lundi 30 septembre 2013

J’ai 11 ans / 5






Maintenant elle me fait tourner et retourner sur moi-même dans la blouse montée. Faut un peu raccourcir les poignets. Puis la plie avant de la poser sur la pile s’étageant sur la table, une chemise, douze mouchoirs, 3 slips, 3 flanelles, une culotte courte, 2 longues dont une de velours. Aussi une paire de draps blancs. Quelques morceaux de mon trousseau sur lequel elle va coudre le numéro 550. Chiffre tissé en rouge et garanti grand teint absolu, de fabrication française, extrait d’une petite boîte cartonnée orangée, Pour Pensionnats, Hôtels, Linges de maison.
550, un petit tas découpé en équilibre, mon matricule de futur pensionnaire. A cet instant ce mot n’a pas de contenu. En a-t-il un pour elle ? Tête penchée, l’aiguille contre le dé, elle est fermée sur son ouvrage. Je n’ai jamais trop su découdre ses lèvres, démêler dans son maternage becquées et copeaux d’amour. C’est pourtant, chaque étiquette cousue, le fil de mon enfance qu’elle casse avec les dents.
J’ai déjà détissé les liens du cocon à six ans. 9 mois en sanatorium à Lacaune pour remplumer le moineau. Au bout d’un petit autorail rouge grimpant le Tarn. Quel numéro portait alors mon linge ? Sur la seule photo témoin de cette cassure, je souris tire-bouchonné au pied d’un sapin de Noël, deux cadeaux dans les mains. Etais-je donc si heureux dans ces lettres écrites chaque jeudi ? Maman, parait-il, était fier de ce courrier appliqué du Jean-jean. Lettres qu’elle ne gardait pas.



1 commentaire:

Un commentaire ?