l’expression pudique : « l’exil fiscal ». Question persos et faux- derches les artistes et les sportifs de haut niveau sont champions. Mais eux optent le plus souvent pour l’horlogerie suisse. Ainsi des quatre premiers tennismen (les pauvres qu’on abrite d’un parapluie pendant les secondes du repos à Roland-Garros…), les coureurs autos …et tous ces mercenaires du foot qui choisissent de cramponner le gazon étranger pour préserver leur oseille. Et bien sûr, tout ce minable petit monde ne trouve aucune indécence à porter par ailleurs le maillot tricolore. Ce qui constitue un véritable hold-up moral. Mais bien sûr ça n’empêchera pas les râleurs canapeurs et biérreux, frontistes y compris comme les smicards à 2% d’augmentation de supporter tous ces millionnaires du rond de cuir.
Et de faire une minute de silence pour un Thierry Roland, ce triste franchouillard que d’aucuns verraient bien au Panthéon.
Si le plus indécent vacarme médiatique s’est déchainé pour ce mort du 16 juin, le plus mortel silence a couvert la célébration le 19 juin, quai de Valmy, des 264 anonymes morts dans la rue depuis 6 mois. A une moyenne d’âge de 49 ans. A cette occasion, le collectif des morts de la rue a édifié un monument éphémère sur un mur portant le nom de toutes ces personnes. Cette hommage a eu lieu là où un homme dormait la tête sur son violon et a été retrouvé noyé. Un exilé social au beau pays des exilés fiscaux.
samedi 23 juin 2012
Dans le jardin de mon père / 15 / Le radis
Je me souviens du demi-long rouge « Pernot » et du rond rose à l’accent cocardier d’un tremblant Maréchal incitant les belles familles terriennes au jardinage : le « National ». Papa revenu de ses cinq années de captivité en ferme autrichienne les sèmera longtemps avant de déchirer délicatement ses premiers sachets de « dix- huit jours ».
Le radis reste, dans ma mémoire, ma première madeleine jardinière. Sans doute parce que papa, avant leur volée et enterrement sous les dents du râteau, me versait parfois dans la main ces chantantes granules blondes. Tout l’art consistant à semer clair mais suffisant en mélangeant à cet effet un peu de sable aux graines.
Et puis, parce que sa gaité toute crue dans l’assiette et son éclatante saveur à la croque-au-sel, comme une sorte de « bon appétit », entamaient avec bonheur nombre de repas. Papa l’alignait régulièrement entre les autres cultures me laissant le plaisir, après quelques semaines, de tirer sur quatre oreilles vertes et velues pour déterrer ce museau de souris pointant le même poil blanc que celui qui poussait au bout du nez de mémé.
Dessin brodé de Lou Sautreau
jeudi 21 juin 2012
Twittitude
Tous les ans du 30 mai au 3 juin à La Charité-sur Loire se tient « le festival du mot ». Un jury de personnalités comme cette année Philippe Delerm ou Stéphane Paoli et présidé par le grand Alain Rey et les internautes de 62 pays sont invités à choisir, parmi une liste initiale de quinze mots, celui de l’année. Etonnamment, avec le recul, la pertinence du choix permet de souligner qu’un seul mot peut parfaitement exprimer une année et donner la tonalité d’un période historique, ainsi : « précarité » pour 2005, « bling-bling » pour 2008, « parachute doré » pour 2009 « dégage ! » pour 2011… Du coup, le mot élu, cette année, par les internautes : « changement » parait la chute inévitable et logique de cette suite.
Le jury, lui, a fait montre d’un flair extraordinaire en préférant le mot : « twitter » qui n’était pas sur la liste. Quinze jours à peine avant que le gazouillis de Valérie déchire les tympans de Ségolène. 140 signes qui sans changer la face du monde, en cristallisant la plus froide jalousie, auront bien savonné le perchoir de La Rochelle. Alain Rey le 3 juin, à l’issue du choix avait eu ces mots cruellement prophétiques : « en gazouillant, je peux chuchoter et murmurer pour rappeler que j’existe et que je peux même produire du… buzz et, en même temps, si j’écoute les gazouillements, je sais ce qui se passe chez les personnes et les organisations qui me tiennent à cœur… ».
