samedi 30 janvier 2010

S'ennuageant par le nord


















Dans les degrés vers l’âge de glace
Au bon tiers plein du sablier
Ce diabolo dansant sur la corde
Je secoue mes grains comptés
S’ennuageant par le nord.

Je suis aussi les belles prévisions
Mesurant l’espérance de vie
Toujours en hausse dans le cône
Quand fond celle de la terre
Sous l’homme envahissant.

Je sais que pouvant brasser mon jeu
Une perturbation découd la Manche
Mais je vois le soleil là ce matin
Claironnant dans toutes les vitres
Que l’espérance fait aussi vivre.

Le soleil est là ce matin. A la mi-journée, les nuages d'une perturbation arrivant par la Manche commencent à descendre vers le sud. la pluie est attendue dans la nuit. Le vent de nord-est sensible renforce le froid matinal.

vendredi 29 janvier 2010

Django sur un nuage


Derrière les cordes de Thomas Dutronc, depuis quelques mois, le jazz manouche s’est glissé dans l’oreille du grand public. Les vrais amateurs de ce gypsy jazz swinguent plutôt sur Christian Escoudé, Les frères Rosenberg, Boulou Ferré, Biréli Lagrène, Tchavolo Schmitt, Romane ou Babik Reinhardt. Le fils du grand Django Reinhardt. C’est lui qui a mis cette musique sur un nuage. Django dit Escoudé est intemporel comme Bach ou Ravel, c’était un précurseur, un génie.

Django Reinhard est né le 23 janvier 1910. Il aurait donc 100 ans.

A 13 ans il joue déjà dans les bars. A 18 ans il enregistre son premier disque. Cette même année deux de ses doigts crament lors d’un incendie. En 30, à sa sortie d’hôpital, après avoir reconquis son jeu, il se lance dans le grand bain du jazz. En 1934, il fonde avec Stéphane Grappelli le quintette du Hot Club de France. En 40 il enregistre le très fameux Nuages, en 43 une célèbre Marseillaise avec Grappelli. Avec le groupe d’Ellington il parcourt les Etats-Unis et le Canada. Puis il prend en France le train du Be-bop, toujours à l’avant-garde. Il enregistre son dernier disque en avril 53 avec Martial Solal. Il meurt en mai de cette même année. Il laisse un nombre impressionnant de compositions originales dont Minor swing, Nuages, Djangology, Les yeux noirs, Swing42, Daphné…régulièrement reprises par les meilleurs guitaristes du monde entier.

Google s’est même associé à cette fête du centenaire. C’est dire la pointure du Django.




mercredi 27 janvier 2010

La barque lunaire










Je frôle ma rêveuse
Tes pétales épanouis
Dans leur coucher cerise.

Je respire ma toute nue
Tes parfums endormis
Dans leur barque lunaire.

Je cueille ma confidente
La lumière de mes nuits
Au long de ta beauté.

dimanche 24 janvier 2010

Adieu l'artiste


"Mon cher prisonnier Sudiste
j'ai l'impression que la guerre de Sécession
a cessé c'est sûr
ça c'est sûr...

Si nous autres les Sudistes
on avait été plus nombreux
vous autres les Nordistes
vous auriez pris c'est sûr la pâtée...

Quelques extraits du très célèbre sketches " La guerre de Sécession"
pour remettre tout de suite en mémoire la voix et le visage de Roger Pierre, ici avec son complice Jean Marc Thibault. Ce fin comique et grand comédien, qu'on a pu encore voir récemment dans "Les herbes folles " d'Alain Resnais quitte les plateaux à l'âge de 86 ans. Nous retiendrons sa bonne humeur et sa folie douce des beaux soirs de télé où primait la qualité, soirs antidéluviens d'avant l'audimat.


samedi 23 janvier 2010

A Loulou Alacon











Les yeux de Paul Préboist


Tes yeux sont si globuleux qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les verres de pinard
S'y déverser à pinter tous les soiffards
Tes yeux sont si globuleux que j'en perds la mémoire

A l'ombre des rideaux c'est le pastis troublé
Puis le patron soudain se lève et tes yeux changent
Le mastroquet taille la bavette à l'évier de vidange
Le vin n'est jamais bleu comme il l'est sur les nez

