lundi 16 janvier 2012

BLANCHE ETINCELLE


Dans le précédent opus de Lucien Suel, La patience de Mauricette , on avait laissé, à regret, Mauricette sur la plage de Merlimont, enfuie là avec Alphonsina, l'amie de cavale physique et mentale complices par la grâce des livres et la soif des mots. Elle enterrait dans le sable, à travers des objets symboliques, son passé de douleurs. Sauvée,elle disait face à la mer: Je continue ma vie. Je continue dans ma vie. Je vais l'écrire à Christophe..Je vais le dire sur le papier...je pars en voyage avec Alphonsina...

Dans « Blanche étincelle », nous sommes quelques années après ce grand voyage dont Lucien Suel nous livre quelques flash-back de leur passage en Italie et au Portugal. Alphonsina est morte, Christophe vit à Lille et Mauricette se reconstruit, à Wittebecque un petit village près des boucles de La Lys et de ses lourds souvenirs, entre son chat Avatar et un petit jardin. Et de nouveau l'entremise des mots va permette qu'étincelle le quotidien apaisé mais solitaire de Mauricette. Dans une librairie voisine, Mauricette vient, au même moment qu'une autre femme prénommée Blanche, réclamer le livre qu'elle a commandé. Un Mary Flannery O'Connor. Coup du sort pour un coup de foudre amical. Blanche étincelle nous fait partager les nouements progressifs d'une grande amitié entre les deux femmes et avec, aussi, les deux enfants de Blanche, Benoît et Augustin.

Nous connaissions Mauricette, cette femme très sensible, abîmée par ses drames d'enfance, fine et curieuse lectrice tenant journal, grande amatrice d'art particulièrement singulier. Nous découvrons Blanche une autre grande passionnée de lectures mais aussi de lyrique. Blanche chante et enseigne le chant. La complicité des émotions musicales va beaucoup contribuer au développement de leur entente affective. Mauricette trouve une famille, Blanche une amie disponible et en résonance avec ses propres goûts, Benoît une sorte de grand-mère attentive et Augustin un guide littéraire.

Lucien Suel, à son habitude mais sans naïveté nous brosse de beaux portraits d'humains. Il a le don de nous sauver de notre si tentant pessimisme face à la triste apparence du monde. Il préfère mettre en musique les plus belles cordes des individus. Il prend le cosmos dans son tout mais il le moud par le détail qui fait lueur, qui accorde. Braise rouille de rouge-gorge, étincelle de la voix et enflammement des cœurs. Les vies sont âpres mais l'âme peut trouver combustible dans l'admiration ordinaire, l'attention à la chaleur de nos alentours simples. Petite leçon de choses, du chant d'oiseau à la respiration du jardin. L'humanité a toujours son jardinier.

Quant au lecteur il a toujours son poète, son inventeur de mots, son sourcier d'images, son dada friand de collages, son aimanteur d'énumérations, son collectionneur du mot veau. Quant au lecteur il a son orpailleur de livres, son découvreur d'auteurs. Chaque ouvrage de Lucien Suel est un bonheur pour le libraire et pour la bibliothèque l'occasion d'une étagère supplémentaire.

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