En 2007 le mot élu avait été… « Bravitude »…
mardi 19 juin 2012
Dans le jardin de mon père / 14 / jardin de papier
J’ai dû attendre quelques années avant de pouvoir, enfin, accoler un petit bout de terre à mon coin de table et alors, dans une évidente complémentarité, aller de mes rigoles de mots aux lignes poivrées des semis. Dès que j’ai évoqué l’idée d’un jardin, papa s’est immédiatement offert. Nous avons défriché, dessiné, labouré, ensemble, mon nouvel éden. Il m’a prodigué conseils et premiers plants. J’ai retrouvé, là, le jardinier de mon enfance. Celui qui tirait justification de ce labeur alchimique.
Alors mon gars comment sont tes fèves et tes tomates ? As-tu essayé mes haricots ? Jusqu’à sa fin, ce jardin a alimenté l’essentiel de nos courtes conversations. Sa transmission régulière de ses propres savoirs et graines de sagesse populaire le rendait fier. Mes réussites potagères le comblaient. Il portait, en apparence, beaucoup moins d’intérêt à mes productions littéraires. Il n’a jamais eu de mots pour mes plaquettes poétiques.
Ce que j’avais pensé de l’indifférence ressortait plutôt de la pudeur. Après sa mort, dans un agenda et son portefeuille, avec quelques pétales séchés, j’ai découvert soigneusement découpées dans le journal et pliées les différentes critiques de mes livres. Peut-être n’ai-je jamais su lui ouvrir aussi mon jardin de papier ?
vendredi 8 juin 2012
Dans le jardin de mon père / 13 / Le tablier.
Il a fini par tomber en poussière ou peut-être brûlé avec d’autres reliques dans le grand nettoyage d’après partage.
Je le revois ce tablier pendu dans un angle de la cabane, blanchi de tissages poussiéreux où s’étaient desséchées des ailes imprudentes.
Persuadé que de noirs et velus arachnides demeuraient tapis dans la poche ventrale, je me rappelle, enfant, avoir hésité quelque temps avant d’oser la visiter pour n’y trouver finalement qu’une vieille pelote de raphia.
Je n’ai pas connu noué autour de sa taille ce tablier kangourou dit de jardinier revenu à la mode des couvertures des livres de jardinage ou des pages de catalogues pours découvreurs naturels plus ou moins bobos écolos chics.
Papa arpentait ses allées, dans de vieux bleus paysans aux poches gonflées par le sécateur ou les sachets de graines. Achetés au « Magasin vert ». L’hiver en épaisse chemise et paletot, l’été en léger tricot de corps.
A mes yeux, ce simple habit d’ouvrier de la terre faisait magnifiquement le jardinier.
Ps: pour quelques jours le jardinier s'en va en terre bretonne...
mercredi 6 juin 2012
Oisellerie
Une tardive gelée sur la fleur de cire, une incessante pluie en mai et voilà, cette année, mes branches sans grenat à l’oreille.
Ce matin comme hier, merles, grives et choucas se disputent mes rares bigarreaux, à peine orangés. Tout en lorgnant mes premières ostaras et maras des bois, que j’ai dû camoufler sous filet vert.
Ce matin, alors que je n’avais observé cet hiver que des charbonnières autour de mes mangeoires, j’ai surpris une mésange à tête noire s’éclaboussant dans mon petit bassin. Bikini noir et blanc dans les papyrus.
Ce matin, je découvre aussi dans mon journal que La LPO (ligue pour la protection des oiseaux) venait de labelliser un cimetière proche en tant que refuge. Après y avoir recensé, en plus de 6 espèces d’amphibiens, 136 éléments de flore, 21 mammifères dont 13 espèces de chauve-souris, 63 espèces d’oiseaux.
