mardi 10 mars 2009

Le marché aux insectes

Il y a le marché de gros, ventre de Paris, le marché provençal avec accent, le marché au gras où le foie est de couleur blonde et le marché de la poésie où la foi est couleur d’encre et bien chevillée au corps de joyeux rebelles. Ainsi Michel-François Lavaur, ce fou de poésie qu’on pouvait rencontrer dans les allées de La Manufacture ce week-end à Nantes. Celui que Louis Dubost baptise « le père Noë de la poésie », fabrique et anime, depuis 1960, une revue traces dans laquelle, outre ses propres poèmes et dessins, il a publié des centaines d’auteurs. MFL est né le 11 juillet 1935 dans le 19 à St-Martin-La-Méanne et vit depuis dans le 44 à Le Pallet au lieu-dit Sanguèze dans sa « fourbithèque » à poésie. C’est là que l’ancien instituteur corrézien de naissance a lui aussi laissé entrer dans son bestiaire le grillon :

« L’aile de la toiture enveloppe la vieille et ses oripeaux. La maison-grange-étable-fournil se blottit contre le flanc de la châtaigneraie au nid d’un pli de la montagne. Poule auprès d’un poussin esseulé, la forêt couve le mas de la petite ferme. La vieille se meut dans un monde clos sans une discordance, mais non sans efforts, non sans combats. C’est la dernière paysanne de la Gaule au siècle des vaisseaux interplanétaires. A peine mieux vêtue. A demi sauvageonne. La vieille est un fossile et ne le sait pas. Les guerres ont pris son homme et ses fils. Elle vit de peu. Elle connait tous les cailloux des sentes à moutons. Les bolets ni les hases ne sauraient lui cacher leurs gîtes mais jamais elle n’osa franchir les limites des paroisses voisines. Son domaine est étroit et sans doute au cantou seulement elle est vraiment chez elle. Elle est assise au coin du feu, les pieds sur les chenêts. Elle tisonne. Elle tisane. Les douleurs lui ont fait une carapace. Elle ne saurait dire si elle est malheureuse. Elle est bien, porte close, chienne et chatte endormies, quand chante le grillon dans une fente au bord de la pierre d’âtre. »

Ce même jour, échangeant avec Serge Wellens, autre grand résident des mots, à propos de cuisine aux insectes, il m’a raconté cette savoureuse anecdote : Alors qu’il voyageait dans le Sahara, il s’est vu un soir proposé sur un plateau une dizaine de grillons préparés et alors qu’il s’apprêtait à en choisir un, il a entendu son hôte lui dire : « prenez plutôt celui-ci, il est meilleur » ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Un commentaire ?