jeudi 15 mars 2012

Enfances/ Jean-Pierre Sautreau/ Le domaine perdu



Meaulnes parti, je n’étais plus son compagnon d’aventures, le frère de ce chasseur de pistes ; je redevenais un gamin du bourg pareil aux autres… Noir et blanc de rentrée. Rangée grise des corps. C’est lui, sur la gauche, qu’on remet. L’adolescent dans sa cicatrice. L’épinglé, nuque au mur, qui regarde, derrière le soufflet, l’autre paroi. Lui figure murée.
Temps loin, très loin, mais on taira toujours que, dès ce moment, on n’est plus dans leur optique. On est sorti du cadre. On cherche la fente. Je m’étais persuadé qu’il avait dû rencontrer une jeune fille. Elle était sans doute infiniment plus belle que toutes celles du pays, plus belle que Jeanne, qu’on apercevait dans le jardin des religieuses par le trou de la serrure.
Photo de septembre. Gouge des visages. C’est lui, sur le côté, qu’on recouvre. L’adolescent au secret ; l’inguérissable, qu’on a voulu invisible, qui fait face, derrière le dépoli, à la dévastation du ciel. Lui regard débusqué.
Jour loin, très loin, mais on taira toujours que, dès ce moment, on n’est plus dans leur mat. On est, au glacé du dortoir, dans la lumière au fond des pages, avec notre air de voyageur fatigué, affamé mais émerveillé. On échafaude mille ruses pour s’évanouir à la recherche du domaine perdu de la jeune fille blonde qui avait posé sur Meaulnes doucement ses yeux bleus, en tenant sa lèvre un peu mordue. On a le cœur qui bat les chemins.

Dérives des rencontres-dédicace: Jeudi 15 mars à 15h Hôpital-Sud La Roche-sur-Yon, samedi 24 mars de 16h à 19h librairie aux Herbiers, les 31 mars et 1 avril Printemps des poètes à Montaigu, 1 mai salon du livre Jard-sur-mer, 5 mai 17h30 bibliothèque des Epesses...


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Un commentaire ?