Dans les toutes premières bouffées d’avril 2009, débarquant de « L’escale du livre », j’avais étiré mes pas vers l’envoutant Parc Floral de Bordeaux, pour y découvrir l’éveil du printemps, l’éclosion des verts tendres, l’enneigement des cerisiers, les brûlures rouges ou violettes des camélias et rhododendrons.
Un an après, c’est à nouveau cette cité qui dénoue mes pas, me coupe d’une longue et douloureuse immobilisation discale, m’offre à lire et relire les craquements printaniers, à mêler mon haleine à leurs exhalaisons.
J’étais, depuis des mois, le « passant immobile », tronc soudé sous terre, privé d'aller au petit bonheur, de rapprocher le monde, d’y circuler pour tout voir et sentir, de toucher la robe des choses. Depuis des mois, j’avais les yeux trop grands pour les jambes.
Un an après, dans cet avril, je retrouve le fil de l’espace, cette capacité à conquérir le monde au coin de la rue, à rencontrer le battement de l’autre.
« Le mouvement dans le temps ou dans l’espace est un acte de résistance au trépas : nous bougeons afin de demeurer. » dit Alberto Manguel.
Bien sûr, dans tous ces mois de bois, quand j’étais arbre, j’ai bougé au vent des feuilles, au chant des becs. J’ai fait de beaux voyages, noirci de belles traversées. Bien sûr les déplacements immobiles de la lecture ou de l’écriture nous donnent des ailes, nous chaussent de bottes traversières. Nous franchissons des taupinières comme des montagnes. Nous allons à dos de vertèbres noires, sur des syllabes ailées au cœur de tous les royaumes. Bien sûr nous courons sur la peau tendue de la terre.
Mais comme meunier à quai du fil de l’eau, meunier attaché à ses voiles, nous écrasons la semence, nous enfarinons le ciel en enviant le pas souple du semeur dans les lignes ouvertes des pages neuves.
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