dimanche 8 septembre 2013
J’ai 11 ans
J’ai 11 ans, un miaulement rouillé dans la gorge, le dos de maman s’éloigne de la grille. Son petit chat est mort à cet instant. Son Jeanjean comme elle dit à la maison. Papa emploie peu ce sobriquet qui souvent m’agace, dit plutôt fiston. J’ai 11 ans dans le jour rongé d’une immense cour rectangulaire, que j’apprendrai demain être celle des petits. Piqué avec d’autres perdus sur mes chaussures neuves du trousseau. Dans le corset de hauts murs gris et raboteux, parcouru tout au long par la verrière d’un promenoir. Pris dans le quadrillage de dizaines de fenêtres. Plus tard j’aurai de longues heures, des jours et des mois pour compter, dans chaque vitrage, vingt huit petits carreaux. Là, j’éprouve ces croisillons comme des barreaux, je ne perçois que reflets hostiles et grimaçants, me vrille le fer rouge d’un œil démesuré qui me poursuit de vitre en vitre et me flaire jusqu’à l’âme.
A ma droite la masse noire d’une chapelle aux quatre brèches vitraillées, éteintes en cette fin d’après-midi. Seul pour me faire lever les yeux, piéger bizarrement un peu de mon angoisse, un clocheton dressé sur l’ardoise du bâtiment central étroit et surélevé. L’entrée principale dont j’apprendrai que son franchissement mène à un lourd bureau de chêne recouvert d’un cuir fauve mais surtout à une férule fermement appliquée de la voix la plus doucereuse. Quant au clocheton dont, à ce moment, l’érection chapeautée m’évoque, bêtement, quelque babiole couronnant un gâteau, j’en détesterai très vite la volée aigrelette découpant impitoyablement, de matines à complies, chaque journée.
J’ai 11 ans ce 15 septembre 1960, maman pense encore à son petit chat sur le skaï écoeurant de l’autobus qui la ramène. Du moins je la vois ainsi. Je suis avec les autres dans cette cage dans laquelle jamais nous ne piaillerons.
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que c'est triste.........ça me fout le bourdon.
RépondreSupprimerbourdon c'est bien le mot ce jeu grave et trémulant de l'orgue qui nous traversait les os et nous serrait le cœur.C'est ainsi, nous nous sommes retrouvés ici plus d'une centaine, enfants soldats en quelque sorte,ici,de l'église enrôlés sans comprendre sinon que nous avions été victimes innocentes d'un immense complot et trahis le plus souvent involontairement par les nôtres.
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