jeudi 31 janvier 2013

La fève / Dans le jardin de mon père






Le dernier dimanche de janvier, il triait de grosses graines aplaties, sorte d’embryons ivoire. Sa collection de fèves précieusement glanées aux cosses séchées. Loin de mes propres figurines en plastique ou porcelaine tirées des galettes épiphaniques mais qui avaient à ses yeux bien plus de prix que mes babioles. Non pour leurs multiples avatars glorieux et sulfureux qu’il méconnaissait, réceptacle des âmes dans l’antique Egypte, jetons de sort ou vote à Rome et Athènes…
Mais parce ce que ce légume de l’âge de bronze, prisé par Pline ou abhorré par Pythagore était aussi le premier qu’il enterrait en poquets début février. Variété Aquadulce ou Séville dont il pinçait les tiges au sixième bouquet de fleurs joliment soulignées d’un violet noir. Taille pour que forcissent les gousses et déchantent les pucerons qu’il réduisait au besoin au jus de tabac.
Quel plaisir en juin de prélever les longues capsules duveteuses et décoller de leur fourreau velouté ces fèves dont le dérobement de la première peau faisait éclater dans l’assiette un magnifique grain vert amande. Là oubliant toutes spéculations pythagoriciennes ou digressions gréco-latines, je dégustais à la croque-au-sel ce manger des dieux cher à Brillat-Savarin.




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