mardi 30 novembre 2010

Dora Bruder



Les aiguilles de l'horloge du jardin des Tuileries sont immobiles pour toujours...On pense à Dora Bruder...la jeune inconnue de Modiano, 1,55m, visage ovale, yeux gris-marron, non pas engloutie dans les puants boyaux de Dora mais calcinée à Auschwitz. Dora avec Anne et toute cette humanité rayée de tout destin. Et nous dans cette nuit de crocs avec cet infigurable mot Shoah pour éclairer ces êtres de boue, nos effrayants semblables. Nos ombres banales.
Et nous, avec quel reste de parole, au pied d'une montagne de chaussures? Pour approcher l'indicible. Pour confondre l'animalité dans une même peau que notre peau. Pour penser la même chair, le bourreau qu'on aurait appelé notre frère sur terre, avec la même forme humaine. Et nous, avec le même sac de viscères devant l'Histoire qui repasse les corps au Cambodge en Bosnie ou au Ruanda. Devant ce temps rouillé.
Il sont en face de moi, l'œil rond, et je me vois soudain dans ce regard d'effroi: leur épouvante...On est devant Jorge Semprun. Devant ce sans visage, revenant de ce voyage au bout du mal absolu. On est avec quelques craies pour rayer les planches des baraques, les wagons de ces trains de marchandises qui coulaient comme de lents vers gris sur le visage mort de l'Europe?Avec quelques mots d'étoiles pour rendre ce temps ineffaçable.

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