« Il est des mots qu’on peut penser, mais à pas dire en société… » chantait, dans les années 70, notre plus beau postérieur peroxydé Michel Polnareff. « Caténaire » en est-il un ? Dans la démesure où il touche aux joyeux épiciers post situationnistes de Tarnac, peut-être ?
Tout ce qui touche à la vie du rail est, en ce moment, de la dynamite. Ainsi, l’histoire de ce jeune menuisier qui vient d’être entendu pour affaire criminelle, terrorisme et gardé à vue 24h pour avoir reçu de la part d’un collègue de travail un peu taquin un SMS disant : « pour faire dérailler un train, t’as une solution ? » Petite phrase rapportée, à priori, par le vilain corbeau opérateur, donc encaisseur dénué de tout humour et collaborateur expéditif. A méditer...
Pourtant, combien le mot « caténaire » est doux à l’oreille. Pourtant, combien il sonne riche de poésie. Longtemps cantonné adjectif, il signifiait qui s’enchaîne en parlant de certains organes ou qui se produit en chaîne comme une réaction caténaire.
Dans « Réelles présences », George Steiner en fait un très bel emploi : « les conséquences des textes sont de l’ordre de la réaction caténaire, telle que la physique la rapporte. La suggestion verbale, les associations picturales ou tonales, que déclenchent les formes esthétiques engendrent à leur tour d’autres séquences au sein de nous, qui reflètent analogies, réponses ou variantes ».
Aujourd’hui, c’est sous sa forme nominale que le mot électrise le ministère de l’intérieur. Une caténaire, car ce mot a aussi la délicatesse d’être du genre féminin, est, nous dit le petit Larousse, qui l’a mis, quelque peu visionnaire, aussi en illustration, un système de suspension du fil d’alimentation en énergie électrique des locomotives ou des automotrices.
Autrement dit, cisailler une caténaire peut au pire, non pas conduire à un déraillement, mais suspendre momentanément la linéarité d’un déplacement ferroviaire.
Alors pourquoi traiter de terrorisme ce qui n’est que la traduction poétique d’une volonté d’interrompre la monotonie des vies qui arrivent toujours à l’heure ?
Alors pourquoi condamner ceux dont la coupante réaction vise seulement à ralentir la mise aux fers des travailleurs blêmes ?
Alors pourquoi enchaîner ces libérateurs de la vie duraille qui voient la plage sous le ballast ?
Il est des mots qu’on peut penser, mais à pas dire en société…
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