De quoi, peut-être, me faire revenir, sur l’idée première de partir tranquillement en fumée.
J’imagine, à l’instar du petit trou moelleux de Brassens en plage de Sète et de son paravent pour baigneuses, une sorte de tombe à nichoirs offrant gîte et couvert en échange d’un concert permanent de becs. 365 jours par an les folles journées…
lundi 4 juin 2012
La fable de la mondialisation
Tchirp, tshirrip, tchirp, tshirrip, ce matin gazouillis à la coda métallique et voltiges cisaillantes sur mon scalp. Croupion blanc et ailes noires, les hirondelles maçonnent enfin sous le nez du toit. Elles remontent de boue et salive le nid effondré à moitié, abandonné il y a maintenant deux automnes. Je n’avais pas eu le bonheur le printemps dernier d’observer leurs vols planés, puis bandés comme un arc avant leur atterrissage de flèche sous les poutres.
Par contre j’ai eu la désagréable surprise de découvrir un jour de juillet pendu en haut de mon cèdre une sphère feuilletée, un drôle d’ovni rayonnant de bip-bip, entre ballon cabossé et cortex, une boule de cuir et d’écorce grossissant à vue d’œil, de jour en jour : un nid de frelons asiatiques. Son décrochage à 13 m fut tellement périlleux qu’il conduisit à l’écimage de l’arbre.
Ainsi sans bruit à Manufrance et ailleurs les hirondelles manufacturières ferment leurs nids quand nous envahissent les ouvrières à bas coût cerclées de jaune-orangé et mangeuses d’abeilles. Tchirp, tshirrip, délocalistion contre colonisation, tchirp, tshirrip, c’est la fable de la mondialisation…
PS : Cette année ce dépeuplement alarmant conduit jusqu’à devoir recenser les nids. Alors si vous hébergez ou découvrez un nid d’hirondelles allez sur ce site pour le signaler : www.pasdeprintempssansailes.com
samedi 2 juin 2012
jeudi 31 mai 2012
Dans les jardins de mon père / 11 / La brouette
J’observe avec peine dans certains jardins, au milieu des nains bleus, des champignons à poids rouge en ciment ou autres araires repassés au minium, d’anciennes brouettes en bois. Repeintes en vert et transmutées en massifs à fleurs sur pattes.
Il a fallu des années, un châssis bien ruiné, des ridelles ravinées et des pieds rongés à l’os, pour convaincre papa de remiser sa brouette en bois et la troquer pour une galvanisée, légère et mince vêtue. De la Cavac, aujourd’hui Gamm vert tout un programme…
Alors, c’est vrai, nous n’avons plus entendu le bruit horloger du soleil cerclé qui parcourait le jardin. La brouette le précédait partout. Au bord des allées, il la remplissait de tous les déchets végétaux de ses bêchages qu’il versait ensuite dans son coin de compost.
Mais il la comblait aussi de toutes ses récoltes, ses merveilleux ou monstrueux légumes qu’il roulait fièrement vers ses cagettes, sanglées ensuite sur son vélo.
Il ne lui serait pas venu la futile idée de me promener dedans comme je le ferais plus tard avec mes filles, riant aux éclats.
lundi 28 mai 2012
La pensée de mon chat
Mon chat semble parfois aussi curieux que moi des nouvelles fraiches que j’étale sur la table. Il vient volontiers y poser une patte appuyée en marque-page froissant là ma lecture. Ce matin dans sa rubrique « Le saviez-vous », Ouest-France m’apprend que « hommes et femmes consacrent, en moyenne, 35% de leur discours à parler d’eux-mêmes. Une activité aussi satisfaisante que faire l’amour ou manger. » Ce qui n’est pas mesuré c’est le taux de contentement de l’oreille qui reçoit cet épanchement narcissique.