Les vents chassent en vain les miasmes de l'azur
Tes yeux plus que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le nez n'est jamais si bleu qu'à ses engelures

Mère des Sept douleurs ô chien mouillé
Sept caméras ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de bleu plus noir d'être endeuillé

Tes yeux dans le cinéma ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Benny accroché dans la crèche

Une louche suffit au mois de Mai des mots
Pour tous les bouillons et pour toutes les lavasses
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Ecarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'on ouvre une boîte de potage

Cachent-ils des éclairs dans cette vinasse où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme une morue qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
O paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Mérou ma Golconde mes Dindes

Il advint qu'un beau soir mon verre se brisa
Sur des comptoirs que les lavettes essuyèrent
Moi je voyais briller au milieu de la bière
Les yeux de Paul Préboist Les yeux de Paul Préboist Les yeux de Paul Préboist

L. Suel


Le mardi 19 janvier, j'ai trouvé cette perle poétique, pastiche des "yeux d'Elsa" de Louis Aragon sur le site de Lucien Suel "Silo". Ce poème a été publié par la revue Tapin ( voir le site) dans le cadre d'un projet " pastiche 51".
L'ami Suel a dédié ce petit chef-d'oeuvre à Loulou Alacon...formidable non?
Alors dans l'emballement de sa lecture, je me suis permis cette petite suite alexandrine:



Paul Preboist et Moi je trinque



Voilà cher Lucien Suel très grande gueule

De cinoche amuse gueules gueule de bois

Poivrante trogne à rincer l’Alsace et l’Arbois

Mirettes à faire pleurer la veuve et l’épagneul


Au comptoir des brèves dans le rond des bibines

On crache dans la sciure les copeaux gris

On cinoche se poire ripoline la vie

Aux nanars remâchés on se fend la bobine


Au goût sec des choses dans les grands yeux du soir

Quand la chaude marquise rentre de chez Sade

On liche la liqueur on lampe la panade

On boit aux travellings aux veines de vin noir


Dans le gros plan le cœur titube mais tient bon

Silence on tourne on bigle on dévisse

C’est pas tous les jours que l’amour rase pastis

La toile crue boit l’amertume et ses poisons.


Voilà cher Lucien Suel ton Paul Preboist

Et moi je trinque à l’ami la bonne bouille

Le poète ordinaire des grandes vadrouilles

Le patient jardinier des grands émois.


A la vôtre!



Le charmeur de sornettes

Pour qui sont ces serpents Qui sifflent sur nos têtes…pour Lagarde pour Chatel pour Coppé…Sarko ne charme plus l’opinion mais nourrit toujours ses ministres ou autres courtisans de couleuvres. Quand viendra la question de son redoublement de mandat, il faudra additionner ses reculades (…son fiston à l’Epad, Troglio…), ses rebuffades (… avions rafales au Brésil, nucléaire à Abou Dhabi…), ses marmelades (…travailler plus pour gagner plus, l’identité Française…) Celui qui s’agite pour devenir calife à la place d’Obama (dernièrement Haïti) ne fera jamais le poids. Au-delà de sa personnalité c’est son insupportable prétention à tenter de nous faire avaler ses sornettes.

On apprenait hier que Monsieur Troglio abandonnait son jeton de 450 mille euros à Véolia.

Et celui qui l’a nommé, poussé forcément Lagarde à défendre sa double ration, aujourd’hui clame que ce dernier a bien fait de renoncer à l’une de ses avoines. Alors qu’on murmure en coulisse que, bien sûr, c’est encore l’Hyper qui a invité le Pdg à ce demi sacrifice, après avoir mesuré l’impact très négatif de ce doublon à la veille des Régionales.

De toute façon, la morale politique est de nouveau irrémédiablement entachée. Aucun Français ne peut être dupe des petits arrangements entre amis voilant le discours sur la moralisation du capitalisme.

D’autant qu’on apprend ce matin que ce même Troglio va percevoir De Véolia un complément de retraite de13 millions d’euros, la fameuse retraite chapeau. Donc en résumé, ce monsieur qui a plus de soixante ans va palper par an 1,6 milllion d’euros d’Edf et 700 mille euros de retraite, soit 2,3 millions, soit 6300 euros par jour.

