Les yeux de Paul Préboist
Tes yeux sont si globuleux qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les verres de pinard
S'y déverser à pinter tous les soiffards
Tes yeux sont si globuleux que j'en perds la mémoire
A l'ombre des rideaux c'est le pastis troublé
Puis le patron soudain se lève et tes yeux changent
Le mastroquet taille la bavette à l'évier de vidange
Le vin n'est jamais bleu comme il l'est sur les nez
Les vents chassent en vain les miasmes de l'azur
Tes yeux plus que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le nez n'est jamais si bleu qu'à ses engelures
Mère des Sept douleurs ô chien mouillé
Sept caméras ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de bleu plus noir d'être endeuillé
Tes yeux dans le cinéma ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Benny accroché dans la crèche
Une louche suffit au mois de Mai des mots
Pour tous les bouillons et pour toutes les lavasses
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux
L'enfant accaparé par les belles images
Ecarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'on ouvre une boîte de potage
Cachent-ils des éclairs dans cette vinasse où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme une morue qui meurt en mer en plein mois d'août
J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
O paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Mérou ma Golconde mes Dindes
Il advint qu'un beau soir mon verre se brisa
Sur des comptoirs que les lavettes essuyèrent
Moi je voyais briller au milieu de la bière
Les yeux de Paul Préboist Les yeux de Paul Préboist Les yeux de Paul Préboist
L. Suel
Le mardi 19 janvier, j'ai trouvé cette perle poétique, pastiche des "yeux d'Elsa" de Louis Aragon sur le site de Lucien Suel "Silo". Ce poème a été publié par la revue Tapin ( voir le site) dans le cadre d'un projet " pastiche 51".
L'ami Suel a dédié ce petit chef-d'oeuvre à Loulou Alacon...formidable non?
Alors dans l'emballement de sa lecture, je me suis permis cette petite suite alexandrine:
Paul Preboist et Moi je trinque
Voilà cher Lucien Suel très grande gueule
De cinoche amuse gueules gueule de bois
Poivrante trogne à rincer l’Alsace et l’Arbois
Mirettes à faire pleurer la veuve et l’épagneul
Au comptoir des brèves dans le rond des bibines
On crache dans la sciure les copeaux gris
On cinoche se poire ripoline la vie
Aux nanars remâchés on se fend la bobine
Au goût sec des choses dans les grands yeux du soir
Quand la chaude marquise rentre de chez Sade
On liche la liqueur on lampe la panade
On boit aux travellings aux veines de vin noir
Dans le gros plan le cœur titube mais tient bon
Silence on tourne on bigle on dévisse
C’est pas tous les jours que l’amour rase pastis
La toile crue boit l’amertume et ses poisons.
Voilà cher Lucien Suel ton Paul Preboist
Et moi je trinque à l’ami la bonne bouille
Le poète ordinaire des grandes vadrouilles
Le patient jardinier des grands émois.
A la vôtre!
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