mardi 23 février 2010

Grains de lecture 2010/1 LF Céline /Marie- hélène Lafon/Gerbrand Bakker



















Encore une fois, j’ai été le plus souvent emporté par les livres qui me sont venus en ce début d’année. Je ne reviens pas sur Céline, dont j’ai relu Mort à crédit à l’occasion d’une hospitalisation. Cette immobilité opportune m’a donné la longueur indispensable à la pénétration de toute son effervescence créative, la densité lyrique de son style.


La nuit de Fridières ne tombait pas, elle montait à l’assaut, elle prenait les maisons les bêtes et les gens, elle suintait de partout à la fois, s’insinuait, noyait d’encre les contours des choses, des corps, avalait les arbres, les pierres, effaçait les chemins, gommait, broyait. »

J’ai retrouvé dans L’annonce le style si envoûtant de Marie-Hélène lafon qui m’avait bouleversé dans son ouvrage précédent Les derniers indiens .Une langue poncée et poétique en parfaite harmonie avec les paysages et l’atmosphère de son sujet. Une langue toute en rugosité comme les figures taiseuses de ce Cantal où deux solitudes vont par le biais d’une annonce unir leur vertige pour apprivoiser leur environnement humain et élémentaire, l’homme des lumières vertes des massifs centraux et la femme des lumières décapées du nord. L’auteure nous aventure dans la lente maturation d’une confluence amoureuse de deux êtres déchirés. Deux belles âmes puisant force justement dans le rudoiement des circonstances. Elle nous fait toucher le nerf de la beauté.

Une même beauté, par la grâce de son écriture mélancolique et sensuelle baigne le premier livre de Gerbrand Bakker, jeune auteur Néerlandais, Là-haut tout est calme .Un long blues qui nous déchante une vie bouchée entre plat pays et ciel bas de ce bout du monde. Une histoire poignante de destin contrarié, d’amour étouffé sous l’œil aigu d’une corneille mantelée, pointé en permanence sur la touffeur et la monotonie de la vie de ferme où s’englue le héros bafoué. Cet homme définitivement en deuil de son frère jumeau et dépossédé, à sa mort, de ses ambitions littéraires a dû mettre à sa place, la tête sous les vaches, contraint par un père pour lequel il ne sait plus maintenant débrouiller amour et haine. Un père qu’il va, à sa vieillesse, reléguer à l’étage, là-haut pour tenter de revivre. Alors l’auteur nous emmène magnifiquement dans cette tentative désespérée de renaissance, de coup de pied dans le fond trouble des souvenirs. Un beau désenchantement qui nous broie le cœur.

Photo: Marie-Hélène Lafon

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