Pour rappel, le smic est à 1337,70 euros par mois et la retraite minimum 633,61 euros, soit pour un smicard 45 euros par jour et pour un pauvre retraité néanmoins pauvre 21 euros.

C'est-à-dire que ce goinfre vaut pour nos bling bling 300 fois plus.

jeudi 21 janvier 2010

Que les gros lèvent le doigt !

Bien sûr le monde est ainsi, il y a toujours eu deux mesures et deux poids. Ainsi ce matin on apprenait que les passagers obèses voyageant sur Air France-Klm, ne pouvant voyager sur un seul siège, devront payer une deuxième place à 75% pour pouvoir prendre un vol.
Interrogée la porte-parole des avionneurs nuance Non ces personnes ne sont pas obligées, mais nous leur offrons la possibilité d’en réserver une deuxième si elles le souhaitent, avec une réduction de 25%... Et elle ajoute Cela leur donne la garantie de prendre leur vol. En précisant Si au moment de l’embarquement, l’avion n’est pas plein, nous la lui remboursons. Prendre une deuxième place, c’est s’assurer de pouvoir faire le voyage…C’est ce qu’on peut appeler une double peine quand ,en plus, on entend ce matin que la grippe H1N1 est officiellement enterrée comme les vaccinations sauf pour les personnes à risques, enfants, femmes enceintes et …frappés d’obésité.
Mais tous les gros ne sont pas assis à même enseigne. Prenez Henri Proglio, gros poids de l’entreprise. Il va pouvoir additionner salaire d’EDF 1,6 million d’euros et indemnité de Veolia de 450.000 euros. Avec la bénédiction de l’état. On supputait que cet individu avait forcement grosse tête pour arborer deux casquettes mais postérieur à occuper deux siège fussent-ils éjectables ? Quelle assise ! Pour se défendre la ministresse financière argue qu’avec un tel pécule cette large pointure n’arrivera qu’en dix neuvième place au classement des rémunérations des principaux dirigeants .Voilà de quoi clouer le bec étroit et la ridicule jalousie du moindre smicard. Et puis sans ce culmul, notre big brother aurait pu envisager de se délocaliser vers des paradis moins fiscaux. Non ce Proglio n’est pas un ogre. Un gagneur qui va faire grossir ses entreprises mais en leur faisant, sans doute, au passage subir une petite purge pour booster leur rendement voire les marier .Mais ceci est une autre histoire d’appétit.
La seule vraie question c’est de savoir combien de places ce balèze devra réserver sur ses prochains vols Air-France-klm. Mais au fait ne dispose-t-il pas d’un zinc personnel ?

mercredi 20 janvier 2010

Le spectacle du monde

« Un scoop ne devrait pas être recherché à tout prix »… Ce propos de Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée et donc probablement inspiré par son tôlier met en grand émoi le monde journalistique. Il vient après l’enlèvement de deux journalistes de France Télévision en Afghanistan. Evidemment cette déclaration assortie de l’argument du coût qu’entraine chaque opération de libération d’otages apparait d'autant plus choquante qu’elle semble remettre en question la première mission du journalisme qui est d’informer… à tout prix.
Pourtant ce propos sous-tend une interrogation pertinente voire perfide. Les journalistes, grands reporters sont-ils réellement en quête d’informations ou envoyés pour faire sinon des scoops quelque peu du sensationnalisme. Le traitement par Les JT du drame Haïtien peut semer le doute. Il est clair malheureusement qu’il est surexploité pour l’audimat et trop souvent manipulé, enfants pour les larmes, pillards pour la peur et comme dans tous les séismes précédents, gros plans sur les rescapés des ruines…
Ainsi Lundi soir, sur antenne 2, on pouvait assister à la dramaturgie, la véritable mise en scène d’une histoire isolée, le destin d’un enfant blessé et en voie d’adoption au cœur d’un orphelinat dévasté finalement pris en charge devant les caméras par les bons journalistes et sauvé…Un beau mélo, efficacement bobiné, réel probablement mais bricolé vers le conte et mis en oreille comme au ciné par une envoyée spéciale Maryse Burgot dans une tonalité bien serrée d’émotion et conduite avec l’allégresse nécessaire à l’essorage des cœurs.
Là le mot « spectateur »prend toute sa charge. Mais qualifie-t-on autrement que téléspectateur celui qui regarde le journal télévisé ? Alors pourquoi attendre de ses fabricants qu’il bricole autre chose que du spectacle ? Naïveté. Mais alors les scoops et belles histoires qui alimentent l’audience doivent-ils être recherchés à tout prix ?

