lundi 25 février 2013
Février (Dans le jardin de mon père)
Ça caille disait-il ou j’ai attrapé la grappe, pour dire qu’il avait l’onglée. J’avais les mains au chaud de mon café au lait quand lui arrivait se réchauffer d’une soupe fumante. Il fallait vraiment un lever à pierre fendre pour qu’il ne file pas, même un temps bref, à son jardin, avant l’embauche.
En février, s’y blottissaient peu de légumes : Les choux déchaussés qu’il avait enjaugés têtes au nord. Les carottes, poireaux, salsifis, épinards, mâche qu’il avait molletonnés de paille ou de feuilles. Mais il allait voir le beau gras de cette terre tournée à grosses mottes et qui maintenant digérait ses brouettées de compost et tiédissait sous les couches de fumier.
Bientôt il y planterait son ail, ses fèves et échalotes, ses belles de Fontenay dont les filaments violacés commençaient à crever leurs orbites, dans les cagettes hivernées sous le buffet de la cuisine.
Je n’y allais pas. Sauf les rares jours de neige. Je ne l’y entendais pas vanter la vertu nourrissante et fongicide de sa fonte. Non, devant ces exceptionnelles blancheurs, nous avions le même âge et les yeux en flocons. Pour un peu il m’aurait poussé à modeler un bonhomme juste pour le plaisir d’affubler mon pâle Cyrano d’une de ses carottes.
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