Mon chat semble dubitatif et sans avis sur la question. Il est d’une nature assez discrète, peu disert sur lui-même. Je dois souvent lui donner ma langue pour traduire ses jeux de mirettes et d’échine. Je le pense, même privé de bavardage égotique, assez satisfait de sa ronronnante existence. Au temps qu’il consacre au rêve et à la méditation, je lui jalouse une probable très riche vie intérieure. Avec ce genre de pensée reprise à Pascal : « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. »
vendredi 25 mai 2012
Croquis-Démolition
Notre nouveau redresseur, Arnaud des bois, se trouve aujourd’hui à Gémenos chez les derniers mohicans du thé à la française, les Fralib en lutte depuis des dizaines de mois contre leur « univoleur » qui veut délocaliser leur usine. Notre décabosseur de vies sacrifiées va-t-il sauver cette bande d’irréductibles à la défense d’acier ?
Un peu plus tôt, avant leur début de combat, dans le sud Vendée, la multinationale suédoise SKF avait décidé de fermer son usine de fabrication de roulements à billes. Uniquement pour des raisons boursières car le site était grassement bénéficiaire. 380 ouvriers licenciés après un premier dégraissage de 200 salariés 2 ans auparavant.
Une poétesse, alors, Patricia Cottron-Daubigné, impliquée familialement dans cette entreprise a décidé de couvrir avec sa sensibilité et ses mots d’écrivaine le conflit qui a suivi jusqu'à la déchirure finale. Rare expérience politico-poétique remarquablement retransmise. Son livre paru aux éditions de La Différence s’intitule Croquis-Démolition.
Symboliquement avant de quitter le site après des mois d’un combat perdu sans relais des politiques au pouvoir alors, Les SKF désespérés avaient brûlé leurs bleus dans la cour de l’usine. Leurs bleus dont parle ainsi la poétesse :
mercredi 23 mai 2012
Dans les jardins de mon père / 10 / l’arrosoir
Rue Couperin, rue Mozart, rue Rameau, rue Gounod…le lotissement des musiciens a mangé, aujourd’hui, le premier jardin de papa. Quelques tilleuls au bord du bitume plongent encore dans cette terre de mon enfance, la marqueterie d’une dizaine de jardins ouvriers cousus ensemble. Au centre de cet espace solidaire brillait l’encrier du puits commun avec son bassin de pierre accolé.
Au soleil déclinant l’étrange machinerie de pompage en fonte devenait mon royaume. Il fallait tourner sa grande roue pour que jaillisse l’eau du bec retourné. Nos deux arrosoirs en zinc, chiens assis et fidèles semblaient m’y attendre avec patience. Je les remplissais le plus possible avant des porter alternativement à papa. Leur fraîcheur mouillait mes mollets. Quelquefois il me laissait dessiner sur ses semis mes propres calligrammes.
dimanche 20 mai 2012
Dimanche
A quoi penses-tu ? Elle ne risque la question que dans le soleil levé des dimanches. Quand on déconne enfin avec les aiguilles. Qu’on s’étale dans des rouges de confiture. Sa manière, derrière la semaine avalée, de fouiner dans mes petits grains, d’estimer si notre histoire garde toujours un peu de marge. Dans la lumière farineuse, d’entendre des résonances avec ses propres pensées.
A quoi penses-tu ? Glisse-t-elle entre deux lentes gorgées brûlantes. Quand elle sait, depuis toutes ces matinales partagées, que je joue, à ce moment, au taiseux. Répondant invariablement : à rien. Un peu par défi, beaucoup par taquinerie, pour la plonger dans le doute, la contraindre à faire les premiers mots. A dévoiler ce qu’elle a sur le cœur.
Aussi, parce que, justement le dimanche, je me lève avec l’odeur de sa peau,
Incapable de détacher mes synapses de sa chair tendre.
jeudi 17 mai 2012
Dans les jardins de mon père / 9 / les outils d’une langue
Les mains dans les semis, le matin à ma table, l’après-midi au jardin, je gratte, je griffe. Je travaille le papier, je travaille la terre. D’un paragraphe à l’autre, sur mes deux cahiers j’ouvre et referme des lignes noires. Même tension des corps. Même abandon à la joie intérieure. Même souci d’éclaircissement. Qu’à la fin ce soit beau pour les yeux et bon pour l’âme. Un dévoilement lumineux qui efface la tache bien faite.