J’oubliais. Le lundi Le Monsieur Loyal du petit écran, un certain David Poujadas, le prestidigitateur du journal, présente « la question de la semaine », souvent très très osée…
Cette semaine la question est : « donnerez-vous de l’argent pour Haïti, »…
Ah ? faut voir la fin du spectacle….

mardi 19 janvier 2010

Le poinçonneur des mots



C’est nous les déménageurs de piano
Des Steinway des Pleyel et des Gaveau
Du tintement des pourboires économiques
Nous on connaît la musique
Pour ce qui est du reste ça c’est pas nos oignons
Artistes nous on ne l’est pas pour deux ronds
Quand la musique vous a brisé les reins
Y’a pas de charleston qui tient

Pour nous prendre aux tripes
Faut se lever de bonne heure
Dire qu’il y a des types
Qui sur c’t’engin d’malheur
Arrivent à faire croire
A tous les ballots
Que la vie c’est comme au piano

D’lamour ils en font tout un cinéma
A les écouter de vrai Y’aurait que ça
Qu’est-ce qui resterait pour les déménageurs
Qu’en ont des tonnes sur le cœur
Il nous resterait qu’à nous noircir sur le zinc
Mais là encore faut se farcir le bastringue
Il se trouve toujours parmi nous un toquard
Pour y glisser ses pourboires

Pour nous les faire taire
Y’a vraiment qu’une façon
Les envoyer faire
Un p’tit tour au charbon
Sur le piano massacre
De la réalité
Ils toucheraient du doigt la purée

C’est nous les déménageurs de piano
Des Steinway des Pleyel des Gaveau
Du tintement des pourboires économiques
Nous on connaît la musique
Au fond à quoi qu’ça sert de discuter
Comme l’a dit l’autre « à chacun son métier »
Tirer sur le pianiste c’est pas not’ boulot
Nous on tire sur le piano.



Gainsbourg est à l’affiche grâce à Joann Sfar. Celui pour qui la chanson était un art mineur , pensant à sa passion manquée la peinture, restera comme l’artiste majeur de cet art populaire. Habile tailleur de mots mais surtout le plus haut couturier mélodique. Ses textes tiennent la lecture sans musique mais, sans son écrin, ne restent que des dessous chics. Ce « charleston des déménageurs de piano » est une de ses premières chansons.

dimanche 17 janvier 2010

INVICTUS



C’est ainsi que Clint Eastwood a baptisé son dernier grand opus. Invaincu !

Plus il vieillit, plus il sort les grands crus. Il est loin le Harry primaire et expéditif, le cow-boy fringuant et pistoléro, le justicier des hautes plaines ou le cavalier pale. Son héros cette fois s’appelle Nelson Mandela, le survivant de trente années de bannissement, le résistant des townships, et il fallait la manivelle d’un chevronné pour oser mettre en scène ce président magnifique, de la carrure d’un Luther King et de la force d’un Gandhi.

Et pour mettre en lumière l’intelligence politique et la grandeur de cet homme il a choisi sa très habile implication dans l’histoire de l’équipe Sud-Africaine de rugby, au moment de l’organisation par son pays de la coupe du monde.

Une fresque Historique qui a la beauté de la fable. Faire le choix d’imposer son autorité en respectant ses anciens geôliers et en s’opposant au désir de vengeance des siens arrivés au pouvoir. Pour imposer le nouveau métissage de l'état, redonner paradoxalement des couleurs aux anciens maillots de l’apartheid. Pour asseoir l’idée de changement sans violence, ouvrir tous les cœurs au support d’une équipe conservée malgré sa couleur univoque.

