samedi 23 octobre 2010

Fahrenheit 451


Très tôt, on a perçu qu’on pouvait botter mille chas traversiers dans le guéret des mots, gagner par tous les petits ruisseaux de la langue bien des vies. Marcotter nos havres et les bouts du monde. Dilater l’art de la fugue. Très vite, le nez plongé dans les herbes folles, dans le triangle plié au mitan des paumes, on a su que, comme dans la nappe ou le drap, il y avait grainant, au clair de la page, la plénitude de l’amour. Que du coup on tenait l’estran du temps déraisonnable. Longtemps on a bu à la chantepleure du livre, descendu son eau vive au fil des lèvres. Longtemps on a cru que cette humeur voyageuse passerait inaperçue.

Jusqu’au jour où cet air de cerises a bouffé le remugle des croquants. Où cette marge grisante est apparue fronde à l’esprit de grisaille. Jusqu’au jour où ils ont grippé la ronde, ruminé en ruban hypnotique le flux du monde. Tout embrouillé le langage au commerce. Jusqu’au jour, où ils nous ont reniflé âme fugitive, alors réduit nos îles de papier en exil de chagrin. Jusqu’au jour où tout est devenu utile, emballé dans la mort quotidienne. Où ils ont fomenté la rafle des livres. Clamé leur autodafé.

Jusqu’à la nuit où, retenus par cœur, nous les avons soufflés sous le manteau funèbre

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