jeudi 19 septembre 2013

J’ai 11 ans / 3



Elle a posé ses pieds sur le pédalier. Tourné vers elle le volant à sa droite débrayant poulie, bielle et pédale. Je vois la courroie de cuir se tendre et s’enclencher dans la grande roue. Le bruit régulier de l’étrange horlogerie vient se mêler aux crachotements enthousiastes du poste. Maman entraîne les premiers morceaux sous le pied presseur.

Je sais par mémé qu’elle a son CAP de couturière. Qu’elle a bossé pour un patron jusqu’à la captivité de papa automne 1940. Puis a dû piquer l’aiguille pour le remplacer sur la petite exploitation familiale. Mener au communal les quatre vaches, s’occuper du jardin. Ma sœur était née en octobre, mon frère avait 4 ans. Période longue et pénible pour celle qui n’aimait pas la culture. Aussi quand très affaibli, papa revint au printemps 1945 de son stalag, elle le tira vers la ville. Elle s’y plia au ménage et à la cuisine chez un ancien huissier, lui, au jardin potager, garda un peu de terre dans les mains.

Elle ne reprit la couture qu’à ma naissance quand papa, trouvant un emploi de magasinier, ils purent enfin quitter leur servitude. Frère et sœur, elle a habillé toute notre enfance. De la blouse noire ou grise de rentrée à la chemise et culotte pascale. A Pâques on devait être neufs et jalousés dans les travées de la Cathédrale.

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