dimanche 17 février 2013

L’origine du Monde /2 /




En ce temps là je supputais, faisais mes études du genre dans les dessins d’anatomie ou les pages Petit bateau de la Redoute ou des Trois suisses. Rêvais un peu aussi sur les planches beaux-arts des dictionnaires. Là, rebonds fessiers et collines mamelonnées m’échauffaient bien l’œil mais en dessous du nombril le traitement de l’artiste me laissait de marbre. Gommant ou voilant un espace qui pourtant me fascinait.
Et puis, en ce temps là, en 1963, avec Salut les copains m’est tombé entre les mains le premier Lui, le magazine de l’homme moderne. Très loin de ce statut, plutôt coincé au milieu d’ados ploucs, si je restai totalement insensible à la parfaite panoplie du type flambant et assuré, je fus, par contre, absolument ému par les starlettes qui y étaient habilement dénudées. La revue, alors, le plus souvent dérobée, plus par honte que par défaut pécuniaire, est devenue l’objet d’un voyeurisme partagé et le médium d’un onanisme privé et joyeux.
Pourtant l’effeuillage de ces filles de papier glacé ne s’aventurait guère, alors, plus loin que mes images picturales des Diane ou Vénus, des femmes sur l’herbe ou au tub. On était très loin de Courbet ou d’Egon Schiele que je découvrirais plus tard. Les poses des créatures comme les auraient sûrement appelées maman à laquelle je dissimulais le mensuel, ne dévoilaient toujours rien de cette intimité profonde dont j’espérais, à chaque numéro, la révélation.
Je crois avoir finalement résolu ce mystère grâce à petit amie en vraies boucles blondes et chair rose avant que le premier pubis révèle sa toison d’or dans la magazine. Au fond, en constatant l’horrible éducation pornographique des ados d’aujourd’hui, j’ai vécu une époque formidable, Lui dans son glissement progressif vers un érotisme tempéré m’offrant comme les préliminaires de ma propre découverte. Et du coup préservant tout l’éblouissement de mon entrée dans la vallée originelle.




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