Evidemment du nanan pour Eastwood qui adore ficeler les petites et la grande histoire même si parfois il a l’admiration un peu appuyée. Il a volontiers la caméra lyrique et ne ménage pas les effets d’âme. Comme dans ses autres films, compositeur lui-même, il a toujours le juste accompagnement musical. Sans compter un acteur formidable Morgan Freeman.

Un très réussi portrait donc de ce capitaine indomptable Nelson Mandela qui a forgé son destin dans la lecture en prison d’ Invictus ce poème de William Henley :



Invictus



Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbow'd.

Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate:
I am the captain of my soul.

vendredi 15 janvier 2010

Blues du chanteclair



Planté là c’est le cri
Le fouet du clocher
Son envolée d’aiguilles
C’est le grand éclat nègre
Sur le quignon du noir
L’éreintement du rêve
Des alcôves laiteuses.
Planté là c’est le rire
Des fêlures bien fraiches
Le frimas des poucets
Sur leur tas de cailloux
C’est le big coup de cuivre
Dans les plumes des roses
Le grincement des vents.
Planté là c’est le chant
La pierre du clocher
Dans la meule douillette
C’est le sec coup de dé
Dans le tabac des aubes
La matinée neigeuse
Dans la chambre à ras plis.

Sur photo de Michel Godeau

mercredi 13 janvier 2010

Salut Solo




La liberté se pave d'un linceul de regrets. Mais ai-je vraiment eu tort.
Tous les chemins ne mènent-ils pas à la mort? Qui n'échangerait pas cent ans d'ennui contre trente cinq ans de vie. J'ai voulu voler pas voulu marcher voulu réchauffer ma couenne de papier. Voilà ce que Mano Solo chantait en 1997 sur "Je ne sais pas trop". Sa voix déchirait la chambre de Manon ma fille. Sa voix en douleur rockant sa colère contre le chômage ou l'exclusion, guinchant l'amour, flamenquant le cafard ou bluesant le sida. Ces paroles collées à la peau qui bouleversaient ma fille.
J'entendais cet à vif en sachant qu'il criait la brûlure de ces années sida qui mettaient en lambeaux ma propre jeunesse libérée et chantante, mes illusions de lendemains révolutionnaires, de plein emploi, bonheur acquis et sans préservatif...
Mano Solo de son vrai nom Emmanuel Cabut, fils de Cabu ne perdra pas sa colère dans de tristes vieillissements. Il est mort ce 10 janvier à 46 ans.
Je pense à ma fille.

mardi 12 janvier 2010

De l'hermine à Blanquette


Alors Monsieur Seguin a soufflé sa dernière gitane. Il va retrouver le fumeur de havanes et surtout sa douce bêlante des montagnes, Blanquette avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande. Son houppelande, à lui, était d’hermine, celle de président de la cour des comptes. Son caractère était bien corné. Mi chèvre mi chou, écorché qui ne s’aimait pas, ombrageux romantique, il préférait visiblement le grand air et la liberté, l’herbe savoureuse, dentelée, faite de mille plantes. Finalement inclassable, idées à gauche, fréquentations à droite, un gaulliste à ambitions sociales aussi rare aujourd’hui qu’un gaulois dans le marigot sarkosiste. Un qui refusait la longe et le troupeau bêlant qui avait vu noirci sur les murs de sa cité « Ben Seguin »pour sa politique locale en faveur des immigrés maghrébins et que devait brouter l’identité nationale, lui né à Tunis en 1943.

Alors qui l’a poussé de Tunis à Epinal, outre les circonstances de l’Histoire. On aime l’idée de la montagne, d’être du parti des chèvres libre malgré le loup, même avec le loup dans les grandes campanules bleues, les digitales de pourpre à longs calices, toute une forêt de fleurs sauvages débordant de sucs capitaux. Foin d’image d’Epinal, les loups ne l’ont pas mangé qui se complaisent aujourd’hui en compliments unanimes mais c’est de coutume post mortem. Sarko n’aura plus à redouter ses colères, ses rejets, ses cornes dans les comptes de la république et du palais, ses jets de fumée et sa carcasse qui faisait de l’ombre.

