lundi 15 juin 2009

Silence on coupe

Après le « casse-toi pov’con », le « Sarko je te vois », voilà épinglé le « hou ! la menteuse ». Après le crime de lèse-président voilà le crime de lèse-ministre. La très en cour, ministre de la famille, Nadine Morano a porté plainte, en février, pour « injure publique envers un membre du ministère » contre un certain nombre d’internautes ayant commenté des vidéos la montrant sur Dailymotion et Youtube, Ainsi, dans le cadre de cette plainte, une Landaise a été entendue pour avoir écrit : « Hou ! la menteuse », référence oh combien subversive à une chanson de Dorothée…Depuis, devant le tollé médiatique, l’offusquée qui est pourtant, avec Lefebvre monsieur sans-gêne, une des langues les plus décomplexées de l’Ump, a précisé qu’elle avait demandé à son avocat de « veiller à ce que la procédure respecte l’esprit de la plainte et qu’il n’y ait aucune dérive disproportionnelle possible ». Diantre voilà sibylline précision qui, encore une fois, laisse à la justice assez de mou pour jouer avec la victime.
Bien sûr, il serait tentant de penser que le ridicule va finir par crever tous ces furoncles de pouvoir. Sauf, que leur multiplication indique plutôt la volonté délibérée de réduire au silence toute contestation verbale au même titre que toute contestation sociale comme, par exemple, les occupations. C’est la liberté d’expression, au sens de contre pouvoir, qui est en jeu, avec son terrain d’aujourd’hui, la toile. En réclamant, au passage, à Dailymotion et Youtube, les adresses IP des internautes incriminés, le pouvoir veut policer le web, lui ôter sa capacité de critique. D’ailleurs la loi Hadopi est, sans contexte, le cheval de troie de la chasse aux « délinquants » de l’anti-sarkosisme. Ces dérives dangereuses rejoignent les délires sécuritaires qui transforment en terroriste le moindre contestataire radical, en criminel potentiel le moindre gamin porteur d’un compas, en activiste expulsable le moindre misérable occupant de tente…
Faut-il rappeler que cette volonté répressive et ce climat étouffoir s’inscrivent dans la logique des réflexions très conservatrices développées lors des élections présidentielles. Le « travail, famille, patrie » a été un moteur des engagements du candidat et le cœur des plus sinistres envolées des meetings pré-électoraux. Souvenons-nous des diatribes anti mai 68, des attaques virulentes contre les 35h, du « travaillez plus pour gagnez plus » et depuis « Dans la transmission des valeurs l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé »… La chasse aux langues pointues ressort de ce puritanisme réactionnaire.
Mais nous pouvons aussi analyser cette extrême judiciarisation comme le fruit de la peur et donc penser qu’elle va s’aggraver. Dans les moments de crise et de risque de graves débordements sociaux, les pouvoirs à idéologie conservatrice préfèrent toujours prévenir par la chape de plomb plutôt que de voir leur politique contestée dans la rue. Cela d’autant plus que les tenants actuels des rênes de la république, malgré leur grossier maquillage de circonstance, sont bien ceux qui ont défendu sans complexe ce libéralisme le plus sauvage qui a sacrifié l’intérêt collectif à la réussite la plus individualiste et qui s’est lamentablement écroulé, sacrifiant des milliers de travailleurs pour lesquels ils sont sans solution. Il leur faut donc mâter toute résistance et clouer le bec de ceux qui pourraient dire la vérité. Leur survie dépend de notre silence.

Pour en savoir plus sur ces poursuites abusives, rdv sur Rue 89 : ici et .

1 commentaire:

  1. Pauvre papa, tu n'as plus qu'à te tenir à carreau sur ton blog !
    Ne va pas croire que tu peux t'y exprimer librement, on est en France, souviens-t'en ! Si "menteuse" et "je te vois" sont des expressions désormais préjudiciables, tu peux trembler pour tes posts morbides sur l'herbe coupée et pis encore pour tes soi-disantes pages d'histoire Abbé Lemire, toutes à la louange des 35h et autres idées rétrogrades...

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