lundi 5 avril 2010

Il pleut sous nos képis




Très réservé sur l’humain en général, je m’en méfie particulièrement quand il arbore uniforme. Et depuis le Vel d’hiv, les ratonnades d’octobre 61, les lacrymogènes de 68 ou les morts de Villiers-le-Bel, je ne suis guère gendarmophile. Sinon dans l’esprit du Brassens d’Hécatombe. Mais l’habit ne fait pas toujours le guignol. Dans chaque groupe gambadent quelques moutons blancs. Là je veux honorer deux pandores qui sortent positivement du rang. Le premier, Jean Yves Mattély vient d’être radié pour avoir osé publiquement critiquer le rapprochement police-gendarmerie. Le second, dont on ignore le nom, pour l’instant, vient d’être soumis à une procédure disciplinaire, pour avoir publié un poème de soutien au premier. Imaginez, un gendarme le petit doigt sur la plume, vous interpellant en alexandrins. Un képi entre deux alcooltests lisant Victor Hugo, de quoi brûler le premier feu rouge pour le plaisir de l’oreille. Je plaisante mais il faut un sacré courage dans ce monde du silence ou même les vers ne sont pas libres. Rappelons que les gendarmes assimilés à des militaires, contrairement aux policiers, sont astreints à une totale obligation de réserve, autrement dit à la fermer .Alors je ne peux que saluer cet acte de résistance poétique.

Extraits :

IL PLEUT SOUS NOS KÉPIS !

…L’un des nôtres osa parler sans démériter,
Se faisant ainsi le râle de notre douleur…
Il fût vite éliminé par ces fossoyeurs !

Aujourd’hui, Sainte Geneviève saigne et pleure,
Je sens bien ses larmes chaudes sous mon képi,
Comme si sur moi SARKOZY faisait son pipi…

Soldats nous sommes, et c’est debout que nous mourrons.
Et à l’instar de CAMBRONNE, “MERDE” nous dirons.
Nous briserons nos armes, mais nous taire “Pas question !”

Nous ne sommes que des hommes, soldats mais citoyens,
Et nos voix dans l’urne pèsent bien pour un scrutin…
Qu’on les entende ensuite, d’étonnant n’a rien.

Nous taire il ne faut point, surtout si c’est la fin !
Au pays des Droits de l’Homme, on dénie les miens.
Fidèle, loyal je suis, muet je ne suis point.

Même si tout est fini, que prévue est la fin,
Nous n’irons au sépulcre qu’après avoir tout dit.
Geneviève, Chère Patronne, Il pleut sous nos képis !

Adjudant A.

1 commentaire:

  1. Vient de paraître : " Les ratonnades d'octobre". Par Michel Levine
    Editions Jean-Claude Gawsewitch 2011.

    En octobre 1961. A Paris, en pleine guerre d'Algérie, Maurice Papon, préfet de police et chef de la répression, instaure un couvre-feu pour les Algériens, citoyens français de seconde zone : chasse au faciès, interpellations systématiques, bouclages de quartiers, etc. Les conditions de vie deviennent infernales pour des milliers d'hommes et de femmes.
    En protestation contre ces mesures qui rappellent l'occupation nazie, le F.L.N. organise le 17 octobre une manifestation pacifique. Aussitôt, Papon "chauffe ses troupes". La machine à tuer est en marche…On retrouvera des centaines de cadavres dans la Seine.
    Le crime commis, c'est le grand silence de la part des autorités et des médias, un mutisme absolu qui durera longtemps. Pour la première fois, on dévoile ce qui était ignoré de l'historiographie officielle ou soigneusement refoulé. L'auteur s'est livré à une véritable enquête, interrogeant victimes, avocats, témoins.
    Michel Levine revient sur cette période tragique de l'Histoire à l'occasion du 50e anniversaire des évènements d'octobre 1961.

    Michel Levine est historien des Droits de l'Homme. Il a notamment publié chez Fayard Affaires non classées (Archives inédites de la Ligue des Droits de l'Homme).

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