L’une après l’autre, les étoiles s’éteignirent. Blanquette redoubla de coups de cornes, le loup de coups de dents…Une lueur pâle parut dans l’horizon …Le chant du coq monta d’une métairie…

E piei lou matin lou loup la mangé !

lundi 11 janvier 2010

Dimanche à l'hosto...


Remonter le temps ne remet ni les pendules à l’heure ni de l’huile dans les articulations mais fait du bien à la nostalgie et débloque au moins la cortisone des lamentos. Se pencher sur soi c’est sous doute mal de romantique égotiste mais de temps en temps le corps y trouve consolation, comme neige sur jambe de bois.
Manège des flocons qui emmitouflent les choses, les endorment jusqu’au boueux détraquement et ruissellement des blancheurs. Passage des yeux d’enfant aux sentiments mitigés d’adulte, pris entre la féerie des langueurs virginales et l’impatience du quotidien économique qui doit chanter même sous l’intempérie surtout pas glisser se gripper malgré les belles ritournelles vaccinales. Pourtant sans tomber dans le blanc manteau cet amortissement neigeux du monde, cet ensilencieusement, cet effacement ébloui ne peuvent mieux définir la page blanche. Et quand cette page s’ouvre à la genèse d’une nouvelle d’année c’est comme un petit miracle.
Dimanche 3 janvier je n’étais pas à Orly avec Gilbert Bécaud pour voir les avions s'envoler au dessus des sillons crachoteux du teppaz, dimanche 3 janvier j’étais à l’hosto regardant du septième, qui n’avait rien d’un ciel, voler bas et sirèner samu et pompiers. C’est pas planant l’hosto avec son codétenu encore un peu plus mal qui vous serre dans ses yeux, vous crachouille difficilement sa vie et ses peines de corps. Et quand côté fenêtre tombe la neige comme s’embrumait Adamo, ce soyeux cortège dans lequel on veut se fondre peinard.
A l’hosto c’est pas la surpopu ni le mitard, mais bien un peu la cellule de la Santé où l’intime devient aussi flou que les contours gommés de blanc.
Bloqué là sept jours sous les congères douillets des couvertures, j’avais comme vade-mecum emporté « Mort à crédit » de L-F Céline. Non pour le titre, encore qu’il fleure la violette des vœux, mais pour ses 623 pages chez Folio et comme on dit écrites petit. Il y a vingt ans que je n’avais pas relu le sulfureux, choix radical de mes printemps de barricades et d’opposition tout azimut. Alors dans l’intimité de la douleur, j’avais décidé de titiller mes principes et quel bonheur !un style foudroyant : Les bains de mer, c’était du courage. C’est la crête fumante, redressée, bétonnée de cent mille galets, grondante qui s’écrase et me happe. Transi, raclé, l’enfant vacille et succombe…Un univers en cailloux me baratine tous les os parmi les flocons, la mousse. C’est la tête qui branle d’abord, qui porte, bascule pilonne au fond des graviers…Chaque seconde est la dernière…Quand la furie me bute au fond, je remonte râler en surface…Je vise le temps d’un éclair qu’ils discutent sur mon agonie…Ils sont là de toutes les couleurs : des verts…des bleus, des ombrelles, des jaunes… des citron…Je tourbillonne dans mes morceaux…
C’est dans les nœuds d’enfermement qu’on mesure la chance d’avoir enfant, parce que maladif comme on disait, été emmené à la fête foraine des mots et au tournis des pages sous la neige rêche des draps.
Les enfants s’ennuient le dimanche. Le dimanche les enfants s’ennuient. En knikerbockers ou en robe blanche, le dimanche les enfants s’ennuient. Vienne, vienne la semaine, lundi, mardi, jeudi Car la rue est toujours pleine de lumière et de bruit, chantait Charles Trénet. Mais à Orly ou à l’hosto le cœur peut parfois aussi s’envoler, certains dimanches dans les nuits blanches.

vendredi 1 janvier 2010

Grains de coeur



A vous toutes amies ou inconnues, à vous tous amis ou inconnus lectrices et lecteurs de grains d'encre je vous souhaite bonne année et santé. Que 2010 soit pour vous plein de grains de bonheur.


Photo- montage/Lou Sautreau