mardi 24 septembre 2013
J’ai 11 ans / 4
J’ai 11 ans. Je viens de subir avec succès l’examen d’Instruction Chrétienne Primaire devant la Commission diocésaine de l’enseignement libre de Vendée, réunie le 21 juin 1960 à Luçon. En foi de quoi, un certificat m’a été délivré, paraphé notamment par Antoine Marie évêque de Luçon. Monseigneur Cazaux, comme on disait avec une déférence craintive et dont m’intriguait la cassure du poing gauche contre la mâchoire venant comme soutenir un port de tête vacillant, lors des pompières cérémonies pontificales, sous les trémulations animales et lyriques du grand orgue.
J’ai 11 ans avec ce parchemin un peu grand, 42X30, pour être en poche, avec, à gauche dessinés en rouge, au dessus de labor, une ruche et à droite, au dessus de fides, un flambeau. Avec Dieu et Patrie en gras entourant un chapelet couronné d’un cœur sanglant surmonté d’une croix. Ce cœur explosant des poitrines dans toute l’iconographie pieuse. Toute la charge symbolique de la guerre intestine avec le pays laïc et son Certificat d’Études Primaires signé par l’inspecteur d’académie.
J’ai 11 ans au bout d’un certain nombre de médailles et croix épinglées sur ma blouse comme d’agenouillements sur une règle et de tours silencieux de cour. Bien dégagé autour des valeurs catholiques par les frères de Saint-Gabriel aux rabats bleus empesés sur une soutane funèbre. Des camarades vont poursuivre en collège, d’autres chercher un patron. Je vais rejoindre la troupe des engagés involontaires, gamin pris dans les mailles d’un réseau organisé autour des familles au missel brûlant et à la dévotion innocente.
J’ai 11 ans et peut lire au front du certificat sous la vignette d’un christ ouvrant largement ses bras : Laissez venir à moi les petits enfants.
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Bel exemple de cette inculcation religieuse qui a enfermé certains garçons dans une vocation imposée en tuant leur enfance...
RépondreSupprimeroui, je dirais imbibition. Mais après il a fallu des rabatteurs. Cela a tué l'enfance bien sûr mais plus grave l'adolescence pour beaucoup. Combien d'entre nous qu'on voulait croire pris d'une crise de mysticisme auraient aimé connaitre " la crise d'adolescence"...
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