Alors nous allons avoir des lendemains londoniens qui chantent. Les vingt grands argentiers vont jeter des milliards sous la table des affamés. Ce lendemain de langue et de gueule de bois, ils nous promettent de refaire le monde, cracher dans leur soupe libérale, couler leurs paradis fiscaux, moraliser leurs combines, remarcher sur la terre ?
La terre ? Si seulement tous ces beaux cerveaux repus mettaient de temps en temps leurs mains dans la terre, regardaient avec amour le champ du monde. Si seulement ils cultivaient leur jardin.
Le jardinier se lève tôt, regarde l’écume au bord du ciel et le bleu qui prend déjà dans l’échappée des déchirures. Il aime avril, son calme frisquet picoré de moineaux, ses éclats jaunes forsythias, primevères, narcisses. Il aime avril son air cru qui aiguise son corps. Il aime sur ses outils le sourire brillant de la meule. Il aime avril, son commerce patient avec le ciel. Il passe maintenant de longs moments avec ce jardin qu’il ne fréquente l’hiver que pour l’entretenir de quelques pensées et prélever quelques longues carottes et monstrueux poireaux barbichus. Il retourne, bêche, émiette, ratisse. Il borde au mieux ses planches, lits bien faits pour y coucher une belle écriture.
Le monde lui appartient, des radis serrés qui ourlent le carré, des fèves qui nouent, de l’ail et des oignons qui percent. Il aère les laitues qui blondissent, tire l’herbe de l’oseille, démêle les fraisiers. Il égraine en ligne, sème à la volée carotte nantaise, cardon blanc, céleri doré, épinard de fer. Il aime avril qui faufile doucement ses pages.
Le jardinier se lève tôt pour passer du temps avec sa terre, renouer avec les gestes de son père, écouter pousser cette vie qui sort des mains, embellit le cœur, met un bonheur simple sur la table.
Il ne se découvre pas du fil qui nourrit les hommes. Ce fil si ténu entre les dents aiguisées des vingt banquetteurs qui se prennent pour les maîtres du monde.
Bien vu
RépondreSupprimer