Papa paraissait toujours, dans son jardin, comme délivré. Ce que je lisais sur son visage ressemblait à de l’amour. Ce sont ces moments de bonheur simple montés en graines qui m’ont fait jardinier. Poète ? Je ne sais pas, mais cette attention à la terre, ce partage des vitalités, cet échange des forces, cette délivrance des solitudes, cet accord des harmonies m’ont peut-être donné les clefs d’un jardin intérieur et les outils d’une langue.
mardi 15 mai 2012
Un combat éléphantesque
Voilà près de 600 jours que les 182 salariés de Fralip à Gémenos dans le 13 se battent contre la fermeture de leur usine, la dernière en France du groupe Unilever qui produit les thés et infusions pour les marques Lipton et Eléphant. Une poignée de résistants contre un mastodonte de 171000 salariés avec un chiffre d’affaires de 47 milliards d’euros. Le groupe souhaite délocaliser cette production en Pologne. Pour rappel il a déjà délocalisé Amora en République Tchèque et Turquie, 265 emplois à la clef sous la porte. Quand aux cornichons Maille, ils débarquent de Chine, quand ils étaient cultivés dans l’Yonne. 600 jours de combat pendant lesquels rien n’aura été épargné aux salariés : Plan de sauvegarde de l’emploi avec reclassement en…Pologne ou à Bruxelles, envoi de vigiles, vente du site à un pseudo repreneur d’une trentaine d’emplois. Mais les Fralib aidés de leur large comité de soutien local ont repris les locaux aux vigiles et le défendent énormément protégés par des sacs de 500 kg de thé. Une défense éléphantesque contre celui qu’ils appellent Univoleur. Ils espèrent comme d’autres leur salut des nouveaux éléphants socialistes. En attendant quand vous pousserez votre caddie dans les rayons de votre hyper, pensez aux occupants de Gémenos et évitez d’y mettre Amora, Maille, Lipton et Eléphant. Geste qui ne fera barrir l’Univoleur mais ses 183 indignés.
lundi 14 mai 2012
Mississipi
Mal parti ou mal arrivé, on a le cœur qui cloche entre ciel et terre. Alors on pose sur la platine les bleus de Billie Holiday. Et toute la limaille du matin s’aimante à cette mélancolie qui traîne entre deux piqures de soleil. Parce qu’un jour on est tombé dans ce grand sac de coton d’où sortait le blues, on sait qu’on peut se soigner aux pépins d’une voix qui barbouille l’âme.
Me voilà chantant le blues mais comment évoquer autrement le livre magnifique d’Hilairy Jordan que je viens de terminer : « Mississipi ». Un chant du sud rauque et envoûtant, sous la couverture nicotinée. Quand je pense à la ferme, je pense à la boue. Elle bordait les ongles de mon mari et encroûtait les genoux et les cheveux des enfants ; s’accrochait à mes pieds avec le même bruit de succion qu’un nourrisson affamé au sein ; Avec elle impossible d’avoir le dessus. Elle recouvrait tout. Je rêvais en marron…
vendredi 11 mai 2012
Dans le jardin de mon père / 8 / Pois serpette express
Mes 10 ans passés, je ne le côtoyais que l’été. Peu de photos, peu de phrases échangées. Mais pour écrire sa vie j’ai le fil de ses saisons au jardin, ses lignes de crayon au cordeau dans 6 agendas publicitaires et 3 cahiers d’écolier tables d’addition et multiplication au verso, aujourd’hui couleur sépia.
