dimanche 12 décembre 2010

La terre ferrovaire


La locomotive arrive en nageant à travers la ville bruissante. Dans une tranchée profonde, maisons sur les deux berges, pleines de lumières vivantesOn a jeté le ballot sur le quai, cent mètres avant la verrière dans le grincement des fers. Avant de couper par les rails, longer les carrés cheminots sous la lessive de la semaine, vers le serre-freins Kerouac qui charbonne ses esquisses, ses longs chorus syncopant aux bords noirs des carnets.

Sous les étoiles magiques chevauchant l’obscurité au-dessus de la terre ferroviaire, On a élu pour frère céleste, Jack, l’infatigable batteur d’encre. On est arrivé, sur la route, à ce point de frappe où dans le ruban de l’errance chaque paysage déraille en douze mesures, chaque visage cloue son riff de blues. A ce diable d’endroit d’aiguillage où la vie revient sur la neige de ses pas perdus. Ce bout du rouleau du monde et tout son tremblement qui nomme poétiquement chaque chose.


extraits de Jack Kérouac du "Livre des esquisses" traduction Lucien Suel paru à La table ronde au printemps

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