dimanche 3 octobre 2010

La France de Depardon



J’ai pris le risque de déplaire à ceux qui ne reconnaitront pas leur France et de réjouir ceux qui apprécient une perception intuitive irréductible à une définition figée de l’identité française.

C’est sûrement cette phrase qui résume le mieux l’esprit du dernier travail de Raymond Depardon, visible à la BNF du 30 novembre 2010 au 09 janvier 2011. 36 tirages très grand format montrant sa France, qu’il a sillonnée pendant cinq ans dans un fourgon aménagé et saisie derrière une chambre photographique 25X20. 36 photos choisies sur 7000 clichés. Cette France de l’entre-deux, villages, gros bourgs, petites villes en périphérie des métropoles qu’il avait quittée dans les années cinquante. Cette France entre péquenots et bobos. Qu’il a roumèguée, comme il dit, ruminée avec l’âme de l’ancien paysan, le cœur du passeur d’humanité, l’œil du poète ordinaire.

Alors il nous donne à voir quelques paysages, beaucoup de boutiques, commerces ambulants, ronds-points, carrefours. Les cadres de vie, avec peu de ciel mais beaucoup d’asphalte d’une province de bric et de broc, qui semble encore goûter l’espace et le luxe du temps. Reliée mais ancrée avec tempérance dans la vie moderne. Nullement cette France des anciens sépias ferroviaires des châteaux et autres lieux pour dépliants touristiques. Une France privilégiant la simplicité. Pas une France terne pour autant car ce qui frappe c’est sa pimpante palette. C’est une France de peinture vive avec ses nombreux rouges, bleus ou jaunes. Pas une France de design mais d’émotion brute.

Une France fortement humaine alors que le photographe a choisi cette fois de ne pas montrer les gens mais leurs lieux d’existence. Et bien qu’absents des photos on ne voit qu’eux dans les reflets des devantures, le goudron des trottoirs, le fléchage des carrefours, la forme des maisons. Partout leurs traces. Bizarrement leur absence formelle dit encore plus sur la géographie humaine et les temps faibles de leur réalité. L’humain est dans tous les petits détails minutieusement prélevés par l’acuité de Raymond Depardon. Le magnifique travail d’un inventeur de nos grottes.

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