A la date du 6 mars 1955, je peux lire semé pois « serpette express », au 12 mars pois Plein le panier », au 25 « carotte rouge de Hollande », « oignon jaune paille des vertus ». Au 12 avril radis « Rose de Cézanne », « Epinard de Viroflay », au 15 salades « Reine de mai », « Gotte dorée », au 17 planté pommes de terre « Idéale » et « Belle de juillet ». Au 2 mai semé poireaux « Monstrueux de Carentan ». Au 15 mai, derrière Saint Servais planté tomates « 6 Pierrette », « 10 merveille des marchés, « 10 Marmande », « 8 Mikado écarlate »…
Ce sont les recueils poétiques de papa avec sa belle écriture de certificat d’études. Mes madeleines. A parcourir leurs carrés de mots enluminés de géographie prometteuse, de bouquets et couleurs enivrants, je me dis qu’au moins, dans ce cloître légumier, sa vie a dû être belle.
mercredi 9 mai 2012
Images pour Epinal
Belles ces images pour Epinal et les chaumières. Ces deux présidents courbés sur le soldat inconnu. Après la guerre de gueules cassées la paix des braves. Du cinoche pour les gogos. Une dernière couche de com. En deux sourires et frappement racoleur d’épaule tenter de redorer cinq années à côté de l’étoffe présidentielle, cinq années au service de sa classe bourgeoise et affairiste, cinq années d’enterrement de nos valeurs humanistes. Sarko aura surjoué sa sortie comme Charlot à la fin de ses films.Cherché l'happy end pour racoler un sentiment de compassion et de regret dans le petit cœur de la France. Bravo l’artiste ! Tout le monde est tombé dans la manip. Mystification d’Epinal pour tenter de voiler le soleil levant d’une marée humaine à la Bastille deux soirs avant.
Un dernier coup de menton du bonimenteur riant sous cape face aux caméras. Je vous ai tous bien eu. Un dernier coup de guignol par en dessous au nouvel élu un peu penaud et briffé avec ironique sollicitude. Maintenant le sauveur des marchés va pouvoir sans état d’âme aller faire du fric. La seule et insupportable ambition qu’il a tenté de nous vendre. Il nous laisse avec cette honte d’avoir été animalisé. Pendant des mois et particulièrement dans ces semaines de campagnes, il n’a installé son pouvoir et tenté de le garder qu’en flattant nos instincts : peur, exclusion, stigmatisation, éloge des égoïsmes et de l’individualisme. Il a fait le lit, en contribuant à la désespérance, de l’extrémisme qui va gangréner la France et toute l’Europe.
Alors qu’un petit air frais porteur d’une odeur de muguet chatouillait nos narines, couvrait enfin le remugle de tous ces jours anciens. Alors que le mot fraternité, avec sa pâte bigarrée de guimauve et réglisse, revenait chanter en bouche, voilà que le paillasse envoie un dernier pet.
mardi 8 mai 2012
Dans le jardin de mon père / 7/ La cabane
Le ciel sur la tête nue, ma cabane tournait avec les saisons. De courants d’air l’hiver, de douceur verte l’été. Resserrée dans l’embranchement ventru du cerisier. Je m’y juchais pour lire, voyager dans la caravane des nues, souffler dans ma sarbacane en sureau. C’était mon île au fond du jardin. J’y cachais un canif et mes hétéroclites trouvailles : billes, marrons, pièces, figurines…
De mon perchoir j’apercevais la cabane de papa accotée au milieu des poiriers en espaliers. Le brun rouillé de la tôle du toit et le noir des planches goudronnées. Sa resserre aux outils avec ses étroites étagères pleines de ses trésors à lui. Dans d’anciennes boîtes de conserves, ses sachets de graines, ses clous, ses ficelles ou raphias, ses bricoles…
Le temps n’effleure pas celui qui garde cabane dans la tête. Perchée ou sur terre. Entre les planches disjointes et craquelées, dans ses 85 printemps, l’enfant souriait encore sur les lèvres de papa, devant la première percée des graines semées dans des boîtes à œufs. Maintenant que je suis descendu de mon arbre, c’est lui qui est grimpé dans sa cabane de nuages.
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